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Sommet de l’Elysée : Vers de nouvelles relations France/Afrique

Publié le lundi 9 décembre 2013 à 01h40min

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Sommet de l’Elysée : Vers de nouvelles relations France/Afrique

Ouvert dans l’après-midi du vendredi 6 décembre, le sommet de l’Elysée pour la Paix et la sécurité en Afrique, a pris fin le samedi 7 décembre par une conférence de presse animée par les présidents français François Hollande, sénégalais Macky Sall, tanzanien Jakaya Mrisho Kikweté, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon.

Les travaux qui se sont déroulés pour l’essentiel dans la salle de conférence du ministère des Affaires étrangères, dans le 15e arrondissement de Paris, ont porté sur trois points : Paix et sécurité, partenariat économique et développement, changement climatique.

Paix sécurité

Dans la déclaration finale publiée peu avant la clôture du Sommet, on apprend que sur le premier point c’est-à-dire la paix et la sécurité, des avancées importantes ont été réalisées par l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les Etats africains dans la mise en œuvre d’opérations de paix, au Mali, en Centrafrique, en Somalie, en Guinée-Bissau, au Burundi, au Soudan et aux Comores. Les participants ont toutefois souligné « l’urgence de disposer de capacités de réaction aux crises, en activant notamment la Force africaine en attente et la Capacité de déploiement rapide à l’horizon 2015, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC), telle que décidée lors du dernier sommet de l’UA en mai 2013 à Addis-Abeba ». Au-delà des effets d’annonce, il s’agit pour les Africains de mettre en œuvre l’Architecture africaine de paix et de sécurité en matière de prévention et de médiation. « C’est aux Africains et à eux seuls d’assurer leur propre sécurité », a martelé le président français dans son discours d’ouverture et de clôture du sommet.

Selon le président sénégalais, Macky Sall, face aux multiples urgences (famine, scolarisation, pauvreté, etc.,), les pays africains ont longtemps négligé le secteur de la sécurité, mais ont maintenant pris conscience du lien étroit qui existe entre le développement et la sécurité. D’où la décision prise de mettre sur pied des forces de réaction rapide dans les différentes régions du continent, aptes à agir en cas de nécessité, comme l’exigeait la situation, hier au Mali et aujourd’hui en Centrafrique. Quand ces forces de réactions seront-elles opérationnelles, avec quels moyens, sous quel commandement ? Autant de questions qui restent pour l’instant sans réponses. Un Forum informel sur la sécurité en Afrique devrait se tenir au Sénégal en 2014, une occasion de faire le point sur les engagements pris lors du sommet de l’Elysée.

Le sommet s’est penché également sur la lutte contre les réseaux criminels, les trafics d’armes, d’êtres humains, les braconniers d’espèces menacées d’extinction, ainsi que les trafics de drogues et les flux financiers liés aux trafics illicites. La France s’est dite prête à assurer la formation de 20 000 soldats africains sur cinq ans, à mettre des conseillers militaires à la disposition de la CEDEAO et de la CEEAC, deux organisations régionales qui ont montré leurs limites dans la prévention et la gestion des crises comme on a pu le constater lors de la guerre civile au Libéria, en Sierra Leone au début des années quatre-vingt dix, au Mali et dans l’Est de la République démocratique du Congo et en Centrafrique aujourd’hui.

Partenariat économique et le développement

Sur le partenariat économique et le développement, la déclaration finale appelle à faire « des échanges humains le moteur de la relation économique en misant sur la jeunesse » et assurant « promotion de talents entrepreneuriaux au service des échanges croisés ». Dans cette optique, une Fondation franco-africaine est annoncée, « rassemblant intérêts publics et privés, dans un contexte de mobilité et de circulation des hommes d’affaires ». Dans les cinq prochaines années, 15 milliards d’euros de garanties Coface (l’assureur qui accompagne les entreprises françaises à l’étranger) seront mobilisés sur l’Afrique, en particulier pour le financement des infrastructures, un des obstacles à l’intégration économique sur le continent noir. Le président Macky Sall a annoncé qu’un fond d’un montant de 368 milliards de FCFA est prévu pour financer 51 projets africains éligibles au Programme de développement des infrastructures (PIDA) sur la période 2012 et 2040, c’est-à-dire, des projets transnationaux dans les domaines de l’énergie, les transports et les télécommunications et qui profitent à plusieurs pays.

Le président français souhaite renforcer les relations économiques avec l’Afrique, « un continent d’avenir pour la France » en doublant le volume des échanges franco-africains d’ici 2020. En clair, la France qui a perdu des parts de marchés sur le continent africain, y compris dans la zone CFA, entend accompagner ses entreprises face à la concurrence venue des pays émergents, notamment la Chine, l’Inde, le Brésil. Les chefs d’Etats ont donc décidé d’intensifier les échanges humains (intellectuels, étudiants, hommes d’affaires) à travers des programmes, rencontres et séminaires conjointement organisés. Le secteur de la santé devrait bénéficier d’une enveloppe d’1,08 milliard d’euros destinée à lutter contre le sida, la tuberculose, le paludisme.
Il s’agit assurément d’une révolution culturelle dans les rapports que la France souhaite désormais établir avec l’Afrique, tout le contraire de son prédécesseur qui avait crû savoir que le continent noir n’était pas entré dans l’histoire, et que, au plan économique, « la France n’a pas besoin de l’Afrique ».

Durant la conférence économique tenue le 4 décembre au Ministère de l’Economie et des finances et dans les travaux des chefs d’Etats, le message a été maintes fois rappelé : Les entreprises françaises doivent cesser de croire qu’elles ont des positions acquises et avoir désormais sur l’Afrique, un nouveau regard et un changement de perception sur le risque financier à y investir.

Cette nouvelle stratégie permettra t-elle à l’Hexagone de contrer l’offensive chinoise sur le continent africain ? Rien n’est moins sûr ! La Chine qui a, dans le passé entretenu de fortes relations politiques avec l’Afrique dans la lutte contre le colonialisme, a radicalement changé de stratégie depuis plus de dix ans, en privilégiant les rapports économiques et commerciaux avec les pays du continent. En 2000, les échanges commerciaux sino-africains qui étaient estimés à 10 milliards de dollars, sont passés à 100 milliards en 2008 et à près de 200 milliards en 2012. La Chine est devenue le premier partenaire de l’Afrique, premier investisseur, premier bailleur de fonds. Le libre blanc 2012-2015 publié en août dernier sur la coopération sino-africaine prévoit, entre autres, un investissement de 2 milliards de dollars dans 30 pays africains, la formation de 30 000 professionnels et l’attribution de 18 000 bourses d’étude. D’autres partenaires comme l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil, la Turquie ont également lancé une offensive sur le continent, désireux de profiter des richesses sous-sol africain et capter le pouvoir d’achat d’une classe moyenne qui est en train d’émerger.

Changement climatique

Sur le changement climatique, les chefs d’Etats ont réaffirmé l’urgence de limiter le réchauffement en dessous de 2°C par rapport à l’ère industrielle, d’où la nécessité d’un nouvel accord lors de la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en 2015. « Nous avons besoin d’accord contraignant qui obligera les pays signataires à respecter leurs engagements », a déclaré le président tanzanien et président en exercice de l’Union africaine, notamment en ce qui concerne les transferts de technologies et l’alimentation du fond vert pour le climat. En 2010 au Cap, en Afrique du Sud, les Etats s’étaient engagés à contribuer pour 100 millions de dollars dans ce fond, mais rien n’a été versé. « L’Afrique n’émet que 3% d’émission de gaz à effet de serre, mais nous sommes aussi victimes du réchauffement climatique », a ajouté Jakaya Kikweté. Européens et Africains parviendront-ils à trouver un accord lors du sommet d’avril prochain consacré au changement climatique en attendant la grande conférence de 2015 ?
En marge du sommet, une conférence sur les violences sexuelles faites aux femmes a eu lieu au musée du Quai Branly en présence des épouses de chefs d’Etat, de ministres et de responsables d’association. Les participants se sont engagés à lutter contre l’impunité dont bénéficient les auteurs de violences sexuelles, surtout dans les zones de conflit où le ventre de la femme est devenu un champ de bataille entre groupes armées. Le sommet a invité les gouvernements à associer pleinement les femmes dans les processus de décision politiques, économiques en leur facilitant l’accès aux mandats électoraux et aux fonctions de décision.

Joachim Vokouma, Lefaso.net (France)

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