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François Moïse Bamba, conteur et comédien burkinabè : « Il n’y a pas assez de recherches sérieuses et profondes sur le conte et l’oralité dans des pays d’Afrique noire »

Publié le dimanche 10 novembre 2013 à 23h39min

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François Moïse Bamba, conteur et comédien burkinabè :  « Il n’y a pas assez de recherches sérieuses et profondes sur le conte et l’oralité dans des pays d’Afrique noire »

François Moïse Bamba est un conteur et comédien professionnel du Burkina Faso. Issu de la caste des forgerons, il fut initié à l’art du conte par son père. Il est actuellement en tournée en Europe avec un spectacle : « Bienvenue dans la civilisation ». Nous l’avons rencontré à Lyon.

Vous êtes en tournée européenne depuis plus d’un mois avec un spectacle : « Bienvenue dans la civilisation ». De quoi parle-t-il ?

Partant de ma propre expérience, « Bienvenue dans la civilisation » parle de ces hommes et femmes qui, pour des raisons multiples, se retrouvent sur une terre qui n’est pas celle où leur placenta est enterré. Il y a aussi cette obligation à partager une culture, des valeurs et une atmosphère qui ne sont pas forcement celles auxquelles ils sont habitués.

Pourquoi le choix du thème de la civilisation ?

La colonisation, même pour les générations, comme nous qui ne l’avons pas vécu, est restée vivante et forte dans notre inconscient collectif. A tort ou à raison nous pensons comme le colonisateur, que la force et la forme d’apprentissage à l’école sont toujours les meilleures. En effet, il nous est enseigné (consciemment ou inconsciemment) que la connaissance, le savoir, le bien, le bon et tout ce qui est positif en général, vient de chez le « blanc ». Ainsi, tout ce qui vient de l’occident est magnifié au détriment de la connaissance, du savoir et des valeurs traditionnelles africaines qui se perdent alors…

Le thème sur la civilisation est donc perçu comme tout ce qui est bien, le savoir-vivre, le savoir être ensemble, comprendre l’autre... parce que j’estime que l’homme civilisé est censé être celui qui a suffisamment de savoirs et de connaissances.

Quel est le message véhiculé à travers le spectacle ?

Je ne sais pas si j’y suis arrivé, mais les messages que je voulais faire passer en montant ce spectacle sont multiples à savoir, conscientiser sur le fait que l’Occident ou encore l’Europe n’est pas le paradis qu’on croit. Et que, voyager doit être un droit universel. Aussi, quelles images, pour nous qui sommes à cheval entre nos pays d’Afrique et les pays de l’Occident, donnons à nos frères et sœurs ? L’un des messages est également de faire prendre conscience qu’aucune autre culture ne peut nous mettre aussi bien en valeur que la nôtre.

Alors comment se passe la tournée ?

Je rends grâce à Dieu, à la mémoire des ancêtres et des anciens, aux bénédictions de ma maman et à l’accompagnement spirituel de mon père de toute ma famille et des tous mes amis. La tournée se passe super bien. Je fais de très belles rencontres. Mes spectacles sont bien accueillis et des sollicitations pour d’autres projets arrivent…

Comment le spectacle est-il accueilli par le public européen ?

Très très bien. Il suscite toujours beaucoup de débats positifs. Certains s’y reconnaissent, d’autres ne sont pas d’accord avec tout, mais une chose est sûre, il y a matière à échanger après chaque spectacle et c’est positif pour moi.

Est-ce que vous avez déjà joué au Burkina ou dans d’autres pays d’Afrique ?

Pour le moment non. J’en ai parlé avec le directeur de l’institut français de Bobo et du directeur adjoint de l’institut français d’Abidjan qui sont tous les deux intéressés. Je voudrais aussi le proposer pour le Marché africain des arts et du spectacle d’Abidjan (MASSA). Il faut dire que sa création n’est pas tout à fait finie, mais les gens aiment tellement que je commence à le faire tourner. Je pense que cela me permet aussi de mieux le travailler pour sa forme définitive.

Vous représentez fièrement le Burkina dans un domaine qui tend à disparaître. Pensez-vous que le conte a encore un avenir ?

Je suis d’une tranquillité à braver toute épreuve quant à l’avenir du conte. C’est un domaine qui n’est même pas encore exploré. Il n’y a aucun travail de recherche sérieux et profond sur le conte et sur l’oralité dans des pays de l’Afrique noire. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Il en reste tellement encore que je trouve que ce qui est déjà fait, est comme une goutte d’eau dans la mer. Je veux dire par là qu’il y a encore du travail avec tout le respect pour ce qui est déjà fait. Si notre génération ne le fait pas, ce sera la génération suivante, mais nous ne sommes qu’au début.

L’imposition des Nouvelles technologies de la communication se matérialise de plus en plus dans presque tous les domaines ? Le conte devra-t-il s’y adapter ?

Cela me semble indispensable d’utiliser les nouvelles technologies et la communication pour faire la promotion du conte et des sociétés dites de traditions orales. Pendant longtemps, on a opposé l’oralité à l’écriture, mais on se rend bien compte aujourd’hui que les deux sont complémentaires. Alors, les nouvelles technologies de la communication peuvent aussi permettre la mise en lumière les valeurs traditionnelles et ancestrales.

Interview réalisée par
Bassératou KINDO

L’Express du Faso

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