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Togo : Le compteur de la dictature remis à zéro

Publié le mardi 8 février 2005 à 07h28min

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Piètre héritage que celui laissé par le défunt président togolais Gnassingbé Eyadéma. Après avoir opprimé trente-huit ans durant, son peuple, l’ancien homme fort du Togo a légué en héritage aux Togolais assoiffés de liberté et de justice, une dictature grotesque.

A peine a-t-il tourné le dos à la vie et ouvert la porte de l’au-delà, qu’une grosse bourrasque d’incertitudes et de scepticisme souffle sur cette petite ex-colonie française.

Car le coup de force constitutionnel opéré samedi dernier, et qui permet à Gnassingbé-fils de perpétuer le règne du clan Eyadéma, montre que la fin de la dictature n’est pas pour demain. Après ce coup de force constitutionnel, le peuple togolais, demeuré longtemps éprouvé, presque résigné, et qui attendait peut-être que Dieu fasse son oeuvre, se surprend à constater que le compteur de la dictature a été pratiquement remis à zéro.

Eyadéma-fils, s’il est effectivement installé dans ses fonctions, suivra-t-il les traces de son défunt père qui a régné sans partage sur l’ancienne colonie française ? Là n’est pas encore la question. L’évidence, c’est qu’il a usurpé le pouvoir, donnant raison à ceux qui qualifient le Togo d’être une monarchie. L’Union africaine, qui a condamné le coup de force de l’armée togolaise, ira-t-elle jusqu’au bout de sa logique ? Assistera-t-on à la mise en place de sanctions ciblées ? Quelle sera à présent la réaction du peuple togolais ?

En passant outre les dispositions prévues par la Constitution, le régime de Eyadéma rompt totalement avec la démocratie, avec sans doute pour seule finalité de maintenir un système impopulaire et vermoulu. Les dispositions de la Constitution sont pourtant claires. En cas de vacance du pouvoir, l’intérim de la présidence doit être confiée au président de l’Assemblée nationale jusqu’à l’organisation d’élections libres dans le délai de 60 jours.

Pourquoi n’avoir pas laissé la transition suivre son cours, afin d’ éviter ce vilain scénario ? Puis, remettre le pouvoir au peuple qui, seul, est à mesure de dire qui est capable de le gouverner ? En vérité, si la Constitution a été bafouée par l’armée togolaise et la prise du pouvoir légalisée plus tard par les députés togolais, c’est que l’armée et tous ces prétendus démocrates ont peur que le pouvoir bascule du côté de l’opposition. Alors ont-ils pensé aux risques de dérapages ? Ont-ils songé à l’intérêt général du peuple togolais ?

La page qui s’est refermée avec la disparition du président Eyadéma devait être une chance pour le Togo et une occasion de remise en selle de l’Etat. Car voilà un pays qui a été plongé dans un marasme économique sans précédent, après qu’un embargo lui a été imposé par l’Union européenne en 1993 pour "déficit démocratique", voilà un pays très endetté, quasiment isolé sur la scène internationale.

Le président Eyadéma était visiblement usé par le pouvoir et donc incapable de le gérer. Il s’était engagé à démissionner en 2003 au terme de son second mandat électif et avait finalement décidé de "se sacrifier une fois de plus" après une retouche de la Constitution. Il s’était aussi engagé à ouvrir un dialogue avec l’opposition et à organiser de nouvelles élections législatives. Mais ces réformes politiques n’ont pas vu le jour et le pays n’a cessé de plonger dans l’abîme.

Et si durant 38 ans de règne, il a réussi à conserver son fauteuil, c’était par la force et par la loyauté de son ethnie d’origine, les Kabyé. Au Togo, la fracture ethnique n’a jamais été aussi nette. S’il s’est longtemps accroché, c’est aussi par l’armée, totalement acquise à sa cause. C’est elle qui dicte les règles du jeu. Mais en confiant le pouvoir à Faure Gnassingbé, elle ne rend pas du tout service au Togo. C’est aussi le cas de la France qui a toujours soutenu le régime du président Eyadéma, "un ami de la France et un ami personnel" de Jacques Chirac.

Le Grand Timonier a longtemps entretenu un mythe sur son immortalité. C’est lui qui a survécu à plusieurs tentatives d’assassinat, à un accident d’avion et à une série de violentes manifestations contre son régime dans les années 1990. Mais comme on le constate, nul n’est éternel sur terre. Certains dictateurs devraient méditer sur cette leçon et avoir à l’esprit que ce qui importe, après leur règne, c’est de laisser une bonne image de leur personne.

Le Pays

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