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RDC : Kabila Jr et son hydre à quatre têtes

Publié le mardi 18 janvier 2005 à 06h43min

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Décidément, la paix ne semble pas être pour demain dans le pays de Joseph Kabila. Au terme de l’accord inclusif intercongolais signé sous l’égide du parrain sud-africain, le successeur de feu son père Laurent-Désiré, entre autres décisions, s’est vu flanqué de vice-présidents, les quatre chefs rebelles qui écumaient l’ancien Zaïre de Mobutu jusqu’aux frontières du Rwanda et de l’Ouganda.

Ces nouveaux vice-présidents répondent aux noms d’Azarias Ruberwa, d’Abdoulaye Yerodia, d’Arthur Z’aidi Ngoma et de Jean Pierre Bemba. Aujourd’hui, celui qui rue le plus dans les brancards reste le dernier cité, le chef du Mouvement de libération du Congo (MLC).

Régulièrement accusé des pires vilenies, il est de nouveau au cœur de la crise qui secoue les institutions de la transition depuis une semaine. Jeudi dernier, M. Bemba a en effet boudé les activités de l’exécutif et a même quitté Kinshasa pour la ville de Gemena, fief de son ancienne rébellion.

Un repli qui ne présage peut-être rien de bon. Ce qui fait enrager le chef du MLC est le report des élections, initialement prévues en juin prochain, et du partage des responsabilités avec les anciens belligérants, dont il fait partie, au sein des institutions comme le prévoient les accords signés.

Il avait déjà annoncé que son mouvement se retirerait des institutions de la transition, « si avant le 31 janvier », le partage du gâteau qu’est le pouvoir n’était pas effectif. Les raisons invoquées par le pouvoir en place pour le report de ces élections sont d’ordre logistique. Mais Jean Pierre Bemba n’en a cure.

Pendant que Kabila Jr, les autre vice-présidents, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Commission électorale indépendante se réunissaient à ce sujet, lui organisait une contre-réunion ou, pour faire plus formel, un séminaire « dans le souci de répondre aux préoccupations de l’ensemble de la population et aux exigences électorales ». Même Thabo Mbeki, président de la géante Afrique du Sud, n’est pas arrivé à raisonner le flamboyant golden boy.

Il a menacé de quitter les institutions de la transition, si ses revendications n’étaient pas prises en compte d’ici le 31 janvier 2005. Ces revendications concernent la mise en place du nouveau gouvernement, la diplomatie, l’unification des services de renseignement et l’intégration des ex-rebelles au sein de l’armée et de la police.

Abondant dans son sens, tout en ne partageant pas son jusqu’au-boutisme, deux des trois autres vice- présidents qui sont dans ce gouvernement de transition ont admis qu’il fallait accélérer le processus électoral, mais qu’ils demanderaient à Bemba de rester au gouvernement afin que les problèmes puissent être résolus.

On peut certes comprendre les préoccupations des uns et des autres, mais il faut se rendre à une évidence : avec une partie Est non encore totalement pacifiée, quelque 40 millions d’électeurs potentiels répartis sur un territoire de 2 345 000 km2 dont une bonne partie est faite de forêts et de routes impraticables, on se demande bien comment on peut réussir le tour de force d’organiser un scrutin sérieux.

Le deadline n’étant pas canonique, ne vaut-il pas mieux prendre le temps qu’il faut pour faire les choses proprement, question de ne pas ouvrir la voie à des contestations électorales tout aussi dangereuses pour la paix sociale que cette transition cahoteuse ?

On le voit donc, il suffit d’une petite étincelle pour que cette transition vole en éclats et que chacun rejoigne son ancien bastion. Et les partisans de la paix pourront aller se faire cuire un œuf.

Voici donc le retour des vieux démons d’un pays qui a tout pour rendre ses habitants heureux : sol et sous-sols riches, pluviométrie abondante, forêts à perte de vue et population à majorité jeune. Cette ambiance de paradis du temps de Mobutu a-t-elle mis les Zaïrois de l’époque dans une si grande torpeur qu’ils n’ont pas senti venir le « petit Rwanda » ?

Pour beaucoup, la réponse est oui. Certains diront même sous forme de raillerie que les Zaïrois étaient tellement occupés à chanter et danser le « bachégué », le rythme à la mode de l’époque, qu’ils n’ont pas vu le coup venir. Toujours est-il que depuis la chute de Kabila père, le danger provenait et provient toujours de l’homme mince de Kigali.

Surtout que certains opposants apportent de l’eau au moulin du président rwandais : Azarias Ruberwa, l’un des vice-présidents du gouvernement de transition, responsable du RCD-Goma, n’est-il pas l’avocat inconditionnel des Banyamulenge et par ricochet du Rwanda ?

L’impasse dans laquelle se trouve la RDC pose le problème récurrent des gouvernements de transition ou d’union, qui, le plus souvent, sont des mariages contre-nature.

On a pensé bien faire en adjoignant à Kabila fils les quatre trublions. Quatre vice-présidences créées pour les besoins de la cause, avec une Commission finances confiée naturellement à celui qui a les crocs les plus pointus, Jean Pierre Bemba.

Si souvent il est préférable pour certains d’être la queue d’un rat que la tête d’un lion, il n’en est pas de même pour ces rebelles aux ambitions voraces, qui, dans leur fief, ont déjà eu les vertiges du trône et sont persuadés d’avoir un destin national. Aujourd’hui, le successeur du Mzé a mal à ses vice-présidents. Il est tiraillé par ces quatre personnages, sorte d’hydre à quatre têtes, qui ont des ambitions titanesques.

Et c’est autant de problèmes dans la mesure où ils tirent à hue et à dia comme s’ils n’étaient pas animés de la même préoccupation : le retour de la paix dans ce vaste pays, dont les politiciens finiront bien par donner raison à Karel de Gucht, le nouveau chef de la diplomatie belge, qui, après un passage à Kinshasa, a déclaré depuis Kigali avoir rencontré en RDC peu d’hommes politiques qui lui ont laissé une impression convaincante.

Issa K. Barry

(1) Dans la mythologie, serpent fabuleux dont les sept têtes repoussaient et se multipliaient, au fur et à mesure qu’on les coupait, et dont seul Hercule put venir à bout.

L’Observateur

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