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<I>La chronique du fou </I> : Burkina Faso, un pays où il est interdit de réussir

Publié le vendredi 28 janvier 2005 à 08h54min

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Au Burkina, il est interdit de réussir. Non pas parce que les conditions d’une véritable ascension sociale font défaut ou sont inexistantes, (bien que le pays soit, on le reconnaît, handicapé par la nature), mais parce que des Burkinabè couvent de vilains sentiments de jalousie qui apparaissent au grand jour dès lors que le voisin, le collègue, l’ami, le frère, bref toute connaissance, proche ou éloignée soit-elle, réussit à se frayer les voies de la réussite. Une peur bleue noue constamment leurs entrailles : le succès de l’autre.

Pour être moins malheureux et éviter de s’apitoyer sur leur sort, ces médisants lieront cette réussite à tout, sauf à l’effort personnel soutenu et au savoir-faire du nouveau riche. On s’empressera d’agiter les grelots de l’argent mal acquis. Détournements de fonds, pratiques occultes... tout y passera pour justifier ce progrès. Encore que ces nouveaux riches peuvent déjà s’estimer heureux si les nombreux détracteurs se contentaient de gloser sur l’origine de leur fortune. Car dans bien des cas, c’est leur disparition physique qui est souhaitée. Il en est ainsi que ce soit en ville ou au village.

C’est qu’en fait, à travers ceux qui ont réussi, ces individus socialement aigris voient leur propre échec, ce qu’ils ne supportent pas. Ce qu’ils souhaitent, c’est que tout le monde marche à leur pas (si tant est qu’ils marchent vraiment). Pourtant, ils auraient beaucoup à gagner en faisant leur autocritique. Ils entretiennent ces mauvais sentiments, oubliant qu’il est permis au petit poisson de devenir un jour grand, lui aussi, si Dieu, bien sûr, lui prête longue vie. Ils oublient aussi que la jalousie bouche le chemin de la réussite.

On dit qu’au Burkina, quand votre vache met bas, c’est la tristesse totale. Mais quand elle meurt, c’est la joie totale. De même, lorsque vous êtes dans une voiture et que vous rencontrez une connaissance sur une mobylette, le plus grand souhait de ce dernier sera que vous rouliez à mobylette, au lieu de se battre, lui aussi, pour pouvoir s’offrir une voiture.

Certes, tout le monde n’a pas les mêmes chances de réussite dans la vie. Mais est-ce là un sentiment noble ? En tout cas, la fortune bien acquise profite souvent directement ou indirectement à la multitude dans laquelle on vit. Au Burkina, de riches hommes d’affaires respectables ont mis une partie de leur fortune au service du développement national.

Alors, pourquoi leur en vouloir ? Dans ce climat empesté des vilains sentiments de jalousie, on comprend aisément que certains opérateurs économiques burkinabè renâclent à investir dans la localité ou même le pays dont ils sont pourtant originaires. Evidemment, pour l’étranger, c’est autre chose.
Il n’y a rien à dire sur l’origine de sa richesse ou sur les raisons de sa réussite. C’est à peine si l’on ne trouve pas cela normal et si on n’est pas prêt à l’aider à prospérer davantage.

Dans un monde de plus en plus ouvert à la concurrence et où les compétences se doivent d’être valorisées, faut-il encore se montrer encore humble ? Il est reproché au Burkinabè d’être timide et de ne pas faire valoir ses compétences dans les grandes instances internationales, alors qu’il est connu pour être un travailleur sérieux et consciencieux à l’extérieur. C’est une attitude qui doit cesser, au risque, pour le citoyen burkinabè, de rater les opportunités qui s’offrent à lui.

Mais ce qui est regrettable dans tout cela, c’est que le Burkinabè manque parfois d’ambition. Il ne voit pas "grand", quand il s’agit d’élaborer un projet. Le goût du risque aussi lui manque. L’esprit d’entreprise, quoi que ne fassant absolument pas défaut, est plutôt négligeable chez lui. Est-ce lié à
l’ éducation, à la religion ? Ce n’est pas sûr. D’autant qu’il est écrit en substance dans le Coran par exemple qu’ il faut prier comme si on mourra demain et vivre comme si on ne mourra pas demain. Cela indique aisément que chacun doit, à son niveau, chercher à se faire une place au soleil, dans le respect de l’autre.

De toute façon, on aura beau élaborer des modèles de développement aussi parfaits que possibles, tant que certaines pesanteurs sociales perdureront, elles constitueront un sérieux handicap au développement.
Dans la vie, il faut avancer. Et plutôt que d’être aigri, chacun devrait prendre pour modèle des exemples avérés de réussite sociale. Ces modèles constitueraient ainsi un ferment qui stimule.

Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté sous le soleil. Dans les pays développés, la réussite sociale ne scandalise personne, quand, évidemment, elle est saine. Mieux, ces "exemples de réussite" sont invités à raconter leur parcours. D’où les nombreux exemples des "succes histories" aux USA. Au fait, pourquoi jalouser quelqu’un quand son étoile brille, alors qu’on n’est pas prêt à le jalouser dans ses moments difficiles ? Ces féroces carnassiers avaient-ils demandé à être aux côtés de la personne lors de sa traversée du désert, lors de ses moments de misère ? Savent-ils seulement ce qu’il a enduré avant d’en arriver là ? Ce genre de questions, on ferme les yeux là-dessus, par mauvaise foi surtout.

Tous ces comportements sont incompatibles avec notre volonté de développement. Il est temps de commencer à croire que les Burkinabè peuvent réussir par leur propre effort soutenu, par la rigueur dans la gestion, par leurs connaissances modernes en management, par l’organisation et la méthode.

Il faut cesser de croire que le Burkinabè ne peut réussir que lorsqu’il a volé, tué ou bénéficié de financements occultes. Il faut de plus en plus compter sur les qualités manageriales du Burkinabè et surtout sur sa capacité à faire fructifier un capital. Toute mentalité contraire nous mettra durablement à l’écart des courants du progrès.

Le Fou

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