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Mali : Djibrill Y. Bassolé appelle à rester « solidaires » et à ne pas faire apparaître de divergences au sein de la coalition.

Publié le mardi 26 novembre 2013 à 23h10min

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Mali : Djibrill Y. Bassolé appelle à rester « solidaires » et à ne pas faire apparaître de divergences au sein de la coalition.

C’est une pratique burkinabè qu’il convient de saluer : le point de presse du gouvernement. Pas seulement une opération de « com ». L’occasion pour les journalistes présents d’interroger librement les membres du gouvernement. Ce matin, jeudi 21 novembre 2013, c’est le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale qui était sur le grill. Pas vraiment un grill d’ailleurs : Djibrill Y. Bassolé et son « délégué », Thomas Palé, sont des personnalités politiques et des diplomates d’expérience.

A quelques jours des législatives maliennes et alors que la situation peut paraître, parfois, confuse et complexe, à Bamako comme du côté de Kidal, le patron de la diplomatie burkinabè, au nom du médiateur désigné de la Cédéao, a tenu à remettre fermement les pendules à l’heure : « Ce n’est pas le moment de faire apparaître des divergences au sein de la coalition internationale. Nous devons rester très solidaires. La menace n’est pas écartée et nous avons besoin de l’appui constant de toutes les forces en présence ».

Bassolé répondait ainsi à ceux qui rapportent les préoccupations de quelques-uns. Dont l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin (cf. LDD Spécial Week-End 0610/Samedi 16-dimanche 17 novembre 2013). Des Maliens aussi. Qui, après avoir salué la réussite de l’opération militaire « Serval », dénoncent une trop grande proximité entre Paris et le MNLA. D’où la crainte d’un « phénomène de rejet » de la France par les populations maliennes.

Chacun le sait, et Ouaga aussi ; on a parfois reproché au Burkina Faso cette même proximité avec les mouvements touareg. Bassolé a donc rappelé que l’accueil des réfugiés maliens était, d’abord, un acte « humanitaire » : « Ces communautés ont fuit la guerre où plutôt les guerres qui se sont succédées au Mali ». Et c’est « dans le cadre des pourparlers de paix » que les représentants des mouvements de paix ont été accueillis et hébergés dans la capitale du « Pays des hommes intègres » : c’était « le devoir du Burkina Faso ». Il concède cependant que le comportement du MNLA a pu, parfois, prêter à confusion.

C’est un « mouvement non-terroriste » qui à « cette particularité de s’être confondu avec les mouvements extrémistes, terroristes, ou dans une complicité avec des mouvements armés identitaires ». C’est pourquoi d’ailleurs, la médiation menée par Ouaga a visé à « clarifier les choses » afin que le MNLA et d’autres groupes armés « se démarquent totalement et franchement des activités terroristes ».

Bassolé a insisté sur un point : au Mali, c’est « Mission accomplie ». C’est le dialogue mené à Ouaga avec les putschistes qui a permis le retour à la règle constitutionnelle et à la mise en place d’un pouvoir de transition. C’est à Ouaga encore que l’accord a été obtenu avec les groupes armés non-terroristes en vue de réussir l’élection présidentielle. « Le président du Faso a rempli sa mission, par le dialogue et la concertation, permettant la normalisation de la situation constitutionnelle du Mali ». Il réfute du même coup les « divergences », dont font état certains, entre Blaise Compaoré et Ibrahim Boubacar Keïta. Ils se sont vus récemment à Koweït-City lors du troisième sommet afro-arabe et leurs « relations sont cordiales et fraternelles ». Pour le reste, souligne-t-il, « la résolution de la crise malienne revient aux Maliens, sinon de quoi, effectivement, nous mêlerions-nous. Les institutions légales et légitimes sont en place. C’est à elle de promouvoir le dialogue pour trouver des solutions définitives à la crise ».

Là encore, Djibrill Y. Bassolé est clair et net : « Ne créons pas de crise dans la crise. C’est suffisamment chaud comme cela ». « L’affaire Sanogo* » n’est pas son affaire, c’est une affaire malienne. Jusqu’au jour, peut-être, où le capitaine-général viendra chercher à Ouaga un refuge que le Burkina Faso n’a pas refusé au capitaine guinéen Dadis Camara, devenu le meilleur tour-opérateur du « Ouaga by Night ».

Mais Ouaga a raison : dialogue, concertation, paix inclusive, stable et durable. Tout cela a un prix qui n’a rien à voir avec la morale mais simplement avec l’efficacité dans l’action. « La médiation est un processus continu difficile à mettre en œuvre » a dit Bassolé qui entend que le Burkina Faso reste le « recours ». Pour cela, dit-il, il lui faut « tenir le cap ». « Il y a des voix dissidentes, des critiques. C’est l’expression d’une partie de la population du Mali. Même les Burkinabè ont critiqué la médiation menée par le Burkina Faso. Normal, les critiques et les divergences sont générées par les crises que, justement, les médiations visent à résoudre ».

Comme l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé (lorsqu’il était premier ministre), Bassolé est droit dans ses bottes. « Le débat n’est pas tabou. Nous ne sommes pas experts en quoi que ce soit mais nous avons une volonté politique et le président du Faso a une « touche » particulière qui lui permet de résoudre les crises ». Il n’y a pas de crise malienne d’ailleurs ; enfin, il n’y en a plus. Mais il y a « une menace qui pèse sur l’ensemble des pays du Sahel » et dont le Mali a fait les frais. « Nous avons affaire à une crise majeure : le terrorisme et les menaces transfrontalières. Il n’est pas utile, aujourd’hui, de rejeter la responsabilité [des problèmes rencontrés] sur tel ou tel pays ».

Pour lui, pas de doute, « il faut combiner les démarches politico-diplomatiques et militaro-sécuritaires ». C’était l’objectif des concertations entre le gouvernement malien et les mouvements armés initiées par Ouaga. Reste à résoudre le problème majeur ; reconnaissons d’ailleurs que Bassolé ne cesse d’alerter la « communauté internationale » à ce sujet : le cantonnement. « Je dois reconnaître que c’est un facteur extrêmement important, un impératif, mais que les moyens logistiques font actuellement défaut ».

Au sein du royaume mossi le « non-dit » a toujours été plus important que le « dit ». La diplomatie burkinabè a fait un atout de cette façon d’être. Plus encore sous la conduite de Bassolé, dont il convient de rappeler que, officier supérieur de gendarmerie, il appartient au clan des « taiseux ». S’il est un homme qui sait le poids des mots, c’est bien lui. Dire sans dire est un art qu’il maîtrise. Certes, il convient de ne pas mettre d’huile sur le feu ; mais sans pour autant se voiler la face. Les « rébellions sont récurrentes » au Mali et il faut avoir, dans la gestion de ce dossier, une vision de long terme. Et, du même coup, il faut « établir un cadre définitif de paix ». Pour cela, non seulement « le Burkina Faso se tient à la disposition des Maliens », mais il faut aussi « une présence plus permanente dans la durée ».

Cette présence est, bien sûr, militaire ; Bassolé, d’ailleurs, rappelle que « le Burkina Faso contribue à cet effort militaire ». Il évoque aussi le coût de la médiation : transport des parties en lice, hébergement, déplacements sur le terrain, etc. « La Cédéao, théoriquement, doit pourvoir à la logistique » mais, bien évidemment, le budget de l’Etat burkinabè est nécessairement mis à contribution et Ouaga espère une aide des partenaires pour soutenir son effort. Après tout, il y a une feuille de route qui est l’accord préliminaire de Ouagadougou du 18 juin 2013 ; et cet accord a été signé par toutes les parties.

Permanence de la vigilance ! Le Mali demeure, pour l’instant, le maillon faible (tout au moins convalescent) de la situation sécuritaire qui prévaut dans la région sahélo-saharienne. Donc, pour Ouaga, pas question de se démobiliser, bien au contraire. Pas question non plus d’entrer dans des polémiques qui pourraient être dommageables. C’est le message de Bassolé. Bien reçu. Et entendu, certainement, à Paris, New York, Washington, Bruxelles et ailleurs, notamment dans les pays du Golfe.

* Le capitaine-général, prétextant de son statut d’ancien chef d’Etat, a refusé de se rendre à une convocation de la justice malienne qui voulait l’entendre sur les exactions commises par les « bérets verts » à la suite du putsch militaire du 22 mars 2013.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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