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Associations et ONG au Burkina Faso : l’envers du décor

Publié le vendredi 4 février 2005 à 07h57min

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Stimulés par la liberté d’association et d’expression qui caractérisent entre autres leur pays, les Burkinabè ne se sont pas fait prier pour créer des associations, groupements, organisations et consort dont le moins qu’on puisse dire est qu’il y en a pour tous les goûts.

A ces milliers de personnes morales s’ajoutent d’autres acteurs sociaux tels les représentations d’ONG (organisation non gouvernementale) dont le siège se trouve dans des pays tiers ou tout simplement d’organisations nationales créées et financées par des acteurs non nationaux.

Cela fait du paysage associatif burkinabè l’un des plus riches et des plus dynamiques de la sous-région. De la fragile association des dolotières dont la cohésion dépend d’une gamme variée de facteurs endogènes à la puissante ONG internationale ayant pignon sur rue et payant ses employés trois fois au-dessus du barème local, tous prétendent œuvrer selon leurs idéaux, pour le développement du pays entier.

Attitude hautement positive s’il en est mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt car, s’il y a dans tout ce fouilli de personnes morales des organisations qui poursuivent leurs objectifs de développement avec sérieux et honnêteté, il faut aussi reconnaître que beaucoup de brebis galeuses sont mêlées au troupeau révélant ainsi la problématique sous-jacente de l’éthique et de la morale dans les milieux associatifs burkinabè.

Il n’y a pas longtemps, un fait divers qui a défrayé la chronique relatait un cas d’arnaque dont semble-t-il, s’était rendu coupable le responsable d’une association, lequel responsable et laquelle association sont sur la brèche depuis plusieurs années maintenant. N’eut été une cupidité et un manque de tact qui ont poussé à faire peu de cas de la prudence, cette personne morale et son premier responsable passeraient encore aujourd’hui aux yeux de beaucoup de citoyens pour un modèle de vertu et d’altruisme. Erreur !

Les associations, organisations et autres institutions hélas, ne sont ni pire ni meilleures que les hommes qui les composent et il est impossible de repérer rien qu’à la "gueule" des individus de petite vertu mais admirablement dissimulés et drapés pour la plupart des oripeaux de la probité et de l’intégrité.

Absence de rigueur dans certaines associations

C’est pourquoi il est légitime de s’interroger sur les objectifs réels de certains projets et programmes de développement. Beaucoup d’ONG débarquent avec dans leurs cartons, des projets dont l’utopie le dispute à une méconnaissance totale du terrain, un mépris absolu pour l’initiative locale et une suffisance prétentieuse qui frise le paternalisme pur.

Tout cela n’aurait pas beaucoup d’importance si les fonds servant à formaliser certaines de ces absurdités provenaient de sources sûres, "propres" et reconnues telles. Or, quel organe officiel de contrôle ou de suivi, à commencer par le BSONG (Bureau de suivi des ONG) est en mesure de dire un seul mot sur les bailleurs réels de certaines ONG, leur moralité ou les destinataires réels des fonds décaissés ?

Il existe donc de par cette "gentillesse", cette absence de rigueur et de balisage, d’immenses possibilités pour faire des pays pauvres et sous-couvert d’aide au développement, un interface privilégié pour des transactions peu orthodoxes tout en passant pour un sauveur de l’humanité. C’est ce qui s’appelle : "Avoir le beurre et l’argent du beurre".

A côté de ces "bienfaiteurs" venus d’ailleurs, vivent (dans le luxe) des nationaux présidents d’associations qui, leurs récépissés de reconnaissance à bout de bras, écument ambassades, consulats et organisations internationales pour solliciter des fonds. L’échine basse et l’attitude déférente lorsqu’ils sont en pleine "négociation", ils deviennent une fois dehors, pleins d’arrogance et de suffisance. Bien entendu, les fonds acquis ne vont jamais où ils ont prétendu ou si peu.

Des exemples

Par exemple, dans le nord du Burkina existe un petit village typiquement sahélien. Un paysage désert parsemé çà et là d’épineux et d’arbustes rabougris, quelques arbres tenaces dont le nombre au kilomètre carré, s’éloigne difficilement de la demi-douzaine, le tout saupoudré de rares animaux squelettiques et de gamins au regard grave et aux ventres ballonnés. (C’était l’illustration donnée au travers de photographies que complétaient des commentaires, le tout destiné aux bailleurs éventuels).

Le chef de ce village faillit s’évanouir lorsqu’un groupe de "Nassara" arrivé un beau jour lui demanda où se trouvaient les huit forages, la maternité, le dispensaire et l’école à six classes avec logements de maîtres qu’ils avaient fait construire chez lui par monsieur X. De questions en réponses, la vérité finit par poindre mais trop tard.

Depuis, le responsable "citadin" de l’association pour le développement du village de ... se la coule douce, roule en 4X4 et boit des vins fins.

Un autre président d’association fit preuve d’une ingéniosité diabolique pour berner des bailleurs pointilleux. En effet, après avoir financé une demi-douzaine de forages et d’ouvrages complémentaires pour un montant d’environ quatre-vingt millions de francs CFA, les bailleurs annoncèrent à leur "partenaire" leur arrivée prochaine pour constater de visu l’état de réalisation des travaux. Que fit notre responsable d’association qui bien entendu n’avait même pas creusé un simple puits ?

Il aménagea sur les sites concernés des trous dans lesquels il installa des fûts remplis d’eau. Il fit construire une margelle pour chaque trou et, sur tout l’ensemble, fixa des pompes d’exhaure d’eau. Quand la mission arriva quelques temps plus tard, la visite de chantier eut lieu. Monsieur pompa et l’eau coula. Il fut congratulé...

Le milieu associatif au Burkina Faso est une jungle avec ses caïds, sa pègre, ses bas-quartiers mais aussi ses bons samaritains. L’imagination fertile et la veulerie de certaines crapules qui y gravitent en fait un univers que les autorités gagneraient à surveiller de près. A bon entendeur ... !

Salomon
L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 4 février 2005 à 17:14, par Philippe En réponse à : > Associations et ONG au Burkina Faso : l’envers du décor

    Bonjour,
    Pour pouvoir différencier le bon grain de l’ivraie, tant en ce qui concerne les ONG du Nord et du Sud d’ailleurs, quels sont les pouvoirs et moyens des autorités locales et notamment des SPONG, BSONG, MCD et consorts ?
    Nombre de petites ONG du Nord cherchent des partenaires locaux sérieux sans savoir à qui s’adresser.
    Sachant le poids que représentent toutes ces coopérations au Burkina, le Gouvernement, les collectivités liées par des accords de coopération décentralisée, les ONG locales elles-mêmes auraient intérêt à se soucier du dégat que causent malversations et détournements sur le moral des bénévoles du Nord qui consacrent leur temps libre à des projets de développement.
    A quand une labellisation (sans instrumentalisation) ?

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