L’intention à la base est bonne, la démarche aussi. Toute démarche en vue de la paix, la vraie paix, n’est jamais de trop et doit toujours être saluée à sa juste valeur.

Ainsi, sans a priori aucun, sans jugement sur la valeur personnelle ou morale de chacun de nos quatre épris de paix, sans préjugé aucun sur leur impartialité ou neutralité, il faut les féliciter pour leur initiative et pour leur réflexe d’anticipation. C’est tout à leur honneur, leur mérite. En attendant de voir.

Et puisqu’ils sont désormais là, puisque le processus est entamé, il relève désormais de la responsabilité de chaque burkinabè de contribuer dans la mesure de sa force et de sa volonté de paix à aider ce groupe de médiation dans son travail de dialogue apaisé pour une transition apaisée en 2015.

Ce préalable satisfait, et pour ma part, je me permets de faire quelques remarques. Je me livrerai ensuite à quelques suggestions qui, de mon point de vue, peuvent contribuer à ennoblir d’avantage la démarche de nos aînés, à renforcer leur crédibilité et surtout à donner des chances de succès à leur médiation.

S’agissant des remarques.

Je considère tout d’abord que le fait que ce groupe soit composé, entre autres, d’anciens membres du collège des sages est appréciable. Ce seul fait en soi peut conférer au groupe « autosaisi » une certaine légitimité quand on a clairement en tête, les recommandations de ce collège, notamment sur l’article 37 qui est en cause aujourd’hui.

Je considère, ensuite que la présence de leaders religieux est également appréciable. En générale, en principe, les chefs religieux sont ou devraient être de véritables artificiers de la justice, de la vérité et de la paix. Et cette seule droiture morale devrait les conduire à ne pas tomber dans les logiques et fins calculs partisans mais à toujours se trouver du côté et rien que du côté de la justice, de la vérité et de la paix, quel que soit le camp. Dans cette logique, du reste, il faut regretter l’absence de représentation de nos chefs traditionnels et coutumiers, dans l’acte constitutif du groupe. Comme nous le savons, ces derniers sont ou devraient être les dépositaires de l’essence même de nos valeurs ancestrales, valeurs de justice, de vérité et de droiture, entre autres. Et même s’ils seront pris en compte par la suite, il faut dire que la symbolique de ce point de vue est totalement ratée.

Je comprends enfin la précaution, les « gants » portés par nos aînés dans leur déclaration, laquelle peut être considérée comme étant très « professionnelle » du point de vue de leur initiative et de la médiation concrète qui suivra les jours à venir. Dans ces cas de figure, la forme peut parfois supplanter le fond.

C’est donc de bonne guère que de rappeler l’exigence, de plus en plus insistante d’une bonne partie de notre peuple, de respect strict de notre constitution par le président et de bien le souligner.

C’est aussi de bonne guère, la généreuse couche de qualités universelles d’homme d’Etat servie à notre président Compaoré, lequel est si indispensable au Burkina, en Afrique et dans le Monde, voire dans l’Univers, si l’on s’en tient aux théories du CDP et sa sœur jumelle la FEDAP/BC

Au titre des suggestions

En Afrique, plus spécifiquement, le sage est sacré, le sage est une autorité. Le sage n’intervient jamais au hasard. Ses recommandations sont « sanctifiées » et parfois ont même valeur de sentence. On ne se fout pas d’un sage et un sage ne laisse personne se foutre de lui. On ne joue pas à l’intelligent avec un sage. On ne recourt pas à un sage, juste pour le plaisir ou sur le coup d’un caprice.

Autrement il faut le laisser dans son coin. On ne recourt pas à un sage pour ensuite jeter ses recommandations à la poubelle. Mais le sage est calme et patient, tempéré et lucide. Le sage ne se fâche pas. Le sage est toujours disponible. Il peut même « s’autosaisir ». Il prend toujours le temps de rappeler ce qui est, de rappeler ce qui est juste, ce qui est droit. Le sage ne tergiverse pas avec la vérité, il la rappelle toujours, il ne se laisse pas distraire. Le sage sait que nous ne sommes pas dans une monarchie. En définitive le sage est vraiment sage.

Fort et convaincu donc de ces évidences, je suggère au groupe de médiation d’avoir toujours un regard figé sur la justice, la vérité et le droit durant tout le processus de négociation, sans se laisser distraire à aucun moment par qui ou quoi que ce soit.

Le Collège des Sages avait recommandé de rétablir l’article 37 dans sa version de limitation des mandats présidentiels. Le contexte n’a pas tant changé depuis lors et la preuve c’est que les antagonismes s’exacerbent parce que justement, face aux tentatives calculées de déverrouillage de ce même article, une bonne frange de notre peuple manifeste un refus catégorique.

Il sera donc hautement apprécié de nos sages de rappeler, d’insister, de brandir ce rapport et de réaffirmer l’invariabilité de leur position à ce sujet. La vérité, la « vraie » vérité pour un sage n’est pas relative, elle est absolue, elle est entière.

Il sera aussi hautement apprécié que nos sages demandent au président Compaoré de rappeler le CDP à l’ordre : « certes vous me supportez, vous m’appréciez mais je dois respecter la constitution, après 28 ans. » Tout le monde sait que ce n’est pas le CDP qui conditionne Blaise au point qu’il n’ait aucune marge de manœuvre que de suivre la ligne du CDP. Tout le monde sait aussi que c’est le président qui fait, qui influence plutôt le CDP et que le CDP répète, refuse, accepte et entend ce que le président lui-même veut répéter, refuser, accepter et entendre. Il faudra donc que le président lui-même sonne « la fin de la récréation » dans les rangs du CDP. La fièvre baisserait d’un cran.

Il sera enfin hautement apprécié que nos sages, avec toutes les valeurs humanitaires qui les habitent, fassent comprendre aux différentes parties l’inutilité d’un référendum au stade actuel pour discuter d’un fait qui n’aurait pas lieu si une personne, une seule personne décidait de respecter la constitution. En effet, au moment même où dans nos villes et campagnes des burkinabè ont de la peine à se soigner, se nourrir, se loger, à vivre dignement, en claire, organiser un référendum à coup de millions pour discuter du sexe des anges est une absurdité, une « cruauté », une inhumanité.

En définitive, et de mon point de vue, la médiation devrait être d’avantage, voire même uniquement, orientée vers une « sortie apaisée » du président lui-même, en 2015. C’est dans ce seul sens qu’elle aura un sens.

Les sages pourraient justement lui faire comprendre simplement qu’une personne de paix qui a vocation à faire régner la paix dans son pays, dans la sous région et dans le monde a besoin de disponibilité et de temps pour toujours prendre son bâton de pèlerin et parcourir les foyers de tensions du monde entier, et Dieu seul sait qu’il y en a suffisamment ! Or l’activité de président de la république est très envahissante, très pesante et ne laisse aucun répit pour s’occuper à la fois de son pays, de l’Afrique et du Monde entier. Un désengagement de la gestion des plus hautes affaires du pays – d’autant que le mandat arrive à terme, cela tombe donc bien – est donc une aubaine pour démontrer d’avantage son attachement à la paix et faire bénéficier son expérience et ses compétences à son pays, à l’Afrique et au monde. Pour une première fois de notre histoire, notre pays pourrait être honoré du prix Nobel de la paix à travers son digne fils Blaise Compaoré, homme de paix !

Autrement, une négociation qui porterait ou ferait des concessions pour un référendum pour la modification de l’article 37 ou pour un prolongement du bail du président actuel comme solution provisoire n’aurait véritablement pas de sens et serait un échec cuisant et peu honorable pour nos sages, un échec et un drame pour notre démocratie et une sombre victoire pour la fourberie.

En conclusion, la crédibilité de nos sages dépendra surtout de leur capacité à rester très proche de la vérité et du droit. Une partie de l’opinion est déjà très suspicieuse à leur endroit et à l’endroit de leur démarche. Il leur appartient de démontrer le contraire en faisant valoir et prévaloir les valeurs de droit, de vérité et aussi de respect de la parole donnée.

Et tout comme il est difficile d’imaginer une réconciliation sans justice, il sera incompréhensible qu’il y ait une médiation, un arbitrage sans respect, sans considération de la loi, dans notre contexte, sans rappel et réaffirmation du respect de l’article 37 et rien que son respect.

Il faut espérer que nos aînés médiateurs soient les porte-paroles des aspirations de notre peuple auprès du Président Compaoré. L’âge d’or des présidences à vie sous des régimes démocratiques est bien loin derrière nous.

Gnienhoun Abdoulaye Nazaire
Consultant-Freelance, droits de l’homme et communication
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