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Idrissa Konditamdé, promoteur de AGRI TIC : « Chaque génération a son défi, la nôtre en a plusieurs »

Publié le vendredi 15 novembre 2013 à 00h33min

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Idrissa Konditamdé, promoteur de AGRI TIC : « Chaque génération a son défi, la nôtre en a plusieurs »

Idrissa Konditamdé, communicateur spécialisé en communication participative pour le développement, se félicite de sa participation à la dernière Semaine nationale de l’Internet (SNI) où il a eu l’occasion de faire connaître au public son projet éditorial : AGRI TIC, un groupe de presse spécialisé dans l’information agricole. Des tenants et des aboutissants du projet, ainsi que de sa participation à la SNI, Idrissa Konditamdé nous en parle. Entretien.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Idrissa Konditamdé : Je suis le promoteur du projet AGRI-TIC qui est un groupe de presse spécialisé dans la communication agricole et les filières connexes que sont l’élevage, la pêche et la sylviculture est des concepts nouveaux apparus autour de ce secteur comme la sécurité alimentaire et nutritionnelle. J’interviens aussi dans la promotion des droits de la femme et de la jeune fille à travers l’association Jeunesse Unie pour l’éradication de l’excision (JEUNEE/BF) dont je suis le coordonnateur général. Je suis également le responsable à l’information et à la communication du Réseau national des associations et ONG de promotion de l’élimination de la pratique de l’excision (RAOPE).

Lefaso.net : Vous étiez de la Semaine nationale de l’Internet 2013. Brièvement, quel bilan faites- vous de votre participation ?

Idrissa Konditamdé : C’est un bilan largement positif dans la mesure où nous avons eu l’opportunité de présenter notre site web aux téléspectateurs à l’occasion de cette semaine. En effet, notre plateforme qui est fonctionnelle en ligne, a attiré l’attention de l’équipe de reportage de la Radio télévision du Burkina (RTB) qui a alors sollicité notre modeste contribution au débat sur la cybercriminalité. Proposition que nous avons accueillie avec plaisir, puisque pour nous c’était non seulement une occasion qui nous était offerte de nous exprimer sur la question mais aussi de parler de AGRI-TIC.

Lefaso.net : Justement, parlez-nous un peu de l’initiative « AGRI- TIC » dont vous êtes porteur ?

Idrissa Konditamdé : AGRI-TIC est un groupe de presse spécialisé dans l’information agricole. Il comporte une plateforme en ligne www.agritic.net et un journal papier en voie de conception que nous avons appelé « Koobo » qui veut simplement dire agriculture en langue nationale mooré. C’est un projet innovateur en matière de communication dans le domaine de l’agriculture qui prend également en compte les filières connexes comme l’élevage, la pêche et la sylviculture et des concepts nouveaux comme la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il vise à permettre aux paysans, aux organisations paysannes, à l’Etat, et aux organismes nationaux et internationaux travaillant dans le domaine de l’agriculture de tirer profit des opportunités qu’offrent les Technologies de l’information et de la communication (TIC) pour améliorer leurs activités. Le slogan de notre plateforme qui est « Informer, communiquer, vendre et acheter en ligne », résume toute la vision de notre projet. Notre rôle sera de fournir de l’information agricole tout en faisant la promotion des produits de l’agriculture de sorte à faciliter la naissance de partenariat d’affaire entre producteurs et acheteurs. C’est-à-dire qu’à travers la rubrique « Produits en ligne » de notre plateforme, un Indien, un Américain ou un Sénégalais pourra, dans les jours à venir, se renseigner sur la disponibilité et la quantité du stock de la spéculation qu’il souhaite acheter avant de prendre son avion pour le Burkina ou passer par toute autre voie pour la transaction et l’acheminement de son produit. C’est pourquoi nous invitons les grands producteurs à nous signaler leur stock et la quantité afin que nous puissions mettre ces informations en ligne.

Lefaso.net : Quelles sont vos motivations ?

Idrissa Konditamdé : L’initiative de ce projet est partie de plusieurs actions et constats. Pendant plus d’un an, et muni de la maquette de notre projet, nous avons échangé avec des responsables d’une vingtaine d’organisations paysannes (OP), des institutions étatiques ainsi que des responsables d’ONG et institutions internationales qui travaillent dans le domaine de l’agriculture. De ces échanges nous avons compris que l’agriculture burkinabè rencontre d’énormes difficultés parmi lesquelles le manque d’information des différents acteurs et particulièrement les producteurs. En effet la communication agricole est un domaine non encore explorée et les médias traditionnels sont rivés sur l’information institutionnelle avec une grande part consacrée à la politique. La question de commercialisation des produits de l’agriculture a également été citée par plusieurs organisations paysannes que nous avons rencontrées. En outre des concepts nouveaux comme la sécurité alimentaire et nutritionnelle ne sont pas bien connues ni maitrisées par les populations. Enfin il faut relever que le métier de paysan n’est pas suffisamment valorisé et ils sont même considérés comme des chômeurs ces braves gens qui grattent la terre pour garnir nos assiettes aux heures du repas. Nous avons alors estimé que pour un secteur qui emploie plus de 80% de notre vaillante population et qui contribue pour plus de 30% au PIB (produit intérieur brut) cela n’était pas acceptable. C’est ce qui nous a motivé à accélérer le processus de mise en œuvre de notre projet afin de pouvoir aider ces braves paysans à être bien informés en vue de mieux s’adapter à l’évolution scientifique et technologique et aux aléas climatiques, en un mot augmenter leur résilience face aux chocs qu’ils soient endogènes ou exogènes, naturels ou artificiels. En plus de cela la plupart des organisations paysannes ne disposent ni des ressources humaines ni des compétences nécessaires pour la production d’articles sur les nombreuses activités qu’elles mènent sur le terrain. Nous estimons qu’en tant que professionnels de la communication nous pouvons apporter quelque chose à ce niveau de même qu’en matière de formation. Pour exister il faut communiquer et les OP sont conscientes de cela. AGRI-TIC se propose également d’être une vitrine de vulgarisation des résultats de la recherche à travers sa rubrique « Innovations ». Quand vous écoutez tous les chercheurs de notre pays, la préoccupation majeure actuellement n’est plus comment trouver, mais comment vulgariser ce qui est déjà trouvé. C’est pourquoi nous avons imaginé cette rubrique spécialement pour eux parce qu’il ya énormément de techniques et de technologies qui sont mises au point par nos chercheurs et qui sont méconnues de ceux qui sont censés les utiliser.

Lefaso.net : Le monde paysan burkinabè est constitué en majorité de personnes analphabètes. Pensez-vous qu’un site web soit vraiment le meilleur moyen de les informer, sans oublier les difficultés de connexion Internet en campagne ?

Idrissa Konditamdé : C’est une question pertinente dans la mesure où l’entreprenariat agricole n’est pas encore développé au Burkina. La plupart des agriculteurs sont des producteurs ruraux pauvres utilisant des moyens de production rudimentaire et ne disposent ni de la couverture internet ni de la technologie nécessaire pour en profiter. Nous sommes conscients de cette situation et c’est pourquoi en plus de la plateforme www.agritic.net nous avons mis en place un journal en français avec des pages en langues nationales. L’animation de ce journal se fera de façon participative avec la contribution rédactionnelle des agriculteurs ruraux dont la plupart sont alphabétisés dans leur propre langue. Nous allons mettre en place un réseau de producteurs ruraux alphabétisés qui vont nous envoyer des articles en langue nationale moyennant une pige. Vous voyez donc qu’en plus de sa vocation informationnelle, communicationnelle et promotionnelle notre projet est à fort potentiel de création d’emplois. Il devrait donc faire l’objet d’une attention particulière par les institutions oeuvrant dans le domaine qui viennent de réaffirmer opportunément cette vision à l’occasion de la semaine nationale de l’internet (SNI).

Lefaso.net : Créer un site web est une chose, le maintenir actif, l’animer au jour le jour en est une autre. Avez-vous les moyens de tenir ce défi que vous vous êtes lancé ?

Idrissa Konditamdé : Tout défi qu’on se lance est accompagné de la volonté de le relever. Cet optimisme qui nous anime s’explique par le fait que toutes les personnes avisées et simples visiteurs qui ont fait un tour sur notre plateforme www.agritic.net, nous ont dit, chacun selon ses termes, que AGRI-TIC est un espoir pour le Burkina et pour l’Afrique. Nous sommes membre de l’association burkinabè des journalistes et communicateurs agricoles (ABJCA), un vivier de jeunes communicateurs et journalistes dynamiques et engagés avec lesquels nous partageons la même vision et les mêmes rêves. Le Président de cette structure M Inoussa Maïga, qui est un ami, est un homme averti du domaine et a engagé l’ABJCA dans la promotion de ce projet innovant. Nous avons également eu l’honneur de présenter notre projet à des personnalités et à un groupe de journalistes venus de l’Allemagne, La Belgique, le Luxembourg, la République Tchèque et la France, qui ont salué la pertinence de l’initiative. Seulement nous souhaiterions que tous ces propos laudateurs soient accompagnés d’appuis concrets parce que vous savez que la production de l’information est une entreprise très onéreuse. Des entrepreneurs agricoles comme M Abdoulaye Sawadogo, cet agriculteur modèle qui a été reçu par le Président Barack OBAMA à l’étape dakaroise de sa visite africaine en juin dernier, nous ont dit toute leur conviction que AGRI-TIC va produire des miracles pour l’agriculture burkinabè et africaine. Sans verser dans la superstition nous disons que nous croyons en ce que nous faisons et nous pensons qu’avec la bénédiction et le soutien des bonnes volontés nous relèverons ensemble le défi.

Lefaso.net : Rencontrez-vous des difficultés ?

Idrissa Konditamdé : La difficulté majeure au développement de ce projet est d’ordre financier. Certains états africains n’ont pas encore compris toute l’importance de la communication dans un domaine vital comme l’agriculture qui occupe plus de 80% des populations. Certes le Burkina Faso est cité parmi les pays qui ont effectivement consacré au moins 10% de leur budget à l’agriculture, conformément au protocole de Maputo, mais des efforts restent encore à faire surtout en matière d’information du monde paysan. D’autant plus qu’il est aujourd’hui démontré et admis que sans communication même les plus grandes et les plus nobles actions ne peuvent avoir l’impact souhaité. Le dicton qui dit que « ventre creux n’a point d’oreille » est là pour nous rappeler quotidiennement la place de l’agriculture dans notre pays, et devrait faire prendre conscience aux dirigeants que ce secteur doit être la priorité des priorités. On peut bien se passer d’or mais jamais de nourriture. Donc sans vouloir contredire un dicton bien connu je dirais que « l’agriculture avant tout » car lorsqu’on on a pas mangé on est automatiquement malade. La deuxième contrainte est liée au fait que les agriculteurs ruraux, généralement pauvres, n’ont pas les moyens de se payer un journal. D’où l’importance pour l’Etat burkinabè et des partenaires techniques et financiers (PTF) de soutenir AGRI-TIC pour l’atteinte de ses nobles objectifs.

Lefaso.net : Comment entendez-vous les surmonter ?

Idrissa Konditamdé : Nous avons foi que des personnes de bonne volonté et des institutions qui sont vraiment soucieuses du développement endogène et durable de notre cher pays sauront apprécier ce que nous faisons et nous accompagneront dans notre combat. Dans la vie il y a ceux qui ont les idées et ceux qui ont les moyens. C’est la rencontre de ces deux éléments qui font la réussite d’un projet. Et nous sommes convaincus comme l’éminent professeur Laurent BADO que la politique c’est les idées ». Le mécénat ne doit pas seulement être vu dans le domaine culturel mais aussi dans tout domaine qui vise le développement du pays. En plus nous avons la chance que le discours politique est axé sur la priorité à l’agriculture et à la promotion de l’entreprenariat des jeunes. Nous souhaitons que ces discours se traduisent en actions sur le terrain à travers l’accompagnement de telles initiatives. Non pas parce que c’est nous qui la portons mais au regard de son potentiel dans le développement du pays. Notre crédo est que chaque génération à son défi. La nôtre en a plusieurs mais ce qui est important c’est de poser des actes concrets qui dépassent l’intérêt personnel pour viser l’intérêt général. Et surtout de se mettre en devoir de relever ces défis non pas par le discours mais par des actes concrets.

Je cherche encore à comprendre comment en Europe 2% de producteurs arrivent à nourrir les 88% restant avec même des excédents et chez nous 80% de producteurs n’arrivent pas à se nourrir et à couvrir les besoins alimentaires des 20% restant. La réponse, certes, ne viendra pas d’un coup de baguette magique mais je suis convaincu que quand nos braves paysans seront suffisamment informés pour s’adapter harmonieusement à l’évolution scientifique et technologique et aux aléas climatiques ce paradoxe sera en partie corrigé. Et je ne doute pas que AGRI-TIC y contribuera de façon significative.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

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