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Musique : Le Burkina “colonisé”

Publié le jeudi 27 janvier 2005 à 06h51min

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La musique n’a pas de frontière, dit-on. En ce domaine, l’intégration n’est pas un vain mot et c’est bien ainsi. Cependant, pour que vivent les artistes nationaux et leur musique, il y a nécessité de modération dans la consommation de la musique étrangère. Cette vérité devrait être internalisée au Faso où malheureusement on est encore à se demander, avec l’artiste musicien Zedess, où nous allons.

En réalité, les Burkinabè en majorité sont friands de produits exotiques. Ce qui vient d’ailleurs leur paraît plus beau, plus à même de mettre leur personne en valeur. D’où la consommation « sans modération », l’expression est en vogue, de ses produits étrangers au détriment de ceux nationaux. Nos femmes ne préfèrent-elles pas les pagnes qui viennent de l’extérieur au risque d’avoir contribué à mettre à genoux puis à « tuer » l’un des fleurons de l’industrie burkinabè, « Faso Fani » ?

Le riz burkinabè dont on dit cependant apprécier le goût et le parfum ne moisit-il pas dans les entrepots des producteurs ? Et que dire de la musique, nationale ? Là vraiment, il y a à « prendre les armes » si l’on est de ces nationalistes fanatiques ! La consommation à outrance de la musique étrangère a « gangrené » toutes les couches sociales de notre pays. La piraterie aidant, l’offre dépasse la demande et l’on est tous envahis de ces sonorités qui forcent nos tympans.

La « colonisation » ivoirienne

La consommation de la musique ivoirienne par les Burkinabè est très exagérée et on tente vraiment de se donner une explication. Question de voisinage ? Surtout pas ! Qualité de la musique ? Non, absolument non ! Si la question de la qualité était mise en avant, certainement que rares de musiciens du bord de la Lagune Ebrié seraient écoutés ici au Faso car des fadaises, on en débite là-bas et rythmes et chansons n’ont rien d’exceptionnel ou d’extraordinaire. Du « Zouglou » au « Coupé décalé » en passant par le « Mapouka » et autres, qu’est-ce qu’un « Warba » ou un « Djiéka » du pays bissa a à envier à ces rythmes ? Pourtant, ils ont endiablé et continuent d’endiabler le Burkina Faso musical.

Si la musique ivoirienne est prisée dans la sous-région et peut-être au-delà, l’exagération est au Burkina Faso. D’où la nécessité d’une réaction plus que musicale pour forger au pays, une véritable « identité musicale » propre qui le distingue sur l’échiquier internationale en la matière, à l’instar d’un pays voisin dont les potentialités sont sensiblement égales aux siennes. En effet, au Mali voisin, même si tout n’est pas encore « parfait », la musique malienne a acquis une notoriété internationale. La consommation de la musique étrangère, singulièrement ivoirienne vient en seconde zone.

Ce n’est donc pas étonnant que les Salif KEITA, Oumou SANGARE et autres sont aujourd’hui des multimillionnaires voire des milliardaires, ayant fait fortune dans leurs productions musicales.
Les Maliens ont d’abord fait confiance aux artistes musiciens nationaux en achetant leurs cassettes pour les soutenir, en participant à chaque occasion à leurs concerts ; bref en les aidant à se forger une carrure.
Au Burkina, ce n’est pas le cas, on préfère toujours la musique ivoirienne comme s’il n’y avait pas de musiciens ici au Faso.

Il est maintenant loin le temps où, pour se justifier, on mettait en cause la qualité de nos artistes musiciens et de leurs musiques. En effet, depuis quelques années, nos artistes musiciens sont en train de prouver qu’il suffit de leur faire confiance, de les soutenir pour qu’ils fassent mieux que ceux dont nous aimons même les fadaises. Nous n’avons rien contre la musique de nos frères ivoiriens, bien au contraire. Nous déplorons cependant, l’attitude des Burkinabè qui préfèrent la musique étrangère à la leur.

Si justement certains pays comme la Côte d’Ivoire ont réussi à s’« imposer » à nous (le mot est faible), à nous coloniser sur le plan musical c’est parce que d’abord, leurs peuples sont fiers de leurs musiques et par leur consommation, ils ont permis leur promotion, leur exportation.

Voilà une réalité qui devrait nous faire comprendre que nous sommes en tant que mélomanes pour une grande part dans le rayonnement ou « l’extinction » de notre musique nationale. Ce qui s’impose à nous à présent, c’est qu’il faille nous « décoloniser » musicalement et cela n’est pas une mince affaire. Dans cette optique, le ministère en charge de la culture a un rôle important à jouer. Le combat contre la piraterie et pour la promotion des artistes qu’il mène doit se poursuivre. Quant aux mélomanes, ils devront d’abord « consommer musique nationale », acheter les cassettes des artistes burkinabè pour les soutenir. Les opérateurs économiques et autres « gourous » ne perdent rien en investissant dans la musique nationale.

Les organisateurs de spectacles et autres concerts devront revoir leur copie. Ils contribuent peut-être inconsciemment (encore que) par leurs actes à dévaloriser l’artiste national et son travail qui alors aux yeux des mélomanes ne peuvent voler haut. N’est-ce pas en effet indécent de mettre dans la besace d’un musicien étranger plusieurs millions de CFA alors qu’on ne file que quelques milliers à celui national pour des prestations ? L’artiste venu d’ailleurs a généralement une qualité surfaite et à le voir sur le podium, on est souvent déçu mais cela n’empêche pas de rééditer la même bêtise puisque l’exotisme est au rendez-vous !

Du reste, ça commence à venir comme dirait l’autre. Une jeune génération d’artistes nationaux aux dents bien longues est en train de forcer son chemin et les choses s’annoncent plus prometteuses. Dans cette veine est le groupe Yéelen qui a rempli le stade municipal lors d’une prestation digne de grands artistes. N’est-ce pas là un message fort à tous ceux et à toutes celles qui continuent de douter de la qualité de nos artistes ?

Certains groupes de rap, les artistes musiciens tels Bill Aka KORA, Sonia Carré D’AS, Amity MERIA, Idak BASSAVE, Sami RAMA, Zedess et même le « fiston » Madson JUNIOR, pour ne citer que ceux-là, qui hissent très haut la musique burkinabè sont des « exemples vivants » qui doivent permettre à chaque Burkinabè de comprendre enfin la nécessité de soutenir nos artistes musiciens, de consommer d’abord la musique burkinabè avant toute autre.

A chacun de prendre conscience du danger qui guette notre musique,nos musiciens et donc notre culture pour qu’ensemble la tendance soit renversée en faveur de la consommation de nos productions musicales nationales.
C’est à ce prix que la musique burkinabè et les musiciens avec pourront se « positionner » sur le plan international.

Par Ben Alex Béogo
L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 4 avril 2005 à 21:39, par Asya En réponse à : > Musique : Le Burkina “colonisé”

    Cher monsieur,
    Je souhaite réagir à votre article qui m’a plus qu’offusquée !
    Je suis une jeune africaine d’origine ivoirienne et je souhaiterais apporter quelques petits éclaircissements si vous me le permettez.
    Tout d’abord je vous trouve bien présomptueux de déclarer de manière aussi péremptoire que les artises ivoiriens ne débitent que des "fadaises",pour reprendre votre expression.C’est là un jugement assez sévère que vous portez à la musique ivoirienne.Celle-ci ne se limite pas seulement au coupé-décalé ou au mapouka.

    Laissez moi vous dire qu’en ce qui concerne le mapouka ,il s’agit à l’origine d’une danse traditionnelle du sud de la RCI, exécutée lors de manifestations villageoises par des mères de famille voire même des grands-mères, ce de manière tout à fait décente !!
    Le scandale qui en a découlé vient de ce que certaines personnes mal intentionnées en ont fait,appelons un chat un chat, de la pornographie.Mais n’est-il pas vrai qu’en toutes choses il y a des brebis galeuses ?

    Ensuite la RCI a des artistes comme Ernesto Djédjé,Lougah françois,Bailly Spinto,Allah Thérèse,Reine Pélagie, et j’en passe qui sont à la Côte d’Ivoire ce que Rochereau,Tshala Muana sont au congo ou encore Fela Kuti est au Nigéria !

    Plus près de nous que dire d’artistes comme nayanka Bell,Monique séka, Chantal Taïba, Meiway ,Gadji Céli,Marcellin Yacé,Aïcha Koné ? Chanteraient-ils des "fadaises" ?
    Non,je ne crois pas.

    Tout en reconnaissant que cetains thèmes de chansons sont un peu "légers", je persiste à croire que la musique ivoirienne st à la place qu’elle mérite dans le coeur des mélomanes burkinabè, et du reste du monde car elle est à l’image de la Côte d’ivoire :écclectique et c’est justement cet écclectisme mêlant gravité et "super ambiance" qui fait la force de mon pays.

    En espérant sinon vous avoir convaincu,du moins fait revenir à de "meilleurs sentiments" à l’égard de la musique ivoirienne, je vous souhaite non seulement à vous mais aussi à tous les mélomanes du Faso,de passer d’excellents moments au son des mélodies"ivoires".

    Ps:On ne saurait reprocher aux habitants du Faso d’apprécier les bonnes choses ,quand bien même celles ci seraient ivoiriennes !!!

    Je serai ravie que vous me fassiez parager votre avis sur ma réaction.
    Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante:syllann26@yahoo.fr

    Bien à vous.

    Asya

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