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Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

Publié le dimanche 23 mars 2014 à 20h52min

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Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

Mercredi 12 mars 2014. 16 h 30. C’est la fin d’une étape. De trois jours. La XIIIème Conférence des ambassadeurs a été achevée et Djibrill Y. Bassolé avec pragmatisme, humour et sans protocole vient de prononcer la clôture des travaux. Enfin, presque. Lui doit poursuivre les audiences individuelles et les ambassadeurs et consuls généraux vont devoir plancher sur un document de travail qui, a-t-il prévenu, soit autre chose qu’une redite de ce qui a été dit au cours des conférences précédentes.

Bassolé a insisté sur l’image qui doit être celle du Burkina Faso. « Un pays qui sait bien gérer des ressources limitées ». Il se flatte que les ambassades burkinabè dans le monde ne soient jamais stigmatisées pour des défauts de paiement de loyer. Il entend promouvoir une « image de qualité ». « Nous devons bien plus inspirer confiance que faire pitié, précise-t-il. C’est désormais une position commune à tous les Burkinabè. Vous n’attirez que lorsque vous apparaissez fréquentable. Il faut avoir un look qui rassure ».

Les diplomates, ambassadeurs et consuls généraux, présents à Ouaga ont pu, lors de cette conférence, s’entretenir avec le président du Faso. Pour réaffirmer leur « engagement à être des porteurs de messages de la diplomatie burkinabè auprès des autorités d’autres souverainetés » mais aussi exhorter le chef de l’Etat à mettre « des moyens spécifiques à la disposition des missions diplomatiques et consulaires » pour assurer dans les meilleures conditions possibles la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015.

Bassolé a d’ailleurs conscience du problème : il faut que l’intendance suive ! Et c’est pourquoi a-t-il dit, il faut « anticiper sur un certain nombre de problèmes » en fonction de la taille des populations de Burkinabè résidant dans le pays d’accueil. Ce n’est pas un hasard si l’opération « d’identification » et d’établissement des cartes consulaires a d’ores et déjà été lancée en Côte d’Ivoire qui compte la plus forte communauté de « Burkinabè de l’étranger ».

« La diaspora doit s’intégrer de manière harmonieuse et fructueuse » a affirmé Bassolé. En la matière, c’est aujourd’hui qui tout commence avec la IVème assemblée générale du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE). Bassolé, après la clôture de la Conférence des ambassadeurs, a donc ouvert ce matin (jeudi 13 mars 2014) l’AG du CSBE dont il est par ailleurs le président. Le thème en est : « Place et rôle des Burkinabè de l’étranger dans le processus d’édification d’un Burkina Faso émergent ». Place et rôle qui devraient être mieux institutionnalisés dans les années à venir.

La IIIème AG s’était tenue en… 2008 ; Basssolé souhaite sa tenue régulière (statutairement, elle doit se réunir tous les trois ans, durée du mandat des délégués), et dans cette perspective il a promis de doter le secrétariat du CSBE de « moyens conséquents pour jouer pleinement son rôle d’interface avec toutes les communautés burkinabè vivant à l’étranger ». Le secrétariat permanent est dirigé par un secrétaire permanent nommé en conseil des ministres qui a autorité sur la direction de la promotion économique et de l’information (sa mission est d’inciter l’épargne de l’émigration à s’investir au Burkina Faso et de favoriser l’émergence de groupes burkinabè d’investisseurs) et la direction de la protection des affaires consulaires et de la réinsertion (qui doit veiller à la résolution des problèmes d’ordre administratif intéressant les Burkinabè résidant à l’étranger).

Le secrétaire permanent du CSBE est Alexandre Lambert Ouédraogo, un conseiller des affaires étrangères nommé en conseil des ministres le 31 octobre 2012. C’est dire que le CSBE peut apparaître, pour certains, plus administratif que représentatif ; dans le même temps, cette structuration en fait l’interface entre l’administration et les « Burkinabè de l’étranger ». Cette année, la participation des ambassadeurs et des consuls généraux à la IVème AG du CSBE – une première – renforce cet aspect des choses dans une perspective, il est vrai, exceptionnelle : la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015. C’est, à affirmé Ouédraogo, un « signal fort à l’endroit de toutes les filles et fils du Burkina vivant à l’étranger afin que chacun se sente fier et utile d’apporter sa pierre, quelle qu’elle soit, à la construction de notre chère patrie ». Voilà longtemps d’ailleurs que l’on n’entendait plus parler avec autant de constance de la « patrie », sauf bien sûr lors de l’exécution de l’hymne national qui reprend la devise de la « Révolution » : « La Patrie ou la mort, nous vaincrons ».

Racolage politique ? Pour le pouvoir comme pour l’opposition, le vote des « Burkinabè de l’étranger », dès lors qu’il est institué (et, surtout, organisé), représente un enjeu majeur. Lors de la dernière présidentielle, il y avait 3,2 millions d’inscrits sur les listes électorales et moins de 1,8 million de votants. Blaise Compaoré avait été élu dès le premier tour avec moins de 1,4 million de voix. Si on prend en compte qu’il y a environ 10 millions de « Burkinabè de l’étranger », qu’il y a, au sein de cette communauté, bien plus d’électeurs potentiels qu’au Burkina Faso lui-même (les « expatriés » ont moins d’enfants et sont des « actifs »), ce sont, au moins, 1, 2 ou 3 millions de votants supplémentaires pour 2015. De quoi faire basculer le scrutin ou provoquer un tsunami « compaoriste ». On peut même penser, à la limite, que le futur président du Faso sera, d’abord, l’élu des « Burkinabè de l’étranger ». Sur le net, les « commentateurs » ne manquent pas, d’ailleurs, de faire remarquer que ceci explique cela : autrement dit, la Conférence des ambassadeurs couplée avec l’assemblée générale du CSBE.

En matière de vote des « Burkinabè de l’étranger », les enjeux se situent en Côte d’Ivoire et au Ghana et, dans une moindre mesure, au Mali. Il suffit donc de « mettre le paquet » sur ces pays pour être assuré de l’emporter. Les « Burkinabè de l’étranger » sont sensibles à la politique intérieure menée par Ouaga ; mais également à la politique étrangère de leur pays. Le diplomate Edouard Bouda l’a écrit (cf. LDD Burkina Faso 0412/Mercredi 12 mars 2014) : « Les Burkinabè de la diaspora préfèrent agir là où se trouvent leurs intérêts ». Et leurs intérêts se trouvent, d’abord, là où ils vivent et où ils travaillent. C’est donc la diplomatie burkinabè, plus que le parti présidentiel (même si son rôle de mobilisation et d’information n’est pas négligeable), qui fera la différence.

Abidjan, Accra, Bamako, les « Burkinabè de l’étranger » qui entendent être « identifiés » et exercer leur droit de vote vont jouer la carte de la continuité plutôt que de la rupture. C’est vrai plus encore pour les Burkinabè de Côte d’Ivoire où chacun sait que l’axe Ouaga-Abidjan est essentiel pour eux-mêmes et pour leur pays. Or cet axe, après bien des soubresauts (et c’est un euphémisme), a été sauvegardé grâce à l’accord inter-ivoirien de Ouagadougou (4 mars 2007) – qui a fait de Guillaume Soro un premier ministre et, sans doute, un futur président de la République – et renforcé dès lors que Laurent Gbagbo a été contraint de céder la présidence à Alassane D. Ouattara. On notera d’ailleurs que Soro comme Ouattara ont, ces derniers mois, été particulièrement actifs, pour ne pas dire intrusifs parfois, dans la vie politique du Burkina Faso. Le mardi 7 janvier 2014, Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, était à Ouagadougou à la tête d’une importante délégation dépêchée par ADO. C’était au lendemain de la « fracture » au sein du CDP (cf. LDD Burkina Faso 0402/Mardi 7 janvier 2014).

Dans un entretien avec Cyriaque Paré publié le vendredi 10 janvier 2014 par lefaso.net, Soro n’avait pas manqué de souligner : « Blaise Compaoré est un monument vivant de bon sens et une réserve d’expérience politique précieuse pour nous tous ». Pour paraphraser le Baron Joseph-Dominique Louis qui avait rétorqué à Louis-Philippe : « Faites moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances », on pourrait proclamer aujourd’hui : « Faites moi une bonne diplomatie, je vous ferai de bonnes élections ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 23 mars 2014 à 21:29, par un gourounsi En réponse à : Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

    Bassolé a insisté sur l’image qui doit être celle du Burkina Faso. « Un pays qui sait bien gérer des ressources limitées ».
    Si Bassolé a dit, cela veut dire que notre soitdisant référendum pour ou contre l’article 37 n’a pas lieu d’être. Merci à mon parent. Donc, ces milliards doivent servir aux besoins du peuple à savoir l"eau, la santé, l’éducation...

  • Le 23 mars 2014 à 21:32, par lePEUPLE En réponse à : Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

    j pense que c’est la derniere partie. aurevoir a Bejot avec ses "grandes manoeures pour la participation" de Blaise à "la présidentielle de 2015". Un non evenement.

  • Le 23 mars 2014 à 22:29, par Moussa En réponse à : Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

    BRAVO ! BRAVO ! BRAVO ! Ce Monsieur connait son métier. Le professionalisme transparait sur chaque ligne de son papier. Ah quel article ! demarche lente, progressive mais sure !
    Pour mes freres les forumistes qui commentent sans lire, et qui insultent sans analyser, contentez-vous de l’extrait suivant :

    "Racolage politique ? Pour le pouvoir comme pour l’opposition, le vote des « Burkinabè de l’étranger », dès lors qu’il est institué (et, surtout, organisé), représente un enjeu majeur. Lors de la dernière présidentielle, il y avait 3,2 millions d’inscrits sur les listes électorales et moins de 1,8 million de votants. Blaise Compaoré avait été élu dès le premier tour avec moins de 1,4 million de voix. Si on prend en compte qu’il y a environ 10 millions de « Burkinabè de l’étranger », qu’il y a, au sein de cette communauté, bien plus d’électeurs potentiels qu’au Burkina Faso lui-même (les « expatriés » ont moins d’enfants et sont des « actifs »), ce sont, au moins, 1, 2 ou 3 millions de votants supplémentaires pour 2015. De quoi faire basculer le scrutin ou provoquer un tsunami « compaoriste » ".

    C’est cela qui explique toutes les ’grandes manoeuvres’ pour que les Burkinabe de la diaspora puissent voter. A l’interieur, Blaise Compaore - si jamais il est candidat ne peut plus avoir - a cause de l’implosion de son parti (creation MPP) ne peut plus avoir 1.4 million de voix sur 3.2 millions d’inscrits. Le jeu doit se faire donc avec les voix de la diaspora.
    Ceci explique donc cela. Ce n’est ni de la generosite subite de la part de la4e Republique. ni de l’aumone faite a la diaspora.
    A bon entendeur, salut !

    Merci Mr Bejot !

  • Le 23 mars 2014 à 22:45, par beton En réponse à : Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

    Pourquoi maintenant ?La réponse est simple : de l,extérieur,on peut manipulé tout résultat,mais à l,intérieur celà pourrait mettre le feu au poudre.tout ça pour maintenir un seul homme au pouvoir qui,en plus en aura déjà passé 3 decenies.j,espère que nos frère qui ne sont plus au pays sauront entendre nos cris de désespoir ?

  • Le 24 mars 2014 à 11:21, par watinooma En réponse à : Grandes manœuvres pour la participation des « Burkinabè de l’étranger » à la présidentielle 2015 (5/5)

    voila qui est bien clair,la popularité de Blaise Compaoré ne limite pas seulement aux frontieres du pays.Elle y va bien au delà.Sa bonne politique est meme constatée par les Bukinabe de la diaspora

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