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Assimi Kouanda étant très occupé du côté du CDP, Sanné Topan revient au cabinet du président du Faso (3/3)

Publié le jeudi 30 janvier 2014 à 00h37min

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Assimi Kouanda étant très occupé du côté du CDP, Sanné Topan revient au cabinet du président du Faso (3/3)

L’année 1996 avait débuté, au Burkina Faso, par la recomposition du paysage politique. L’ODP-MT cédait la place au CDP qui résultait de l’absorption, par le parti présidentiel, de huit groupuscules politiques plutôt gauchisants appartenant à la majorité présidentielle. Du même coup, avec 87 députés sur un total de 107, cette nouvelle formation marginalisait l’opposition.

A la veille de cette opération, un nouveau premier ministre avait été nommé : Kadré Désiré Ouédraogo. C’est dans ce nouveau contexte que Sanné Mohamed Topan est nommé, en septembre 1996, directeur de cabinet du président du Faso. Il prend la suite de Elie Sarré qui assumait cette fonction depuis juillet 1992.

Le Burkina Faso a accueilli, en 1996, le XIXème Sommet France-Afrique. La dévaluation du franc CFA a été digérée tant bien que mal, mais le dialogue avec le FMI et la Banque mondiale est correct et le bilan d’exécution du PAS est « jugé satisfaisant ». Ouagadougou a gagné ses galons de bon élève d’une mondialisation dont Blaise Compaoré avait, avant le sommet France-Afrique, fixé les limites dans une chronique publiée par Le Journal du Dimanche (30 juin 1996).

Topan, quant à lui, va être réélu député CDP pour la IIème législature. En 1998, le Burkina Faso poursuit sur sa lancée internationale : il accueille la XXIème Coupe d’Afrique des Nations de football en février et le 34ème sommet de l’OUA quelques mois plus tard. Et puis il y aura le congrès du CDP, du 4 au 6 septembre 1998, qui désignera Compaoré comme son candidat pour la présidentielle du dimanche 15 novembre 1998. Pas une surprise. Son programme s’intitule « Les Voies de l’espérance ». L’opposition va, pour l’essentiel, boycotter ce scrutin. Blaise l’emporte donc avec plus de 87 % des voix. Son slogan est « un avenir tranquille ». Il ne le sera pas. Le dimanche 13 décembre 1998, sur la route de Sissili, non loin de Sapouy, le corps du journaliste Norbert Zongo est retrouvé calciné dans son 4 x 4. Une affaire criminelle qui va devenir une affaire d’Etat.

La présidence du Faso va avoir bien du mal à éteindre l’incendie malgré la multiplication des initiatives politiques (notamment l’instauration d’un Collège des sages). Tout au long de l’année 1999, le pouvoir va être confronté à l’assaut quasi quotidien de la société civile et d’une opposition rassemblée au sein du Groupe du 14 février (G-14) qui ne cessera de réclamer la démission du chef de l’Etat. Le premier ministre va devoir former un nouveau gouvernement chargé de « trouver des voies et moyens pour une réconciliation nationale durable, lutter contre l’impunité et poursuivre les efforts en vue d’un traitement rapide des dossiers de justice dans le strict respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

L’ouverture sera limitée ; très limitée. Le gouvernement formé le mardi 12 octobre 1999 sera marqué principalement par un départ : celui de Salif Diallo (très proche et très ancien collaborateur du président du Faso) et une arrivée : celle de Boureima Badini comme Garde des sceaux, ministre de la Justice. Parmi la petite douzaine de nouveaux venus : Topan. Il est nommé ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, le portefeuille que détenait celui qu’il avait déjà remplacé au cabinet du président du Faso (Elie Sarré).

Ce n’est pas pour autant que la mayonnaise va prendre. La situation sociale est tout autant détériorée que la situation politique. Et, déjà, en Côte d’Ivoire le sort réservé aux « Burkinabè » devient délicate. C’est « l’affaire de Tabou » où l’on pratique « la chasse à l’homme ». Le 7 novembre 2000, Paramanga Ernest Yonli va prendre la suite de Kadré Désiré Ouédraogo à la primature. Le gouvernement qu’il formera sera dit de « large ouverture » : huit partis politiques, dont cinq de l’opposition (mais pas de l’opposition la plus représentative), y participent. On parle d’une « crise politique et sociale ».

Topan va céder son portefeuille à Alain Ludovic Tou (portefeuille désormais intitulé Travail, Emploi, Jeunesse) et prendre en charge les Relations avec le Parlement. Les législatives du 5 mai 2002 vont consacrer cette « crise » : le CDP n’obtient que 57 députés contre 54 pour l’opposition qui n’est pas parvenue, cependant, à s’unir. Topan est réélu. N’étant pas reconduit dans le nouveau gouvernement, toujours sous la responsabilité de Yonli, ce sera l’occasion pour lui de s’engager dans une nouvelle voie. Le 7 novembre 2002, il est nommé ambassadeur à Bamako (avec attributions pour la Guinée et le Niger). Il présentera ses lettres de créance le vendredi 25 avril 2003.

En 2003, ce qui préoccupe la région c’est la situation de la Côte d’Ivoire. Qui n’est pas sans interférer sur le Mali. Très proche de Djibrill Y. Bassolé, alors ministre de la Sécurité (et qui, à ce titre et à d’autres, a un œil – ou plutôt les deux yeux – sur la crise militaro-politique ivoirienne), il va suivre avec attention l’évolution de la Côte d’Ivoire de Gbagbo. A Bamako, il n’est pas dépaysé. « Géographiquement, le Mossi se rattache au Soudan français et non à la Côte d’Ivoire » écrivait déjà le Mogho Naba de Ouagadougou lorsque le pouvoir colonial a entrepris, le 5 septembre 1932, de distribuer les cercles voltaïques aux trois colonies limitrophes : le Niger, le Soudan français et la Côte d’Ivoire.

La province de la Kossi, où Topan a fait ses études, faisait partie du lot attribué au Soudan français. C’est ainsi que le pont-barrage de Markala, réalisé de 1934 à 1947 dans le cadre de l’Office du Niger, l’a été avec une main-d’œuvre voltaïque qui a payé un lourd tribut à cette réalisation. Les travaux infrastructurels et agricoles de l’Office du Niger, entrepris dans le cadre du « travail forcé », ont ainsi provoqué des implantations durables de populations voltaïques au Soudan français. C’est dire, et Topan ne manquait pas de le dire, qu’il est difficile d’identifier les Maliens d’origine burkinabè. « Partout où le Burkinabè s’épanouit et peut gagner sa vie en harmonie avec les habitants du pays hôte, il apporte sa contribution au développement » résumera Topan, à juste titre, sans jamais perdre de vue l’aspect « intégration régionale » (entretien avec Adama Ouédraogo Damiss – L’Observateur Paalga du jeudi 15 octobre 2009).

Autant dire que Topan sera comme un poisson dans l’eau au Mali. Et c’est tant mieux compte tenu de l’évolution que connaîtra ce pays au début de la décennie 2010. Sa longue implication dans le pays va être un atout pour la médiation menée par Ouaga dans le dossier de la « crise malo-malienne ». Dont il dira, à la suite des « événements tragiques du 22 mars 2012 » qu’elle est devenue « une crise multidimensionnelle ». Plus de dix années de « coopération fructueuse mais tumultueuse vers la fin » ne vont pas entamer son amitié sincère (la sincérité est une des qualités majeures de Topan). « Le peuple frère du Mali, dans toute sa composante, m’a adopté et je ferai tout pour mériter sa confiance partout où je serai ».

C’est au cours de l’automne 2013 que Topan a quitté l’ambassade du Burkina Faso à Bamako pour céder la place au général Kodio Lougué. On ne pouvait pas imaginer qu’il soit cantonné (pour aussi noble que soit cette tâche de « représentant du peuple ») dans la seule fonction de député du Sourou et que ne lui soit pas confiée une tâche nationale opérationnelle.

Le voilà donc de retour à la présidence du Faso après de longues années au contact des populations de la région et, tout particulièrement, de la diaspora burkinabè, sans avoir jamais perdu de vue les hommes et les femmes de son pays. Il connaît les limites de la fonction mais n’est pas homme non plus, dans la difficulté, à ne pas apporter sa pierre à l’édifice commun. Et pour lui, cet édifice c’est le Burkina Faso. Et il sait aussi qu’au-delà des institutions essentielles, et à leur sauvegarde, ce pays doit rester celui des « hommes intègres ». Des « hommes intègres » dont plus de la moitié sont des femmes.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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