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Des obligations islamiques comme correctif à la crise financière internationale

Publié le dimanche 30 mars 2014 à 09h19min

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La persistance de la crise financière a conduit certains leaders européens de premier plan à envisager l’introduction de la SUKUK, l’obligation islamique comme solution possible. Ainsi, George Osborne, Ministre anglais rêvait dans les colonnes du Financial Times, fin 2013 de faire de la place Londonienne, le premier émetteur d’obligations islamiques hors du monde musulman.

Il faut rappeler que la finance islamique normée aux impératifs moraux stricts, ne date point d’aujourd’hui. L’Empire ottoman au 18e siècle la pratiquait de même que le gouvernement de la Saxe-Anhalt (Allemagne) et ce depuis 2004. Quels sont ces impératifs moraux attachés à sa pratique ? Il y a d’abord, l’interdiction stricte du paiement d’intérêts suivant la Sharia. Il y a ensuite, le non investissement de ces fonds dans des activités illicites comme la drogue, l’alcool, la prostitution etc. Il y a enfin, le fait que la Sukuk maintient comme investissement, impératif qu’une partie soit un actif sous-jacent et producteur de revenus. Ce qui autorise les profits et pertes comme toute transaction commerciale. De ce fait même, il est institué une corrélation entre la dette contractée et les revenus à générer de cet actif. Il en résulte, positivement, un coup d’arrêt à l’hyper endettement qui, ajouté à la spéculative sur des dérivés virtuels, ont été le fuel de la crise de 2008.

Le contribuable a payé pour les banques

Le deuxième gain, c’est qu’en étant formellement une transaction commerciale, il autorise le principe de l’encaissement des bénéfices mais aussi, comme présupposé éthique théorique, la possibilité de pertes et auquel cas, l’équité morale qui sied, exige que ces pertes soient partagées par toutes les parties. Cette clause de l’équité morale dans la répartition des pertes n’aurait eu aucune conséquence en termes de décaissement pour les finances publiques lors de la crise de 2008. Il faut se rappeler que ce que l’on désigne comme crise des subprimes a assuré aux banques, non des pertes à partager, mais plutôt des fonds frais venant du contribuable lambda. L’argent public au secours des hypostases spéculatives sur du virtuel ; activité à laquelle les banquiers s’étaient adonnés éperdument. A New York, le refrain populaire était : man street, don’t pay for Wall Street (“l’homme de la rue ne doit pas payer pour Wall Street). Et pourtant, il l’a fait. Les banquiers ont pris des risques hyperboliques sans lien aucun avec l’économie réelle (actifs et existence de marchandises) et les citoyens ont été amenés à couvrir ces risques.

La finance libérale, une atteinte à la cohésion sociale

L’injustice de ce système néo-libéral ne peut advenir lorsqu’il s’agit de finance islamique. Puisqu’elle opère sur l’économie réelle et au surplus, tempère la gourmandise des investisseurs par la possibilité de pertes à partager et finalement, interdit l’irresponsabilité des acteurs portés à faire des anticipations toujours plus virtuelles que les spéculations d’essence philosophique. Sauf que la spéculation philosophique ne ruine point le citoyen lambda. Au contraire, elle le réarme d’esprit critique pour s’engager et engager sa vie en assumant sa responsabilité morale, civile et pénale. La finance néolibérale intervient donc comme atteinte à la cohésion sociale, à la socialité dont les êtres humains sont porteurs du fait qu’ils sont humains comme Aristote le pensait. C’est en ce sens que le sociologue américain, Richard Sennett de la London School of Economics postule la fin calamiteuse imminente du néo-libéralisme financier. A l’inverse, la finance islamique, qui opère avec le schème de l’argent comme instrument de paiement d’un actif ou d’une marchandise, limite drastiquement les élans d’irresponsabilité co-extensifs à la finance néo-libérale en vogue sur les places financières du monde. L’on peut donc asserter que la finance islamique, raisonnablement, offre le meilleur scénario de survie, un scénario d’honneur aux banquiers de Wall Street. Il n’est donc pas étonnant, que le Ministre George Osbonne, dans un effort d’anticipation raisonnable, parie sur ce meilleur en devenir. Il a analysé tous les enjeux, leur ressort, les tenants et les aboutissants et tirer toutes les conséquences pour la place de Londres. La finance islamique comme produit bancaire mérite d’être essayé.

Il convient d’être intégré comme tel et surtout au regard de tout le potentiel qu’il représente en termes d’argent frais pour l’économie réelle, celle qui crée, préserve des emplois. En outre, au lieu de dépouiller le citoyen lambda, ce produit bancaire lui assure sérénité dans la dignité du travail tout en permettant à l’Etat, d’engranger des impôts et taxes. Entre ces deux types de finance, la comparaison porte sur l’exigence de réaffirmer la socialité des humains par une éthique transactionnelle responsable ou la désarticulation du lien social par quelques’ uns qui privatisent les gains et socialisent les pertes, choix risqué pour la cohésion sociale.

Mamadou Djibo, Ph.D.

Philosophe des Sciences

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