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Béatrice DAMIBA, présidente du CSC : « L’alternance va avec la démocratie pluraliste. Mais, l’alternance ne se décrète pas »

Publié le mardi 5 novembre 2013 à 23h44min

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Béatrice DAMIBA, présidente du CSC : « L’alternance va avec la démocratie pluraliste. Mais, l’alternance ne se décrète pas »

Lors d’un entretien accordé à nos confrères du journal « Le Soir », Béatrice Damiba, présidente de l’instance de régulation des médias au Burkina a donné sa vision des grandes questions qui sont au centre du débat national actuellement : alternance, sénat, corruption de la Justice, professionnalisme des journalistes, dépénalisation des délits de presse, etc.

Il y a un débat national controversé sur l’institution d’un Sénat. Il y a les pros et les antis ? De quel côté vous situez-vous, et quelles sont les raisons ? Comment jugez-vous ceux qui sont opposés au vôtre ?

Par rapport à mon obligation de réserve, je ne peux que parler de ma position politique du passé. Mais, ne me demandez pas de me prononcer sur le Sénat. Si je prends une position, vous allez me verser soit dans l’opposition, soit dans la majorité. Je constate que le Sénat a été inscrit dans la Constitution lors de sa révision en 2012, suite aux réformes relatives aux propositions consensuelles du CCRP. Une Constitution est faite pour être appliquée. Maintenant que je constate qu’il y a des difficultés, mon souhait est que les débats et les négociations se poursuivent pour qu’on puisse s’entendre sur la formule qui pourra contribuer à l’apaisement sociopolitique au Burkina. Moi, j’ai toujours été en faveur du dialogue, de la concertation, du consensus, pour tout vous dire je suis adepte de la non-violence. Je suis pro Gandhi, pro Martin Luther King ...

Voilà plus de vingt cinq ans que le pouvoir n’a pas changé de main au Burkina Faso. Quel commentaire faites-vous de cette non-alternance ?

Je pense que l’alternance va avec la démocratie pluraliste. Mais, l’alternance ne se décrète pas non plus. Donc, je pense que, alternance ou pas, tout est entre les mains des électeurs, étant donné que l’alternance passe forcément par les urnes. Nous avons banni, de par notre loi fondamentale, l’accession au pouvoir par la force. Je pense qu’au Burkina Faso, on a organisé beaucoup d’élections qui, heureusement, se sont bien passées. J’espère qu’on va continuer pour que si alternance, il doit y avoir, que ce soit par les urnes.

Notre justice est beaucoup décriée par les justiciables qui ne sont pas satisfaits. Les syndicats de magistrats eux-mêmes mettent à nu les tares du système judiciaire et crient à la corruption, au manque de moyens, au manque d’indépendance des juges. En tant que justiciable êtes-vous d’avis que la justice va mal ?

En effet, c’est de notoriété publique et les autorités judicaires en sont elles mêmes conscientes. Je pense qu’aujourd’hui, plus que jamais, il y a une volonté conjuguée de redorer le blason, soigner l’image de notre justice et de redonner confiance aux justiciables ainsi qu’aux partenaires. Une chose est d’avoir la volonté et l’autre est la mise en œuvre effective sur le terrain par des actions fortes. J’encourage tous ceux qui ont cette détermination. Je parle du ministre de la justice en passant pas les structures de syndicats et les divers autres acteurs. Autrement, en tant que justiciable, je ne suis pas satisfaite de la manière dont les choses se passent.

Mais quelle solution avez-vous à proposer ?

Je n’ai pas de solution à proposer mais plutôt des souhaits et des attentes. D’abord que la justice soit plus rapide, que les dossiers soit traités avec plus de diligence et qu’elle soit équitable pour tous.

Un regard global de la presse burkinabè dans toutes ses composantes. Comment appréciez-vous le travail des journalistes burkinabè ? Sont-ils indépendants, objectifs, responsables et mesurés ?

Globalement la presse burkinabè joue son rôle notamment en termes d’accompagnement des efforts de développement ; sensibilisation, éducation de la population etc. Egalement en matière de dénonciation de ce qui ne va pas. Par l’action des médias, des solutions ont pu être apportées à des problèmes. Egalement quand on la compare avec la presse d’autres pays qui ne sont pas loin de nous, la presse burkinabè peut être fière d’elle-même. « C’est bien mais ce n’est pas arrivé » comme on dit chez nous, car il y a encore des insuffisances.

Dans la presse burkinabè, il y a ceux qui sont des professionnels et ceux qui ne le sont pas. Il y a ceux qui sont de bonne foi, ceux qui sont de mauvaise foi et des provocateurs alors que, comme dans toute profession, il y a des règles à respecter. Dire la vérité, faire preuve d’objectivité, s’abstenir d’aller chercher dans les égouts, fouiller dans les ordures pour ressortir certaines choses etc. Il faut être responsable en un mot et il faut être professionnel. Il y a des médias à qui nous n’avons jamais fait des reproches mais il y en a qui sont régulièrement interpellés. Donc nous allons continuer à encadrer, éduquer avec pédagogie mais également sanctionner au besoin.

A quand la loi sur la dépénalisation des délits de presse ?

Les projets sur la presse écrite, sur l’audiovisuel et sur la publicité sont dans l’anti chambre du conseil des ministres pour ensuite évoluer vers l’Assemblée nationale. Le ministre de la Communication m’a confirmé que ce dossier se trouve déjà au niveau du Secrétariat général du gouvernement. Si les textes sont adoptés tels que nous les avions soumis, il y aura dépénalisation. Mais cela ne dépend pas de nous

Quelle est votre opinion sur cette loi ?

Nous avons œuvré pour que ces textes soient rédigés et pour qu’ils soient expurgés les dispositions relatives à l’emprisonnement. Parce que lorsqu’on dit dépénalisation cela ne voudrait pas dire que le journaliste sera au dessus de la loi. Il y aura sûrement d’autres types de peines que l’emprisonnement. En tous les cas, ce sera une victoire des hommes et des femmes des médias de ce pays. Mais en même temps cela engagera davantage leur responsabilité. Si vous les médias, ne voulez pas qu’on vous tombe dessus avec des peines pécuniaires qui vous amèneraient à fermer boutique, il faudra mieux assumer.

Si on vous demandait de faire un bilan à mi-parcours à la tête du CSC, quels ont été vos succès, vos échecs mais également les difficultés ?

Je pense qu’on a fait beaucoup de choses. Mais, je ne le conjugue pas à la première personne. C’est toute une équipe dont j’ai la charge, dont je tiens le gouvernail. Le mérite revient à tout ce monde. Je voudrais partager ici cette satisfaction de ce qu’on a pu engranger. Je voudrais juste citer quelques résultats. L’aboutissement rapide quand je suis arrivée au CSC de la carte de presse dès janvier 2009 et de la convention collective. Et parmi les choses les plus attendues il y avait la révision des textes.

Pour ma part je pense que nous avons fait notre travail, j’attends leur adoption. Il y avait la constitutionnalisation du CSC, c’est un acquis aujourd’hui, cela a été fait en 2012 à la suite de quoi nous avons pu élaborer et soumettre une loi organique qui a été adoptée en 2013. Nous avons innové dans certaines approches, notamment dans l’organisation de la couverture médiatique en période électorale, en termes d’efficacité. Le tirage au sort est devenu depuis 2012, électronique. On a aussi amélioré nos rapports avec les médias. Je pense qu’on s’est rapproché davantage des médias. Aujourd’hui, il n’y a pas une seule radio qui n’a pas reçu ma visite à l’intérieur du pays. Hormis le cas du Kadiogo où je n’ai pas pu visiter tous les médias notamment privés.

Chaque année nous organisons deux panels. Un panel par semestre sur un thème qui intéresse les médias, les forces de l’ordre, les magistrats, les enseignants, les étudiants, sur par exemple la question des forums des internautes, la question de la facturation des reportages et le droit à l’image…etc.

Les difficultés existent comme dans toute structure de l’Etat. On aurait aimé avoir plus de moyens matériels, financiers, en ressources humaines, mais ce n’est pas le cas. On essaye de faire avec le peu. L’autre difficulté, c’est la régulation. J’ai quelque fois cette impression, qu’on n’est pas toujours bien compris des médias et même de certains publics. Il est difficile de faire comprendre que le CSC, à la fois, travaille pour l’élargissement de la liberté de la presse, pour la protection des journalistes dans l’exercice de leur métier et qu’en même temps il doit interpeller quand ça ne va pas. Parfois, les gens croient que la liberté de la presse est sans limite.

Parlons à présent des projets du CSC pour la presse au Burkina...

Actuellement il y a la TNT. On est dans la transition numérique, passer de l’analogique à la diffusion numérique pour ce qui concerne les télés. On doit avoir achevé ce processus le 17 juin 2015. Nous sommes là-dessus et le CSC est chargé dans le cadre du comité de pilotage, de la communication, de la sensibilisation, de la campagne pour préparer les gens à cet avènement. Ce n’est pas un projet du CSC en tant que tel mais le CSC a un rôle important à jouer. Il y a aussi que dans l’immédiat, nous avons lancé un appel à candidatures pour ouvrir la possibilité à la création de nouvelles radios et de cinq télévisions. Il y a aussi la poursuite de la décentralisation du CSC. Nous avons une délégation régionale de l’Ouest basée à Bobo qui fonctionne.

Nous sommes entrain de construire les locaux de la délégation régionale de l’Est qui va être basée à Fada laquelle doit être fonctionnelle à partir de 2014. Nous avons aussi l’ambition de créer la même structure dans la partie Nord du Burkina qui sera basée à Ouahigouya. Cela permettra au CSC d’être de façon permanente plus proche des médias qu’il ne l’est actuellement. Nous avons recruté des représentants provinciaux du CSC. Pour le moment, il y a en 6 dans six chefs lieux de régions avec compétence provinciale. Nous sommes dans la procédure de recrutement de 5 autres pour en faire 11 et plus tard on pense en recruter pour qu’à terme on ait un représentant par province. Cela vient compléter les délégations régionales pour une meilleure représentation du CSC sur l’ensemble du territoire.

Extraits diffusés par le Bureau de Presse et de la Communication du CSC
www.csc.bf

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