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Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

Publié le mercredi 27 novembre 2013 à 17h28min

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Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

Il ne lui reste, en Afrique, que le Burkina Faso, Sao Tomé & Principe et le Swaziland (cf. LDD Taïwan 004/Mardi 19 novembre 2013). Au plan mondial, les ancrages diplomatiques de Taïwan ne sont pas plus significatifs. Mais dans la liste des pays avec lesquels Taïwan entretient encore des relations diplomatiques, le Burkina Faso est incontestablement le seul qui ait une signification dans sa zone d’influence et au-delà de cette zone du fait de l’impact de ses médiations qui en font un partenaire international des puissances « occidentales » et des institutions de la « communauté internationale » ; ce qui lui donne une visibilité que n’ont pas d’autres pays africains pourtant mieux lotis en ressources naturelles.

Ouagadougou est une chance pour Taipei. Taipei est une chance pour Ouaga. J’ajouterai que c’est aussi une chance pour la « francophonie » car le maintien de la connexion Taipei/Ouaga fait que Taïwan entretient un contact non négligeable avec l’univers francophone.

Ouagadougou est un pôle « chinois » en Afrique. Le « Pays des hommes intègres » est l’interface entre Taïwan et le continent. Blaise Compaoré m’a toujours affirmé, parmi d’autres motivations, que sa relation avec Taipei et la sauvegarde de cette relation (malgré les critiques de l’opposition – cf LDD Burkina Faso 0326/Vendredi 19 avril 2013) était aussi une affirmation de sa « souveraineté ». Ce qui n’empêchait pas la Chine de Pékin de commercer avec son pays. Jacques Y. Sawadogo, ancien ministre de la Planification et du Développement (ce qui ne saurait être un hasard), a été l’ambassadeur nommé à Taipei lors du rétablissement des relations diplomatiques (la rupture avait été le fait de la « Révolution »).

Dix neuf années en Chine ; doyen du corps diplomatique accrédité à Taipei pendant 14 ans ! Il vient de quitter son poste, auréolé de l’Etoile brillante, distinction remise par le président de la République de Chine lui-même : Ma Ying-jeou, le mardi 29 octobre 2013. Un hommage rare que Taïwan a voulu rendre à un homme d’exception et à une relation tout autant exceptionnelle. Que n’a pas manqué de souligner Sawadogo qui a évoque effectivement « l’exceptionnelle qualité des relations d’amitié et de coopération entre la République de Chine Taïwan et le Burkina Faso ». Sawadogo a ouvert l’ambassade en juillet 1994. Il y laisse son empreinte. Il va laisser, au Burkina Faso, une empreinte chinoise qu’il convient, désormais, de valoriser.

Il est incontestablement un des meilleurs connaisseurs africains de ce pays qui ne ressemble à aucun autre tandis que Taipei est, tout aussi incontestablement, un des meilleurs connaisseurs asiatiques de l’Afrique ; plus que Pékin. Plus que bien des capitales « occidentales ». Parce que ce pays, à l’instar d’Israël, a toujours dû se battre pour se retrouver là où il se trouve aujourd’hui et que cela a demandé une dépense d’énergie considérable. J’ai le souvenir, au lendemain des indépendances africaines, du forcing qui était celui de Taipei sur le continent ; j’ai même le souvenir d’avoir appris beaucoup sur l’Afrique via les magazines, en français, que Taipei consacrait à son action internationale et, tout particulièrement, à sa présence sur le continent. La meilleure attitude pour Taipei, compte tenu du savoir-faire qui est le sien mais aussi du savoir-faire qui est celui des Burkinabè, serait de créer à Ouagadougou un pôle de connaissance, de recherche, d’information et de formation sur les relations Asie-Afrique. Sawadogo est l’homme pour cela.

Que Taïwan demeure « indépendante » ou qu’elle réintègre la grande Chine, peu importe. Son savoir-faire « africain » est incomparable et doit être valorisé. C’est ainsi qu’une centaine d’étudiants burkinabè sont actuellement en formation à Taïwan (y compris dans le domaine militaire). Par ailleurs, « chaque année, a précisé Jacques Sawadogo avant de quitter Taipei, nous recevons en moyenne plus de 90 cadres burkinabè qui viennent ici pour des séminaires ou des formations de courte durée »*.

Sawadogo ne manque pas d’ailleurs de rendre hommage à ces jeunes Burkinabè : « Je dois dire qu’ils font honneur à notre pays. Ils sont socialement très intégrés et ne créent aucun problème. Ce qui les intéresse réellement, c’est leur cursus universitaire. En général, ils sont les meilleurs dans leurs classes ». Les Burkinabè du Burkina Faso ne sont pas plus mal lotis. La presse quotidienne et magazine, les sites et médias internet burkinabè profitent largement de la publicité « institutionnelle » taïwanaise (notamment celle qui valorise les marques mondiales « Made in Taïwan ») sans omettre que Taipei finance régulièrement le séjour dans l’île de la mer de Chine de journalistes locaux.

Quant aux personnalités politiques burkinabè, elles bénéficient d’une considération que ne leur accordent pas nécessairement d’autres pays partenaires**. Quand Soungalo Apollinaire Ouattara, président de l’Assemblée nationale, s’est rendu à Taipei à la tête d’une délégation de cinq députés burkinabè à l’occasion de la fête nationale (10 octobre 2013), il a été reçu par son homologue mais également par le ministre des Affaires étrangères et par le président de la République.

Taipei a nommé en 2013 un nouvel ambassadeur à Ouagadougou. C’est le vendredi 19 avril 2013 que Bruno Shen Cheng-hong a été reçu par le président du Faso pour présenter ses lettres de créance (cf. LDD Burkina Faso 026/Vendredi 19 avril 2013). Il s’est mis très vite à la tâche. Dans la capitale comme en province. Sur le terrain, aussi ; y compris les champs et les rizières. Il est devenu, incontestablement, l’ambassadeur le plus médiatisé de ceux qui sont en poste à Ouaga.

C’est que Taïwan est sur tous les fronts : équipement, santé et nutrition, formation… Sans oublier les dons de matériel et de vivres, les séminaires, les rencontres B to B, les missions d’hommes d’affaires au Burkina Faso et à Taïwan. Taipei ne se contente pas de réaliser des infrastructures ; il assure aussi la formation et le suivi de cette formation. Et il n’y a pas que l’ambassadeur qui fait le job. Les 9 et 10 juillet 2013, le ministre du Travail, Pan Shih-Wei, est venu se rendre compte de ce qui avait été fait au Centre de formation professionnelle et de référence de Ziniaré et au Lycée professionnel national Maurice Yaméogo. Quelques mois plus tard, en octobre 2013, c’est le secrétaire général du FCID, le Fonds taïwanais de coopération internationale et de développement, Tao Wen-Lung, qui a séjourné à Ouaga.

Bien entendu, les entreprises taïwanaises ne sont pas absentes du marché burkinabè ; elles sont présentes notamment dans le BTP, l’aménagement hydraulique, l’énergie solaire, l’agro-alimentaire. Former professionnellement est l’obsession des Taïwanais. Mais il s’agit aussi de former les formateurs et d’inculquer la « notion d’entrepreneuriat pour qu’une fois le cursus scolaire terminé les apprenants n’aient plus de difficultés à trouver un emploi ou, au mieux, à s’auto-employer » (Roger Tseng Jung, premier secrétaire de l’ambassade).

Le Burkina Faso est, en Afrique, pour Taïwan, un formidable point d’appui. Une vitrine. Un modèle de coopération pragmatique et opérationnelle. Quel que soit le devenir de la République de Chine, cette expérience africaine est un acquis. Qui mérite d’être mieux connue et valorisée. Qui mérite surtout de n’être pas « enterrée ». C’est là encore, une expression de la spécificité de cette île de la mer de Chine au destin si particulier.

* Entretien avec Désiré T. Sawadogo (Fasozine n°47/septembre-octobre 2013).

** « Taïwan souhaite être un partenaire sincère d’un développement stable de l’Afrique » a réaffirmé le président Ma Ying-jeou lors de la célébration, à Taipei de la Journée mondiale de l’Afrique (25 mai 2013). Ironie de l’histoire, lors de cette journée, l’ambassadeur de Gambie, président du corps diplomatique africain auprès de la République de Chine, n’avait pas manqué de souligner que « Taïwan est l’un des Etats qui ont accordé une très grande importance au développement de l’Afrique ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 28 novembre 2013 à 15:54, par Androp En réponse à : Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

    Bonsoir. Je ne suis pas un habibue de fasonet si quelqu’un veut bien me dire quel est le sens de ’LDD Burkina Faso 0326/Vendredi 19 avril 2013’’ Present dans le premier paragraphe de l’article ci dessus.

    • Le 29 novembre 2013 à 09:28 En réponse à : Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

      ldd veut dire "la dépêche diplomatique" et c’est un mensuel d’informations diplomatique et économique. donc quand il est écrit cf ldd burkina faso0326/vendredi 19 avril 2013,ça veut dire que dans le mensuel ldd du vendredi 19 avril 2013 tu trouveras sur le burkina faso le passage que lui même va puiser pour nous le représenter aujourd’hui dans son journal ldd du mois-ci pour mettre en exergue nos relations avec la chine taiwan. espère que tu as trouvé reponse à ta question.

  • Le 28 novembre 2013 à 15:55, par Androp En réponse à : Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

    Bonsoir. Je ne suis pas un habibue de fasonet si quelqu’un veut bien me dire quel est le sens de ’LDD Burkina Faso 0326/Vendredi 19 avril 2013’’ Present dans le premier paragraphe de l’article ci dessus.

  • Le 28 novembre 2013 à 21:34 En réponse à : Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

    Cher Mr. Bejot,
    J’aime bien vos écrits. Ils donnent toujours un éclairage précieux à tous ceux qui veulent en savoir plus sur les relations internationales.
    Une correction en ce qui concerne la rupture des relations avec Taïwan et donc l’établissement des relations avec Pékin : la reconnaissance de la Chine populaire par le Burkina ( Haute Volta ) a eu lieu exactement le 13 septembre 1973. Ce fut par un Communiqué lu simultanément à Ouaga et à Pékin par le Dr. Issoufou Joseph Conombo, Ministre des Affaires étrangères et par son homologue chinois. C’était donc 10 ans avant la RDP.
    Ki Doulaye Corentin
    Ancien Ambassadeur

    • Le 29 novembre 2013 à 09:48 En réponse à : Taipei s’ancre durablement en Afrique au-delà… de ses positions diplomatiques (2/2)

      merci excellence pour cette mise au point historique car ce bejot est tellement fol amoureux de blaise compaoré pour des raisons qu’on devine aisément qu’il nous fait avaler souvent des couleuvres. mais mon excellence,est ce que vous pensez sérieusement qu’à l’heure actuelle,cette relation nous(le bas peuple) est bénéfique. j’ai la fâcheuse impression qu’il existe bien une liaison dangereuse entre la chine taiwan et ce clan mafieux qui dirige notre cher faso depuis plus de 26 ans.

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