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Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

Publié le mardi 18 février 2014 à 00h10min

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Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

Deux semaines passées depuis l’auto-investiture du Groupe de Médiateurs interne burkinabè, l’observateur de la scène politique nationale vient à un constat : le blocage des discussions entre les partis politiques. D’un côté, l’Opposition exige en filigrane la présence du Président COMPAORE aux séances de discussions ou à défaut, la présentation par le groupe de la Majorité, d’un mandat émanant de lui, dûment constaté. En face, la Majorité au pouvoir estime que son groupe en présence reste conforme à la lettre d’invitation des Médiateurs, et Monsieur Assimi KOUANDA de renchérir que leur mandat vient du peuple !

Face à des positions aussi antagoniques, comment sortir de l’impasse ? Le Groupe de Médiation de par sa déclaration se résout à prendre en charge la question. Quelle est cependant sa marge de manœuvre ? Cette raison apparente de blocage semble en occulter d’autres que la présente réflexion tente de mettre en lumière.

De l’état d’esprit des discussions : un manque de confiance affichée entre les protagonistes

L’histoire politique récente du Burkina Faso illustre ce grief que l’on fait souvent aux pratiques politiques faites d’inconstances et de méfiances et alimentées par les virevoltes des hommes politiques eux-mêmes et des interprétations floues et intéressées des plus inattendus et des plus inimaginables sur certaines dispositions de la Loi. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard attentif sur les divergences actuelles autour de l’article 37 de la Constitution, sur la cacophonies nourrie autour des recommandations du Collège des sages, sur les discordances notoires autour du format du sénat dans les discours des participants du Conseil Consultatif pour les Réformes Politiques (CCRP) , et pire, sur la pluralité de sens « pragmatiques » donnés au concept de l’ « opposition politique » par les leaders politiques. En effet, comment comprendre l’attitude de certains leaders contribuant d’une part à éroder les luttes de l’opposition politique et participant d’autre part à la consolidation du pouvoir en place tout en clamant haut et fort, leur appartenance à l’opposition ?

En pareille contexte de négociations, si entre associés il peut paraître plus courtois d’afficher sa confiance sans en donner le moindre signe de doute, par contre entre adversaires, de surcroît politiques, cela peut paraître plutôt naïf pour certains, de ne pas se prémunir d’un minimum de garantie par un acte formel. Et cet acte faisant office de garantie ne peut être plus certaine et fixée une fois pour toute que sous forme écrite, dira Monsieur Ablassé OUEDRAOGO. Cette exigence écrite de l’Opposition politique, traduit toute la mesure de la portée juridique et exécutoire que celle-ci entend donner à ces négociations et à leurs conclusions.

En tout état de cause, ce blocage soulève une autre question chez certains citoyens, celle de savoir le statut légal du Groupe de Médiation. Si l’un des protagonistes se risquait pourtant à soulever ouvertement cette préoccupation, on pourrait lui rétorquer sa mauvaise foi dans le processus. A ce titre, il devient important pour le citoyen d’y attirer l’attention.

De l’enjeu de la médiation interne

Il faut le rappeler, le mérite historique de la médiation interne est sa primauté qui permet de mieux connaître officiellement les premières positions et prétentions des groupes engagés dans les discussions autour d’une même table.

Le contexte de naissance du Groupe de Médiation sur fond de tensions sociales très fortes à l’échelle nationale et son but ultime qui est de préserver la paix sociale dans la dévolution du pouvoir à l’horizon 2015 au Burkina Faso, imposent à l’entendement commun que les accords qui en sortent soient exécutoires et ne souffrent pas à l’avenir de tergiversations quelconques ! Dans ces conditions, quels moyens de contrainte le Groupe de Médiation dispose-t-il ou prévoit-il à cet effet ?

Du statut non formel du Groupe de Médiation

En rapport à cette thèse prônant « l’endogénisation1 » du Droit africain de l’illustre historien - le Professeur Joseph KI-ZERBO -, on peut avancer que cette médiation interne procède davantage de notre culture africaine, qui donne une place de choix à « l’arbre à palabre » dans la régulation des conflits.

Cependant, la « palabre » non formalisée bute sur des limites objectives dans un Etat de droit moderne. Ainsi, des expertises nationales de la société civile en matière de droit constitutionnel n’ont pas manqué d’attirer l’attention sur le processus de la médiation. Elles ont qualifié le processus en cours de non droit même si elles en prennent acte, soulignant la primauté de l’ultime intérêt supérieur de la Nation qui veut que le processus de dévolution du pouvoir soit apaisé.

Au regard de ce constat, on peut encore pousser l’analyse pour mesurer la solidité des actes de la médiation dans la mesure où le Groupe de Médiation tire sa source de son auto-investiture. S’il est vrai que cette initiative répond d’une volonté de participation citoyenne, cette seule volonté en soi pour un tel enjeu national ne devrait pas suffire dans le fond ! Autrement dit, le Groupe de Médiation, bien que vêtu de l’autorité morale de par la qualité de ses membres, procéderait pour l’instant, plus de l’informel que du formel, faute d’être officiellement investi jusqu’à ce jour, par une autorité officielle habilitée à cet effet.

L’absence du Mouvement pour le Progrès du Peuple (MPP) au début des négociations trouvait son explication probable dans l’indisponibilité de son récépissé, - une absence donc liée à son statut provisoire, jadis non formel. Cette même exigence de formalité pourrait valoir aussi pour le Groupe de Médiation. En effet, du moment où la tâche auto-assignée par ce dernier vise à concilier des institutions formelles à savoir les partis ou regroupements de partis politiques – institutions officielles -, il sied pour parallélisme de forme, que lui-même soit l’émanation du formel. A ce titre, il était tout à fait fondé que les citoyens attendent des deux derniers Conseils des Ministres, des décisions touchant au statut du Groupe de Médiation. Hélas, ce ne fut pas le cas…

En effet, un éventuel texte officiel portant création, attribution, organisation, fonctionnement et garantissant l’indépendance du Groupe de Médiation, ne peut que lui donner plus de force, de légalité et d’autorité, donc lui procurer plus d’aisance et de marge de manœuvres dans son action et à la longue, plus de légitimité.

Faute de ces mesures avec en sus la présence d’un organe ou d’un personnel interne de communication pour gérer les organes de médias externes, il serait difficile que le processus fasse l’économie d’altercations parasites ou d’échauffourées par moments -, comme les médias en ont pu déjà être témoins...

Des suggestions

Mu par une volonté de contribution et par un souci d’efficacité et de perfectionnement, ma précédente tribune a fait quelques suggestions qui peuvent être encore renforcées ou améliorées notamment par des démarches allant dans le sens de la formalisation du Groupe de Médiation.

Aussi, loin d’être un handicap, cette période de pause des discussions peut être saisie et mise à profit pour pendre en compte les critiques formulées de part et d’autre par les citoyens, de sorte que la reprise donne à l’observateur, des impressions nettement meilleures, plus optimistes et plus de chances de succès des discussions.

1 « Endogénisation » : fait de rendre endogène ; action qui prend naissance à l’intérieur d’une société sous l’influence de causes strictement internes.

Idrissa DIARRA
Juriste-politiste, Géographe-planificateur.
Membre-fondateur du Mouvement de la
Génération Consciente du Faso (MGC/F).
Courriel : diarra.idrissa@rocketmail.com

Lien utile : Une semaine de médiation du groupe de facilitateurs autosaisi : quel bilan et quelles perspectives ?

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Vos commentaires

  • Le 18 février 2014 à 00:15, par YAM’S En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

    Suite à l’assassinat de Norbert Zongo, le président a, au cours d’une cérémonie pris 7 engagements au nom de l’Etat. Le 6 eme engagement est libellé ainsi : La poursuite des reformes politiques et institutionnelles en cours devant déboucher sur la mise en place d’un système de gouvernance consensuel. Par la suite, un autre mécanisme mis en place est le CCRP qui devait recenser les éléments consensuels qui seraient mis en œuvre. La mise en œuvre de la modification de l’article 37 et de la mise en place du sénat n’étant pas consensuelle, je ne comprends pas l’attitude de notre Blaise Compaoré qui s’entête, au prix de se dédire. Que fait il des serments et autres paroles d’honneur ?

    • Le 18 février 2014 à 20:59, par marie jeanne drabo En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

      raogo : blaise n’a pas besoin de donner un mandat à qui que se soit .il faut que les gens saches que les médiations se situe entre l’opposition et le cdp .à ce que je saches le président est le chef suprême de la nation .

    • Le 18 février 2014 à 22:45, par DRAP En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

      s’ils veulent voire le président ,alors qu’ils demande audience ! car il n’est pas leur égal actu :c’est le président de la république .ces derniers là sont culotés dèh !

  • Le 18 février 2014 à 09:21, par Raogo En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

    Effectivement ! A défaut de la présence de Blaise à ces discussions ou de l’exhibition d’un mandat de sa part, seule une officialisation de la médiation garantirait ses conclusions.
    Si la médiation échoue, il faudrait envisager une CONFÉRENCE NATIONALE SOUVERAINE pour en finir avec cette crise.

    • Le 18 février 2014 à 11:50, par zena zena En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

      si l opposition par manque d arguments a décidé de ralentir les activités de la médiation qu elle le courage de le dire clairement sinon quel témoin de plus légal et légitime que le peuple ,ils sont incapables et veulent mettre le feu au pays ,on les tien a l œil

  • Le 18 février 2014 à 09:27, par lopes En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

    Tout les defenseurs du regime multiplient maladresses et injures.Le premier ministre qui declare sans ambage que le president est au-dessus des institutions !alors qu’il en fasse ce que bon lui semble:senat, constitution,AN etc.Et dire que nous sommes diriges par ces gens !

  • Le 18 février 2014 à 11:20, par ledemocrateb En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

    (Il y a un groupe qui dit non à tout, un autre groupe qui dit oui à tout)déclarait la médiation pour ainsi montrer la complexité de leurs tâches. A écouter ceci la médiation semble ne pas bien comprendre tout le contour de la problematique qui est posé. il faut rectifier que parmi ceux qui semblent dire oui à tout,il y en a qui disent non d’ou l’exigence de l’autre bord à présenter un document qui dit que ceux qui semblent s’unir parlent le même langage d’abord, ensuite que les accords passés avec cette union heteroclite seront acceptés par le chef suprême, celui la qui semble les unir, enfin disent ils.

    • Le 18 février 2014 à 17:11, par zonu En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

      A la lecture de l’article et des commentaires, je me rend compte que les burkinabe ne se sentent pas encore suffisamment roulé dans la farine par Blaise Compaoré. La crise que nous vivons n’est qu’un artifice du pouvoir en place. La constitution dispose de la dévolution du pouvoir. Il faut que l’article 37 s’applique au moins une fois pour que notre pays puisse avancer dans la consolidation de nos institutions. Il faut imposer son application et à ce sujet il n’y a aucune négociation si nous sommes conséquents.

  • Le 18 février 2014 à 20:33, par YVES En réponse à : Le Groupe de Médiation à l’épreuve de son auto-investiture

    L’opposition a raison de demander à la majorité un mandat de Blaise Compaoré. En rappel le Collègue des Sages mis en place après l’assassinat de Norbert Zongo et ses Compagnons avait décidé et obtenu de toutes les parties que le mandat présidentiel soit un quinquennat RENOUVELABLE UNE SEULE FOIS. Aujourd’hui Blaise et son clan refuse d’appliquer cette disposition. Que dit ses mêmes Sages ? Pourquoi faire une médiation encore ? Messieurs les Sages, dites à Blaise de respecter vos premières décisions qui ont été constitutionnalisées à savoir partir tranquillement après ses deux derniers mandats de cinq ans. Bravo à l’opposition qui ne veut plus se laisser rouler dans la farine par Blaise Compaoré via cette médiation ; il leur faut un mandat de Blaise ou qu’il participe directement lui même aux négociions dont il est le plus concerné.

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