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Mali : IBK doit mettre un soupçon de lait dans son thé. Et s’atteler au dialogue avec Kidal.

Publié le mercredi 2 octobre 2013 à 21h41min

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Mali : IBK doit mettre un soupçon de lait dans son thé. Et s’atteler au dialogue avec Kidal.

Confortablement installé dans une bergère d’une autre époque (mais, justement, c’est ce qui fait sa valeur), Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) est en visite à l’Elysée. Monsieur le Président de la République, un soupçon de lait dans votre tasse de thé ? Il n’aime rien tant que cette considération dont il fait désormais l’objet de la part des puissants.

Il y a quelques jours encore, il était aux Etats-Unis. A New York, il s’est exprimé à tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Extrême jouissance. Il sera à Paris en début de semaine ; et pour plusieurs jours. Entretiens politiques, entretiens économiques avec des grands patrons français et, sans doute, un peu de shopping (avec Madame). Il en rêve déjà. Dans la capitale française, ce sera encore un peu « l’été indien ». Et puis, dans sa chambre d’un palace parisien où chacun sera aux petits soins pour lui, quand la nuit venue il basculera doucement dans le sommeil, il y aura le souvenir qui le submergera délicieusement de cette flopée de chefs d’Etat africains venus de partout pour le congratuler le jour de son investiture (pourtant, quelques uns d’entre eux ont peu de considération pour lui). Même le président français a fait le déplacement jusqu’à Bamako pour assister à l’événement au stade du « 26-mars » !

New York et Paris, c’est bien mieux que la colline de Koulouba où le Palais présidentiel a subi les affronts du coup d’Etat militaire du 22 mars 2012. IBK savoure tout cela. Il est président de la République du Mali, démocratiquement et massivement élu. Il a nommé un premier ministre avec lequel il a formé son premier gouvernement. Là encore, beaucoup de ceux qui ont accepté un portefeuille n’avaient guère de considération pour ce déjà vieux bonhomme qui n’est pas vraiment l’expression que le Mali a tourné la page de ses perversions passées. On a même oublié qu’il est un chef d’Etat sous tutelle : Paris ; la « communauté internationale » ; la Cédéao ; les Burkinabè dont il se demande toujours s’ils ne sont pas accoquinés bien plus que nécessaire avec le MNLA… Sans oublier ce foutu président tchadien qui ne rate jamais une occasion de lui rappeler que ses soldats mouraient dans le massif des Iforas tandis que lui, IBK, se contentait de faire campagne pour son élection dans son luxueux 4 x 4 blanc.

Reste que le Mali est toujours le Mali et que l’élection d’un nouveau président de la République ne change rien à l’affaire. IBK ne pourra pas savourer son séjour parisien. Il pensait présider un pays « normal » ; il ne préside pas grand-chose pour l’instant. La cérémonie du 19 septembre 2013 au stade du « 26-mars » est déjà bien loin. Le temps des discours est passé. Attaque contre des militaires maliens à Kidal, attentat suicide à Tombouctou pendant ce week-end de fin septembre. Le communiqué du gouvernement est explicite : « La multiplication de ces attentats démontre que la guerre contre le terrorisme n’est pas terminée ». C’est le moins que l’on puisse dire. La fête est finie. Elle a été belle. Retour aux réalités. Un Etat en miettes ; une administration évanescente ; une armée divisée et encore désorganisée ; une sécurité aléatoire ; une économie nationale en panne… Ce n’est sûrement pas le moment de se prendre pour un président de la République comme un autre ; IBK doit aller au charbon, changer de costume, défaire sa cravate, remonter ses manches. Tant pis pour la confortable bergère d’époque, la tasse de thé et le soupçon de lait, les rêves dans la chambre du palace parisien…

Comment se fait-il que des chefs d’Etat de pays totalement déglingués se la jouent président de la République, membre de la « communauté internationale » ? La cérémonie du 19 septembre 2013 n’était pas une nécessité alors que la capitale du pays venait d’être touchée par des inondations dramatiques. La virée aux States puis à Paris n’est pas, non plus, une nécessité. IBK, dans son discours d’investiture, avait promis d’être le premier levé et le dernier couché. Pour l’instant, on ne peut pas dire qu’il passe beaucoup de temps à Koulouba alors que les journées s’écoulent inexorablement et que les acteurs de la crise malo-malienne : AQMI, MNLA, armée, ont tous repris du service. Pas question d’être « les dindons de la farce »… !

La « communauté internationale », Paris, la Cédéao, Ouagadougou… n’entendent pas non plus se contenter des gesticulations protocolaires de IBK. Mardi matin, lors de son audience avec le président malien, François Hollande ne manquera pas de le « recadrer », lui rappelant, au passage, qui l’a fait roi. Blaise Compaoré, le médiateur de la Cédéao, a lui aussi, comme à son habitude, remis les pendules à l’heure. « Moi je pense, a-t-il déclaré à RFI à l’occasion de sa participation à l’Assemblée générale des Nations unies, que mon rôle pour l’instant, s’arrête à l’accord de Ouagadougou qui a permis d’aller vers les élections […] Il s’agit aujourd’hui, pour le gouvernement malien de présenter une offre de paix aux parties en face, afin de voir comment traiter des questions qui restent pour que le Mali retrouve sa sérénité et sa stabilité pour longtemps ». Il ajoute : « Nous avons aujourd’hui l’avantage d’avoir la communauté internationale dans son ensemble mobilisée autour de cette question. Ce qui veut dire que l’important, c’est surtout d’arriver à un suivi des accords qui seront signés ». Tout est dit : il serait temps que les Maliens se mettent au boulot… ! L’agacement est perceptible à Ouagadougou. Il suffit de lire l’édito de Rabankhi Abou-Bâkr Zida dans le quotidien gouvernemental Sidwaya le lundi 23 septembre 2013, quelques jours après la cérémonie du stade du « 26-mars », pour s’en convaincre. Il fustige tous ceux qui, « sur les rives du fleuve Niger », continuent de « décocher leurs flèches contre le médiateur désigné ».

IBK a voulu être président de la République. Il l’est. Il lui reste à faire le job. Et ce ne sera pas le plus simple. Le MNLA, revigoré par l’intervention française dans le Nord-Mali, a accepté d’aller aux négociations à Ouagadougou pour permettre que puisse être organisée la présidentielle sur tout le territoire national. C’est fait. Il sait aussi qu’il conserve une capacité de nuisance et que rien, dans le Nord-Mali, ne pourra se faire sans lui. Notamment si AQMI entreprenait de montrer, à nouveau, le bout de son nez. Le MNLA sait aussi qu’il a, à Bamako, un allié : le capitaine-général Amadou Haya Sanogo. Inattendu ? Pas tant que cela. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Au sein du MNLA, Sanogo a des alliés objectifs. Qui entendent promouvoir une autre image de l’homme du 22-mars que celle qui est véhiculée par les médias. Un patriote qui a une vision nationale. Bien sûr, dans le camp d’en-face, on appellera cela de l’opportunisme. Pas faux.

L’alliance d’une organisation politico-militaire avec des militaires qui contrôlent une partie de l’administration (dont l’administration territoriale), voilà qui pourrait compliquer la tâche d’IBK dès lors que l’homme est arc-bouté sur une position sans concession : il est président de la République et se refuse à mettre un soupçon de dialogue dans sa relation avec Kidal. Il pense que le Mali 2013 c’est encore celui d’Amadou Toumani Touré, d’Alpha Oumar Konaré, de Moussa Traoré (sans oublier que ATT et Traoré ont été renversés par l’armée dont ils étaient pourtant issus). Et que la crise malo-malienne est derrière lui. Erreur. Ni les Touareg, ni l’armée (non pas dans leur globalité mais pour la fraction la plus « activiste ») ne pensent que IBK est sincère. Et qu’il entend s’atteler à résoudre la question du Nord-Mali.

Sans être, nécessairement, dans une démarche de « rupture », ils entendent être dans une démarche de « pression ». IBK pouvait bien, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, se dire « disposé au dialogue », reste à savoir ce qu’il met derrière ce mot et jusqu’où il est prêt à aller. Et avec qui. Pour le reste, il a ajouté qu’il refuserait de subir la pression de qui que ce soit. Pas sûr qu’il en ait les moyens. Il lui faudra mettre un soupçon de lait dans son thé comme d’autres mettent « de l’eau dans leur vin ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 5 novembre 2013 à 10:13 En réponse à : Mali : IBK doit mettre un soupçon de lait dans son thé. Et s’atteler au dialogue avec Kidal.

    Pourquoi tous les francophiles ne rêvent que de forcer le Mali à l’autonomisation de son Nord, à accepter sa scission d’avec son Nord ? Même l’extermination des journalistes à Kidal ne leur ouvre pas les yeux sur le fait que MNLA, Ansardine, Aqmi et autres ne sont et ne seront jamais leurs amis !

  • Le 23 décembre 2013 à 10:51, par maiga En réponse à : Mali : IBK doit mettre un soupçon de lait dans son thé. Et s’atteler au dialogue avec Kidal.

    Mr bejot,vous avez tout faux dans votre appréciation d’une sortie de crise au mali. Pensez vous objectivement que le Burkina à partir duquel vous déverser votre bave sur le mali et ses dirigeants vale mieux que le mali. L’accord dit de Ouagadougou n’est qu’un cheval de Troie visant à conférer au mnla une légitimité internationale pour ensuite accorder à kidal une autonomie qui ne serait qu’une étape vers une indépendance comme au Darfour où divine surprise un certain Djibril bassole s’est déjà illustré pour une besogne semblable. Mais soyez sûr d’une chose,la negrerie, pour parler comme Stephen Smith,qu’est ce véritable torchon dit de Ouagadougou ne marchera pas. Un torchon qui heurte frontalement une résolution du conseil de sécurité des nations unies prise sous le chapitre 7 de la charte. Aucun État,aucun dirigeant ne négocie avec des bandits armés et IBK n’est pas dioncounda pour accepter l’inacceptable.

  • Le 23 décembre 2013 à 11:08, par maiga En réponse à : Mali : IBK doit mettre un soupçon de lait dans son thé. Et s’atteler au dialogue avec Kidal.

    Mr bejot,vous avez tout faux dans votre appréciation d’une sortie de crise au mali. Pensez vous objectivement que le Burkina à partir duquel vous déverser votre bave sur le mali et ses dirigeants vale mieux que le mali. L’accord dit de Ouagadougou n’est qu’un cheval de Troie visant à conférer au mnla une légitimité internationale pour ensuite accorder à kidal une autonomie qui ne serait qu’une étape vers une indépendance comme au Darfour où divine surprise un certain Djibril bassole s’est déjà illustré pour une besogne semblable. Mais soyez sûr d’une chose,la negrerie, pour parler comme Stephen Smith,qu’est ce véritable torchon dit de Ouagadougou ne marchera pas. Un torchon qui heurte frontalement une résolution du conseil de sécurité des nations unies prise sous le chapitre 7 de la charte. Aucun État,aucun dirigeant ne négocie avec des bandits armés et IBK n’est pas dioncounda pour accepter l’inacceptable.

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