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Djibrill Y. Bassolé : un médiateur veut être « utile » à ceux qui ont choisi « la guerre des hommes » plutôt que « la guerre des idées » (2/2)

Publié le dimanche 8 décembre 2013 à 18h21min

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Djibrill Y. Bassolé : un médiateur veut être « utile » à ceux qui ont choisi  « la guerre des hommes » plutôt que « la guerre des idées » (2/2)

Dans sa communication sur « le processus de médiation du Burkina Faso dans les conflits en Afrique de l’Ouest » (cf. LDD Burkina Faso 0398/Lundi 2 décembre 2013), Djibrill Y. Bassolé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, revient sur l’implication du Burkina Faso dans la résolution de la crise ivoirienne. C’est, me semble-t-il, une des rares fois où un responsable politique burkinabè donne officiellement son appréciation sur les causes de cette crise et les conditions de sa résolution.

D’abord, à la suite de la présidentielle 2010, constatation d’un « déficit de démocratie » du fait de l’exclusion de « certains candidats potentiels au nom d’un concept appelé ivoirité ». D’où « un sentiment de frustration et de vives tensions politiques […] aggravés par les difficultés socio-économiques ». De ce fait, « des groupes de jeunes militaires et civils » vont prendre les armes le 19 septembre 2002 « pour revendiquer plus de démocratie, plus de justice et plus d’équité ». Résultat : « partition de la Côte d’Ivoire » : Forces nouvelles au Nord et au Centre, Mouvement populaire ivoirien du grand Ouest et Mouvement pour la justice et la paix à l’Ouest.

Les accords de Kléber (compromis de Linas Marcoussis) puis d’Accra et enfin de Pretoria ne parviendront pas à sortir de la crise. C’est alors qu’après son discours à la Nation du 19 décembre 2006, proposant un plan de sortie de crise en cinq points dont le dialogue direct entre le pouvoir et les Forces nouvelles, Laurent Gbagbo, venu à Bobo Dioulasso (24 janvier 2007) va solliciter la facilitation du président du Faso. Facilitation acceptée après consultation du secrétaire général des Forces nouvelles (Guillaume Soro) et du premier ministre de la transition (Charles Konan Banny).

Après l’identification des causes du conflit, l’identification et l’écoute des protagonistes, puis la rédaction d’un projet de document visant à la conciliation entre les parties, un dialogue direct entre celles-ci sera organisé qui aboutira à l’accord politique de Ouagadougou (4 mars 2007). Mais les choses ne seront pas simples. La mise en œuvre de l’accord, comportant 7 chapitres, « s’est heurtée à de nombreuses difficultés liées à son interprétation, à certains événements qui n’étaient pas prévisibles, aux questions de sécurité et au redéploiement effectif de l’administration sur l’ensemble du territoire ».

D’où la signature de 4 accords complémentaires : 27 mars 2007 ; 28 novembre 2007 (deux accords) ; 22 décembre 2008. Dans le même temps des mécanismes de suivi sont mis en place : Cadre permanent de concertation (CPC), « organe de veille et de dialogue permanent devant concourir au renforcement de la cohésion nationale » composé de Gbagbo, Bédié, Ouattara et Soro, les quatre acteurs de la crise ; Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA), « organe technique » regroupant uniquement les parties signataires de l’accord et les partenaires techniques et financiers de la Côte d’Ivoire. Le CPC comme le CEA étaient présidés par Blaise Compaoré.

Bassolé fait état de « lenteurs » et de « lourdeurs » imputables « à l’absence de bonne volonté de certaines parties prenantes ». Mais, cependant, la présidentielle pourra être organisée les 31 octobre et 28 novembre 2010. Il évoque également « la grave crise post-électorale » et « l’intervention de la force française Licorne et de l’ONUCI » qui a permis que Ouattara soit « installé dans les fonctions de président de la République de Côte d’Ivoire ».

Passons au Mali. La crise résulte d’abord des « revendications identitaires des Touaregs dans une région où cohabitent plusieurs groupes ethniques ». La quatrième rébellion armée est déclenchée le 17 janvier 2012 par le MNLA. Vient s’y greffer celle d’Ansar Eddine « qui réclamait l’application de la charia dans un contexte marqué par la menace terroriste ». S’ajoute à cela le coup d’Etat d’une « junte militaire » le 22 mars 2012 « au motif de [la] passivité [du président Amadou Toumani Touré], de sa complaisance avec les mouvements armés du Nord ». Résultat : « la crise devint alors institutionnelle et sécuritaire, plongeant le Mali dans une situation chaotique ».

Bassolé souligne que « le conflit malien a eu des conséquences humanitaire et sécuritaire graves pour le Burkina Faso » avec notamment l’afflux d’environ 100.000 réfugiés. Le 27 mars 2012, à Abidjan, la Cédéao va nommer Compaoré comme médiateur afin « d’engager un dialogue fructueux visant à la restauration de la paix dans ce pays ». Priorité du médiateur : « rétablissement de l’ordre constitutionnel et restauration des institutions républicaines ». La junte fera une « déclaration solennelle » le 1er avril 2012 et signera un accord-cadre le 6 avril 2012 permettant le rétablissement des institutions républicaines, l’installation d’un président de la République par intérim et la mise en place d’un gouvernement de transition.

Il sera dès lors possible de procéder aux « consultations préliminaires avec le gouvernement de transition et les différents groupes armés du Nord du Mali » sur les principes d’unicité du territoire malien, de la laïcité, du respect des droits humains et des libertés fondamentales. Les 14 et 15 avril 2012 vont débuter à Ouagadougou des concertations directes avec les forces vives du Mali en vue de la restauration de l’intégrité territoriale du pays. Elles permettront d’amener les groupes armés non terroristes à « renoncer à leurs exigences extrêmes et à se démarquer des groupes terroristes ».

Le 4 décembre 2012, ces engagements seront formalisés à Ouagadougou. L’offensive des groupes terroristes, lancée le 10 janvier 2013, va entraîner le déclenchement de l’opération « Serval » tandis que Ouagadougou va poursuivre ses concertations afin de créer un « cadre de dialogue malien inclusif » basé sur « le respect de l’unité nationale, le respect de l’égalité entre les citoyens maliens, le rejet de toute forme d’extrémisme et de terrorisme ». Le 18 juin 2013, toujours à Ouagadougou, le médiateur « obtiendra […] la signature d’un accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ».

Nous en sommes là. Sauf, bien sûr, qu’un président de la République et une Assemblée nationales ont été élues depuis. Et que les tensions politiques avec le MNLA restent vives. Bassolé précise que, « en termes de perspectives, le médiateur de la Cédéao reste disposé à accompagner les parties au conflit dans les pourparlers en vue de parvenir à l’établissement d’un accord global de paix qui garantira l’intégrité territoriale et le développement équilibré de toutes les régions du Mali ». Il ajoute : « Il reste beaucoup à faire pour parvenir à une paix définitive au Mali. Toute la communauté internationale doit rester vigilante pour assister davantage ce pays dans sa quête de paix, de stabilité et de sécurité. L’instabilité dans ce pays constitue une menace pour l’Afrique de l’Ouest et la région du Sahel ».

Il ne manque pas d’ailleurs de saluer, à ce propos, « la stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel » (cf. LDD Nations unies 032/Jeudi 7 novembre 2013). « Elle cadre, ajoute-t-il, avec le référentiel principal de la politique de développement économique et social du Burkina Faso sur la période 2011-2015 qu’est la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) ».

A la veille du sommet Afrique-France, la communication de Bassolé permet de remettre les pendules à l’heure. « Mission accomplie ». C’était déjà son mot d’ordre lors du point de presse gouvernemental du jeudi 21 novembre 2013. Pas question pour Ouaga d’être mis en cause dans une opération qui vise seulement à « être utile » alors que la polémique enfle, à Bamako, au sujet de la nature de l’intervention française au Mali. Pas question non plus de se faire flouer : l’orgueilleuse humilité des Mossi a ses limites et le savoir-faire en matière de médiation du Burkina Faso ne saurait, désormais, être contesté.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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