LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Samuel Kiendrébéogo, journaliste burkinabè à la Voix de l’Amérique

Publié le lundi 31 janvier 2005 à 08h04min

PARTAGER :                          

Journaliste à la Voix de l’Amérique (VOA), Samuel Kiendrébéogo est l’un des rares professionnels de la presse burkinabè a avoir réussi au plan international. Celui que les auditeurs retrouvent régulièrement dans "Escale en Afrique de l’ouest" et "Médias d’Afrique et d’ailleurs" explique les exigences d’une carrière internationale.

Lefaso.net : Depuis quand travaillez-vous à la Voix de l’Amérique ?

Samuel Kiendrébéogo :
Depuis bientôt douze ans. C’est en effet depuis un certain 25 février 1993 que j’ai quitté Ouagadougou pour les Etats-Unis, en plein Fespaco, avec les bénédictions et les encouragement du ministre de la communication de l’époque, Théodore Kilmité Hien, que je prie d’ailleurs de trouver ici l’expression de mes sentiments choisis, ainsi que mes voeux les plus chaleureux pour l’année qui commence.

Quel a été votre parcours ?

Tout a commencé par un stage que j’avais effectué à la VOA en été 1992 alors que je participais au Hubert Humphrey Fellowship Program à Boston University. Stage à l’issue duquel je fus soumis à un test de qualification avant de regagner mon Burkina natal, où je repris tranquillement mes fonctions d’enseignant au Centre de formation professionnelle de l’information (CFPI). Quelques mois plus tard, je fus invité à rejoindre Washington pour une période d’essai de 18 mois, qui fut par la suite convertie en un emploi permanent.

J’évolue depuis lors en tant qu’International Radio Broadcaster au sein de la redaction de la branche francophone de la VOA, qui compte une quinzaine d’agents. Depuis ma prise de fonction, je gravis régulièrement les echelons du corps auquel j’appartiens. A maintes reprises mes efforts ont étés recompensés par des prix d’excellence dont le dernier en date est le « Superior Accomplishment Award » décerné en août 2004 par la directrice de la division Afrique, Mme Gwendolyn Dillard.

Je vous fais remarquer, si tel est le sens de votre question, que les fonctions de supervision sont généralement reservées ici aux citoyens américains et je ne me suis pas résolu jusqu’ici à changer de nationalité.

Quelles sont vos responsabilités précises ?

Au sein de notre rédaction la polyvalence est de rigueur et nous sommes amenés à assumer divers rôles, compte tenu des nécessités de service. Depuis six mois nous avons accentué la régionalisation de nos programmes et je présente régulièrement « Escale en Afrique de l’Ouest », un magazine d’informations consacré à cette partie de notre continent. Tous les mercredis je présente également « Médias d’Afrique et d’ailleurs ». Il m’est arrivé d’être commis à d’autres d’autres tâches comme la traduction continue des nouvelles du jour, puisque nous évoluons dans un environnement essentiellement anglophone, et des missions de reportage sur le terrain.

Quelles qualités et quelles compétences faut-il à un Burkinabè pour travailler au sein d’une redaction internationale comme celle de la VOA ?

Comme je vous l’ai dit, nous évoluons dans un environnement professionnel essentiellement anglophone et il faut tout d’abord justifier d’une bonne maîtrise de l’anglais, en même temps que de solides références professionnelles. Dans le contexte américain, il n’est pas superflu de posséder une solide culture de l’excellence. On nous appelle ici “excepted employees”, des agents dont l’embauche relève d’une exception administrative. Cela veut dire que nous avons été recrutés parce qu’on n’a pas trouvé sur le marché américain des citoyens disposant d’une expertise égale ou supérieure, dans le maniement de la langue française notamment.

Techniquement donc, je pourrais perdre mon emploi si l’on venait à découvrir un citoyen américain susceptible de me battre sur mon terrain. De deux choses l’une, ou je deviens américain, ou je reste Burkinabè, mais en faisant en sorte que ce cas de figure ne puisse pas se presenter, c’est-à-dire en restant en mesure de battre n’importe quel américain dans le domaine qui est le mien. Je dois donc me demander chaque matin comment je peux faire encore mieux qu’hier...

Quels liens avez-vous gardés avec le Burkina ?

Tous les expatriés vous le diront : on n’éprouve jamais autant d’attchement pour son pays que quand on vit à l’étranger, et je vous garantis que cela va bien au-delà de la nostolgie pour le “baabenda” ou les “poulets-bicyclettes”. Si vous consultez par exemple l’annuaire du téléphone du Burkina, vous verrez que mon nom y figure en bonne place depuis 12 ans. Je n’ai jamais fait plus de deux ans de suite sans rentrer au pays.

Je suis abonné au quotidien l’Observateur Paalga et je consulte régulièrement le site web Lefaso.net pour prendre connaisance des nouvelles du pays. Je sais par exemple que maître Stanislas Bénéwendé a récemment qualifié Somgandé et Ouaga 2000 de cités de l’impunité. Il se trouve que je m’efforce depuis quelques années de construire dans la denière zone citée une maison d’habitation, et je ne vois pas ce que l’impunité vient chercher dans cette affaire. De nombreux Burkinabè vivant à l’étranger sont dans mon cas et nous ne souhaitons certainement pas que de jeunes nervis en mal de patriotisme primaire aillent incendier un jour nos réalisations, croyant de bonne foi s’attaquer à l’impunité et rendre service à la nation...

Que pensez vous de l’Etat de la presse au Burkina ?

La presse a fait beaucoup de progrès, dans le fond comme dans la forme. Les confrères restés au pays ont gagné le combat de la diversité et de la liberté d’opinion. Il reste cependant du chemin à faire en direction d’une plus grande objectivité et d’une meilleure responsabilité. Vous savez sans doute que l’un des monuments de la presse américaine, Dan Rather vient de demander (à son corps défendant ?) à faire valoir ses droits à la retraite, et que quatre de ses collaborateurs ont été licenciés sans ménagement par la chaîne de television privée CBS. Leur ”crime” a été d’avoir diffusé des allégations insuffisamment fondées sur les états de service du candidat Georges Bush, du temps où il était jeune lieutenant de la Garde nationale. Dan Rather et ses collaborateurs ont affirmé que l’actuel patron de la Maison blanche a bénéficié de faveurs injustifiées, sans toutefois pouvoir apporter de preuves irréfutables.

Il faut reconnaître que la presse burkinabè contient encore pas mal d’attaques personnelles insuffisamment fondées sur des faits. A ce niveau, vous conviendrez que le débat professionnel a été profondément perturbé au Burkina par l’assassinat de Norbert Zongo, paix à son âme, et le restera encore longtemps. L’illustre disparu a payé au prix fort le droit d’entrer au Panthéon des héros nationaux. Il se pose dès lors la question de savoir si l’on pourrait, sans paraître faire l’apologie du crime et sombrer de ce fait dans l’infamie, contester les pratiques professionnelles dont il se faisait le champion. Le fantôme de Norbert hantera encore longemps la presse burkinabè, aussi bien que ses assassins...

On a noté que lors des derniers Galians, vous avez sponsorisé un prix ; pourquoi une telle initiative ?

J’ai voulu tout simplement apporter ma modeste contribution au développement de la presse burkinabè. J’ai exercé pendant 20 ans au Burkina, sans assister à une seule remise de prix à qui que ce soit. Les agents travaillant à l’ambassade des Etats-Unis pourront confirmer que les distinctions professionnelles participent d’une tradition américaine bien ancrée. Ainsi donc, dans le cadre de notre magazine consacré aux medias d’Afrique et d’ailleurs, j’ai appelé un jour le secrétaire général du ministère burkinabè de l’information, l’excellent Amado Ouangrawa, pour solliciter une interview téléphonique sur les prix Galians.

A l’issue de cet entretien, je lui ai demandé en plaisantant s’il existait un prix récompensant les journalistes burkinabè en poste à l’étranger. Il m’a répondu que nous n’étions pas concernés et m’a invité au contraire à donner un prix si je le voulais. Je me suis enquis des conditions et l’ai rappelé un peu plus tard pour lui dire que je consentais à le faire. Voilà comment les choses ont commencé..

Avez-vous des projets en matièe de medias au Burkina ?

A vrai dire non. Avant de venir m’installer aux Etats-Unis il y eut un moment où je caressais l’idée d’une station de radio privée qui serait la réplique ouestafricaine d’Africa numéro 1 en Afrique centrale. C’était avant la revolution d’Août. J’ai par la suite vécu comme vous le savez une traversée du désert qui a propulsé la simple survie professionnelle au premier rang mes priorités. Je risquais fort de finir dans un placard, comme ces cadres dont parle ces jours-ci le journal l’Evénement. Ce fut ensuite le départ pour les Etats-Unis. Mais maintenant que vous m’y faites penser... peut-être que je vais recommencer à rêver.

Depuis Washington et dans um media international comme la VOA, quelle image a-t-on du Burkina ?

Vous me donnez l’occasion de préciser que je n’ai pas qualité pour tenir des propos engageant la VOA en tant qu’institution. Tout ce que je vous dis n’engage que ma « chétive personnalité... », pour emprunter une expression chère au professeur Laurent Bado.. Je voudrais cependant vous rappeler que le Burkina a été le tout premier pays où le service francophone de la VOA a entamé des relations de partenariat avec une station privée. Ce fut avec la chaine Horizon FM de Moustapha Thiombiano.

Ces rapports ont été malheueusement interrompus par suite d’une decision du CSI interdisant le relais des stations étrangères en direct. Nous avons été ainsi amenés à installer notre propre station de relais FM, diffusant sur 102.4 à Ouaga. Le Burkina est aujourd’hui l’un des pays africains où nous disposons d’une solide audience, au double sens du terme.

Je dirai donc que nous avons du Burkina une perception pafaitement professionnelle. Nous tâchons de traiter l’actualité de ce pays, comme de tous les autres pays du reste, avec le maximum de célérité, d’impartialité et de professionalisme. Notre rôle n’est pas d’avoir une opinion, mais de fournir des informations objectives à partir desquelles, ceux qui nous écoutent peuvent se faire leur proper opinion.

Avez-vous des contacts avec la communauté burkinabè aux Etats-Unis ?

Très certainement. Et j’ajoute que je suis membre-fondateur et membre du bureau exécutif de l’Association des Burkinabè de la region de Washington, en abrégé ABURWA.

Interview réalisée par Cyriaque Paré
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2012 à 15:08, par Un Compatriote Vivant aux USA En réponse à : Samuel Kiendrébéogo, journaliste burkinabè à la Voix de l’Amérique

    Je decouvre presque 7 ans apres cet article qui m’inspire enormement, car vivant moi meme aux USA. Je suis en meme temps surpris de savoir que l’article n’a suscite aucune reaction de la part des internautes. J’ecoutais Samuel K sur VOA au Burkina quand j’etais plus jeune. Sa voix fais parti d’autres voix celebres du faso qui me reviennent regulierement a l’esprit, a savoir : Jim Djibril, Peter Kazoni et plus loin dans le temps Pierre Claver Tassembedo.
    La nouvelle du deces de Samuel et la lecture de ce present article me plonge dans un moment de reflection profonde. A un moment ou je m’apprette a entamer une carriere professionnelle aux USA apres quelques annees d’etudes, je saurai lire entre les lignes de cet article et puiser les ressources necessaires pour une reussite professionnelle.
    Infiniment MERCI a Samuel K pour les conseils de sages prodigues.
    Infiniment MERCI pour LeFaso.net pour cet article realise.
    Veuillez s’il vou plait remettre cet article a la une pour quelques temps et je suis sur que les lecteurs le liront avec un oeil different.
    Reste in Peace Uncle Samuel

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique