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La liberté et l’honneur : Juge et journaliste veulent chacun, se les approprier

Publié le dimanche 9 mars 2014 à 00h10min

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La liberté et l’honneur : Juge et journaliste veulent chacun, se les approprier

Appelé à exposer sur le thème « Les délits de presse : définition, procédure et sanctions », Me Prospère Farama a relevé qu’autant le juge veut s’approprier et la liberté et l’honneur du peuple, autant le journaliste le veut. C’était le 25 février 2014 à Ouagadougou, à l’occasion d’un panel organisé par le Conseil supérieur de la communication (CSC).

Plutôt que de parler de délits de presse, Me Farama invite à retenir qu’il s’agit en réalité d’infractions de presse. Ces infractions, ce sont essentiellement la diffamation, l’injure et l’offense au chef de l’Etat. Des « infractions majeures » prévues par le code de l’information mais qui, précise Me Farama, manquent de définition claire et dynamique. A cette insuffisance de la loi, s’ajoute la « présomption de mauvaise foi du journaliste », en ce sens que quand un journaliste publie un article reprochable, on présume déjà qu’il est de mauvaise foi. Ainsi, devant le juge, le journaliste devra prouver qu’il n’était pas animé de la mauvaise foi au moment de la commission de l’acte qui lui est reproché. Dans cette démarche, il se trouve obligé de dévoiler ses sources. Or, et comme le précise Me Farama, « si un journaliste cesse de protéger sa source, il meurt ; il n’est plus un journaliste ». D’où, relève l’avocat, « le code de l’information est très défavorable aux journalistes ».

Et de lancer, « Moi, je suis pour la dépénalisation des délits de presse », car « la meilleure sanction d’un journal, c’est l’appréciation de sa crédibilité ». L’explication en est que le journal qui n’a plus de crédit – parce que réputé mensonger - auprès de la société de consommation, disparaîtra de lui-même.

Pour ne pas tomber dans ce travers, les journalistes luttent pour la préservation de leur liberté d’expression, donc pour la liberté dans la recherche, la réception et la diffusion de l’information. De plus, ils n’entendent pas transiger sur l’honneur qu’ils pensent être le leur. De son côté, le juge tient à être – notamment dans la conduite des procédures judiciaires - à l’abri de l’influence extérieur, donc à jouir de sa liberté. En sus, son honneur lui est très précieux. Amenés à collaborer dans l’intérêt de la société, juge et journaliste se livrent d’abord bataille pour la reconnaissance pleine et entière de la liberté et de l’honneur, qui n’ont pas de prix et qui sont l’objet de quête permanente. Or, précise Me Farama, « ces deux valeurs n’appartiennent ni aux journalistes, ni aux magistrats ; mais à la société ».

Cette bataille que se livrent juge et journaliste, donne malheureusement lieu souvent, à la condamnation – même à des peines d’emprisonnement- du second. Et sa conviction à lui, Me Farama, c’est que « Condamner les journalistes à la peine d’emprisonnement, c’est faire d’eux des martyrs ». Car selon lui, « A leur sortie de prison, ils prennent plus de grade ». « Il faut plutôt les condamner à des peines pécuniaires  », préconise-t-il.

Mieux, souhaite-t-il au-delà de l’arrêt de « ce sentiment de confrontation », « que les juges manient avec un peu plus de considération sociale le pouvoir qu’ils ont, et qu’on revoit les textes qui ont instauré un courant autoritariste vis-à-vis des journalistes ». Après tout, Me Farama invite à « considérer l’œuvre essentielle du journaliste qui est un choix social  ».

Fulbert Paré

Lefaso.net

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