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L’armée togolaise largement condamnée après la mort d’Eyadéma

Publié le lundi 7 février 2005 à 08h42min

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Au lendemain de la mort de Gnassingbé Eyadéma, doyen des dirigeants africains, de nombreuses voix ont accusé dimanche l’armée togolaise d’avoir porté atteinte à la constitution du pays en désignant un fils du président décédé pour lui succéder.

Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, a dit espérer que les autorités togolaises prendraient les mesures nécessaires "pour préserver la stabilité du pays et garantir un transfert de pouvoir pacifique et conforme à la constitution".

Les dirigeants de l’Union africaine (UA) ont condamné la désignation à la présidence de Faure Gnassingbé, fils du défunt président, en y voyant un coup de force militaire.

La France, ancienne puissance de tutelle du Togo, a jugé "indispensable" le "strict respect de la légalité" pour assurer l’intérim du pouvoir au Togo. L’Elysée a par ailleurs fait savoir que Jacques Chirac étudiait avec plusieurs dirigeants africains les moyens de faire respecter les dispositions constitutionnelles au Togo.

Dans l’entourage du président français, on a déclaré que Paris était "solidaire de la condamnation par l’Union africaine de toute forme de coup d’Etat".

Le chef de l’Etat nigérien Tandja Mamadou, président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a estimé pour sa part que rien ne pouvait justifier une prise du pouvoir par la force et a exhorté le Togo à rétablir l’ordre constitutionnel.

En vertu de la constitution togolaise, l’intérim présidentiel doit être confié au président de l’Assemblée nationale et un scrutin doit avoir lieu dans les 60 jours. Mais les autorités militaires du pays ont fermé les frontières togolaises et investi Faure Gnassingbé président samedi soir.

"LA LUTTE CONTINUE"

La nomination du fils d’Eyadéma, âgé de 39 ans, a été annoncée à la radio par le général Zakari Nandja, chef d’état-major de l’armée. Il a fait valoir que le président de l’assemblée, Fambaré Ouattara Natchaba, était "absent du territoire national" et que le pays faisait donc face à une "vacance totale du pouvoir" justifiant la décision de l’armée.

Tandis que la nouvelle du décès d’Eyadéma se répandait, des habitants de Lomé sont rentrés précipitamment chez eux et certains étrangers se sont calfeutrés dans des hôtels par crainte de troubles. Mais le calme est revenu après que l’armée eut annoncé qu’elle remédiait à la carence du pouvoir.

La télévision nationale a diffusé des images de Faure Gnassingbé - civil à qui avait été attribué le poste influent de ministre des Mines et de l’Equipement en 2003 - avec des membres de la haute hiérarchie militaire, issus le plus souvent du clan d’Eyadéma établi dans le nord du pays.

Dimanche matin, les taxis circulaient normalement et des habitants se rendaient à l’église. Les médias officiels diffusaient de la musique religieuse et les émissions de Radio France Internationale ont repris après une interruption nocturne.

"Rien n’a changé. La lutte continue", a déclaré le dirigeant d’opposition Gilchrist Olympio, fils du premier président togolais tué lors d’un coup de force opéré en 1963 par Eyadéma - alors jeune sergent de 27 ans.

AUTORITARISME

Eyadéma est mort samedi après 38 ans de pouvoir alors qu’on l’évacuait pour qu’il reçoive des soins médicaux non précisés à l’étranger. Il était âgé de 69 ans.

En 1967, il s’était emparé du pouvoir et, depuis lors, régnait quasiment sans partage sur le petit pays ouest-africain de 5,5 millions d’habitants. Il avait néanmoins survécu à plusieurs tentatives d’assassinat, à un accident d’avion et à de violentes manifestations contre son régime dans les années 1990.

Né le 26 décembre 1935, ancien champion de lutte, Eyadéma aimait les costumes sombres et apparaissait rarement sans lunettes de soleil.

Sur le plan intérieur, on lui reprochait son autoritarisme et la lenteur des réformes politiques. A l’échelle régionale, il avait joué le rôle de médiateur dans divers conflits, notamment celui de Côte d’Ivoire.

Eyadéma était un proche de Jacques Chirac, qui a rendu hommage samedi à "un ami de la France" et "un ami personnel". Plusieurs centaines de soldats français stationnent en permanence à Lomé.

L’organisation Amnesty International avait accusé les troupes d’Eyadéma d’avoir tué des centaines de personnes au cours de l’élection présidentielle de 1998, dont il avait été proclamé vainqueur après un brusque arrêt du dépouillement.

La disparition du dirigeant togolais intervient au moment où son pays cherche à nouer de nouvelles relations avec l’Union européenne, qui avait gelé son aide au Togo en 1993 en le taxant de "déficit démocratique". La mesure avait été levée sous réserves en novembre dernier. En avril 2004, Eyadéma s’était engagé à ouvrir un dialogue avec l’opposition et à organiser de nouvelles élections législatives.

par John Zodzi
Reuters

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