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Conflits intercommunautaires de Zabré et de Guénon : Jonathan Ouoba analyse le traitement de l’information

Publié le mardi 25 mars 2014 à 15h58min

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Conflits intercommunautaires de Zabré et de Guénon : Jonathan Ouoba analyse le traitement de l’information

Après trois années passées à l’Institut des sciences et techniques et l’information et de la communication (ISTIC), les élèves-conseillers vont bientôt rejoindre les différents services de rédaction ou autres services de communication. Mais avant, ils devraient présenter leur mémoire de fin d’étude devant un jury. Mission accomplie pour Jonathan Ouoba qui a choisi d’analyser le traitement par la presse burkinabè des conflits intercommunautaires de Zabré et de Guenon.

« Conflits intercommunautaires de Zabré et Guenon : analyse critique de la couverture médiatique par la presse nationale », c’est l’intitulé du thème de mémoire de Jonathan Ouoba. Il a présenté les résultats de ses travaux de recherche le 18 mars 2014 à l’ISTIC. Le jury était présidé par Dr Siaka Ouattara (président), Jean Claude Médah (suffragant) et Dr Cyriaque Paré (directeur de mémoire).

Le directeur de mémoire Dr Cyriaque Paré a exprimé le plaisir qu’il a eu à travailler avec cet étudiant, « studieux et appliqué ». Sans doute, « le bénéfice de sa formation de base de juriste », pense-t-il. Les trois membres du jury ont tous reconnu l’originalité du sujet. Mais, il s’agit d’un « sujet délicat quant à ses implications sociales, politiques et surtout professionnelles pour certains médias », ont-ils admis.En tant que néo-journaliste, Jonathan Ouoba a donc choisi de porter un regard critique sur le travail de ses aînés. Si cette posture peut paraître délicate, « elle a tout de même l’intérêt d’être un regard neuf, voire naïf sur le métier dans le sens positif du terme », souligne Dr Paré.

Et, le néo-journaliste est parvenu àdes conclusions intéressantes qui devraient interpeler aussi bien professionnels de l’information (journalistes, rédacteurs en chef), que les responsables administratifs et politiques ainsi que les acteurs locaux.

Conflits d’une extrême violence

Ces deux conflits intercommunautaire de Zabré et intracommunautaire de Guenon ont particulièrement animé l’actualité nationale en 2012 et 2013. Du fait de leur cruauté. A Zabré, on a enregistré 7 morts, 6 blessés, 41 concessions détruites, 1437 déplacés, 117 personnes interpellés, 306 armes blanches et 07 fusils de calibre 12 saisis. A Guénon, le bilan est aussi cruel : 12 tués (officiellement), des concessions saccagées puis incendiées, plus de 1000 déplacés au Ghana, des salles de classe fermées, des animaux massacrés… Bref, ces affrontements ont connu une violence extrême. Ces deux conflits posent le problème de la cohabitation entre les éleveurs Peulhs et les autres groupes ethniques ainsi que les différends liés à la chefferie traditionnelle, notamment les conflits de succession.

Et, c’est connu, les conflits attirent les médias. Malheureusement, les principes d’éthique et de déontologie se trouvent souvent mis à rude épreuve, au regard des contraintes que présente le traitement de ce type d’actualité. « En période de conflit, il est difficile de distinguer l’information de la rumeur ou de la propagande qui se répandent plus vite », note Jonathan Ouoba. Ainsi en ce moment, la recherche de la vérité devient une quête pénible du fait des difficultés liées à la vérification des faits, au recoupement des sources. « Les témoignages sont fortement emprunts d’émotion, de victimisation et d’accusations », reconnait l’impétrant.

Les journalistes face à l’instrumentalisation

Les journalistes et les médias en général sont en proie à l’instrumentalisation,leur responsabilité s’accroît. Ils doivent informer, mais aussi veiller à la portée de leur message ; le public devient plus exigeant ; les organes de presse sont partagés entre amplification et minimisation des faits. Du fait de cette pression, le traitement de l’information en pareille circonstance ne bénéficie pas du recul nécessaire qu’exige le professionnalisme…, constate le désormais conseiller en sciences et techniques de l’information et de la communication, Jonathan Ouoba.

Le traitement par la presse burkinabè des conflits de Zabré et de Guenon n’ont pas échappé à ces impératifs. Ce thème de recherche a permis à Jonathan Ouobade porter un regard critique sur le traitement des actualités conflictuelles, de relever les insuffisances et de faire des propositions pour une meilleure implication de la presse nationale dans la prévention et la gestion des conflits entre communautés. Pour cela, il a fait recours à deux types de journaux : des quotidiens (L’Observateur Paalga et Sidwaya) et des périodiques L’Evènement (bimensuel) et Bendré (hebdomadaire).

Faible production et manquements à l’éthique

Cette étude révèle que les 4 médias sus-citésse sont intéressés à ces conflits. Mais avec peu d’engouement. Faiblesse de la production et rareté voire absence de certains genres rédactionnels habituellement prisés par les rédacteurs et les éditorialistes sont à noter. Seulement 43 articles pour les 4 médias dont 21 pour l’Evènement.Malgré la faible production, les médias ont tout de même veillé à valoriser les différents papiers produits, notamment par une bonne exploitation de la « Une », des pages impaires et l’emplacement des articles sous les rubriques.

Le traitement de l’information a, quant à lui, connu quelques défaillances relatives au non respect de certains principes d’éthique et de déontologie. « Elles portent sur l’usage de mots et d’images choquantes pour décrire et illustrer lesdits affrontements, mais aussi sur des manquements de la vérité, de l’impartialité et de l’équilibre », souligne l’impétrant. Son analyse révèle aussi que la quasi-totalité des 4 médias se sont contentés d’assurer un service minimum sans autre forme d’engagement. De ce fait, Jonathan Ouoba estime qu’il y a eu déficit dans la prestation de la presse. « Aucune implication véritable en vue d’une gestion efficace et pérenne de ces conflits communautaires, allant surtout dans le sens de l’alerte de ces facteurs conflictuelles, leur dénonciation, leur prévention ».

Outiller les journalistes

Par ailleurs, il estime que la presse burkinabè manque généralement d’anticipation sur le déclenchement des affrontements communautaires, même pour ceux dont les tensions couvaient depuis belle longtemps. C’est pourquoi, il propose d’outiller davantage les journalistes burkinabè par des formations à la base et des recyclages. Ce, en vue de leur donner des aptitudes complémentaires pour mieux couvrir ces types évènements, pour mieux les analyser afin d’identifierles véritables racines de ces instabilités sociales. Car, actuellement, sur 40 journalistes approchés, seulement 11 (soit 28%) disent avoir reçu des aptitudes complémentaires pour la couverture de tels évènements.

Ce travail de recherche a été jugé recevable par le jury qui lui a décerné la note de 16/20.

Moussa Diallo

Faso-tic.net

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