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Ukraine : Crimée et référendum

Publié le samedi 22 mars 2014 à 21h14min

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Ukraine : Crimée et référendum

Les séparatistes de la Crimée ont tenu et remporté leur référendum de rattachement à la Fédération de Russie. Il s’agit d’un séparatisme juché sur l’arithmétique électorale. Cet état de fait jugé illégal par les puissances occidentales fait écho à la destitution forcée du Président Ianoukovitch. Le Président Poutine va-t-il pousser plus loin son avantage vers l’est de l’Ukraine pour mieux incarner le destin de Pierre le Grand que soupçonne l’Occident ?

Certes, il y a le chiffon rouge des sanctions économiques et diplomatiques, agité par les puissances occidentales. Est-il suffisant pour arrêter cet élan de restauration et de sanctuarisation de l’étranger proche défini par la Russie, se sentant encerclée par les membres de l’Otan ou ses potentiels Etats candidats ? Pour les Occidentaux, il y a violation du droit international dans l’exacte mesure où il y a annexion à toutes fins pratiques. Pour la Russie, il y a le constat de la conformité avec le droit international en ceci que le peuple criméen a exprimé sa souveraineté au moyen du vote majoritaire dont personne ne semble contester les conditions de transparence. Mais cet exercice ne le fut point au sein d’un Etat unitaire, reconnu comme tel par la communauté internationale. Mais aussi et surtout, les frontières de l’Ukraine avaient été certifiées pour ainsi dire comme telles après son accession à l’indépendance en 1991 contre son renoncement à son arsenal nucléaire.

Il y a aussi le fait indéniable ressenti par les minorités russophones y compris celle de Crimée qui vivait une situation d’inégalité de traitement comme citoyens par l’Ukraine quant à la langue, la culture. Il s’agit là, de problèmes inextricables quand on sait que les mêmes problèmes dont la connotation ethnique est forte sont à l’ordre du jour au Royaume-Uni avec le prochain référendum de l’Ecosse pour devenir oui ou non un pays indépendant.

Au Québec, si le parti québécois remporte les prochaines législatives, il est fort probable que la Première Ministre, Pauline Marois tente son référendum sur la souveraineté si la question référendaire répond au critérium essentiel de la clarté de la question référendaire suivant l’arrêt de la Cour Suprême du Canada. Lorsqu’un référendum est incompressible, seule la clarté de la question référendaire reste le suprême enjeu, sagesse canadienne.

Si l’on laisse les questions de légalité internationale pour regarder la possibilité des sanctions économiques puisque seules celles-ci peuvent concourir à déconstruire ce fait accompli, les choses ne semblent pas du tout évidentes. Le tissu économique et industriel de l’Ukraine est intimement imbriqué à celui de la Russie. La logique aurait voulu que l’Ukraine scelle son association avec la Russie. Mais contre cette logique économique, les opposants ukrainiens, partageant les valeurs démocratiques de l’Union européenne ont fait barrage à la volonté des dirigeants de prendre en compte cette donne indépassable pendant encore une génération.

Les deux pays perdent au change d’autant plus que l’Ukraine, presqu’en banqueroute, a besoin d’argent frais qui ne suffira même pas pour éponger ses dettes envers la Russie. En outre, la Russie fournit le gaz à l’Ukraine mais aussi à des pays européens comme l’Allemagne, l’Italie et la Bulgarie entre autres, perdront au change si les sanctions devraient frapper durement la Russie. Elle dispose donc de moyens économiques efficaces de rétorsion mais aussi des cartes à jouer sur le cas syrien et iranien. Ces pouvoirs de rétorsion ou d’influence peuvent très bien brouiller les cartes au sein des instances européennes de prise de décision.

Le sort des minorités russophones ou autres disposant d’un territoire bien délimité dans le monde est en jeu ? Lorsque l’histoire bâille, il faut en convenir que la seule condition qui doit être remplie, s’appelle le dialogue que dicte la sagesse. Et cette sagesse conseille de sortir du dogme légalité internationale vs sanctions pour amener le leadership intérimaire ukrainien qui a finalement acquis une victoire à la Pyrrhus, à accélérer les échéances électorales pour mieux configurer l’Ukraine comme entité confédérale. Ainsi les Etats confédérés pourront pleinement jouer le destin de leur géographie humaine, économique et culturelle. Ceci relève de leurs droits sans préjudice des contraintes du durable vivre ensemble.

A l’analyse, l’Union Africaine aurait, peut-être, optée aujourd’hui pour une telle solution au Soudan au regard de la guerre fratricide qui déchire les Sud-soudanais, en proie aux avatars de la séparation et ambitions rivales de ses dirigeants. Dans son ouvrage, Le droit des gens, éd., Esprit, Paris 1997, le philosophe américain John Rawls énumère les six points saillants de ces droits : les peuples sont libres et indépendants ; le respect s’impose par les autres peuples de cette liberté et de cette indépendance ; libres et égaux dans les accords qu’ils donnent ; leur droit à l’auto-défense est affirmé et non celui à la guerre ; le respect du devoir de non-ingérence et respect des traités et engagement et finalement, les restrictions relatives à la conduite de la guerre les obligent.

En définitive, il est possible d’être considéré comme un peuple respectable dans ce monde si de tels principes sont acceptés et pratiqués par le peuple en question sans pour autant adhéré au système démocratique libéral et républicain. Entre les Occidentaux campés derrière la ligne de soupçon assortie de sanctions qu’ils ont tracé et la Russie qui se demande quoi faire de son fait accompli, il y a la conscience critique des enfants de ce vaste monde qui doit apprécier les uns et les autres à la lumière de ces six principes du philosophe Rawls.

Les russophones de Crimée avaient l’impression jusque-là de mener une vie plate. Avec ce référendum, ils découvrent qu’il leur est possible de vivre « grandement ». La légalité internationale peut-elle résoudre durablement des problèmes nés des vécus sociaux et ressenti des minorités ethniques au sein des Etats constitués ?

Mamadou Djibo, Ph.D.
Philosophie

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Vos commentaires

  • Le 23 mars 2014 à 00:50, par Yako En réponse à : Ukraine : Crimée et référendum

    Peut etre avec ce referendum la crimee retrouve sa place naturelle dans la geographie comme quoi l,histoire et la geographie sont intimamente liees.2 lecons a retenir : 1-le president yanukovych tire sa legitimite des urnes c.a.d les deux ukraines une legitimite tout de meme reconnue Quant a son opposition sortie minoritaire des elections accepte mal sa situation.Mais en democratie on gouverne grace a une majorite et malgre une minorite et Quand on veut gagner ce qu,on n,a pu obtenir dans les urnes ca conduit a de telle situation.2 En tout cas pour les Crimeens cette crise les a liberes d,un etat Ukrainien dans lequel ils ne se reconnaissent PAS ,la faute a qui ?les tombeurs de Mr Yanukovych ont la reponse et sont tenus comme responsables de la dislocation de l,etat Ukrainien.

  • Le 23 mars 2014 à 01:23, par Maria de Ziniaré En réponse à : Ukraine : Crimée et référendum

    La Crimée a toutjours appartenu à la Russie jusqu’en 1964 et kroutchev d’origine ukrainienne n´a jamais demandé l’avis des populations quand il a décidé de rattacher la Crimée à l’Ukraine . Maintenant que les population décident par les urnes de retourner à la mère patrie il. Y a rien à dire

    • Le 24 mars 2014 à 11:33, par Marx En réponse à : Ukraine : Crimée et référendum

      Maria de Ziniaré, c’est plutôt 1954 que Khrouchtchev a rattaché la Crimée à l’Ukraine. La Crimée a choisi de "rentrer" à la maison, alors bon retour n’en déplaise aux occidentaux et autres fascistes de l’ouest Ukrainien.

  • Le 23 mars 2014 à 18:52, par Naid En réponse à : Ukraine : Crimée et référendum

    Ich liebe merci pour votre analyse

    • Le 24 mars 2014 à 10:27, par Yako En réponse à : Ukraine : Crimée et référendum

      Quand l’opposition sort des institutions pour mener le combat politique dans la rue forcement ça abouti à des telles consequences.Il est accepté x tous y compris les occidentaux que l’opposition est minoritaire dans le pays mais veut gouverner via la rue et .......!

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