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Mise en place du Sénat : Pour le CFOP, les chefs coutumiers sont d’accord, si l’opposition est d’accord

Publié le mercredi 18 septembre 2013 à 23h51min

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Mise en place du Sénat : Pour le CFOP, les chefs coutumiers  sont d’accord, si l’opposition est d’accord

A leur sortie d’audience de concertation avec le président du Faso le 16 septembre 2013, les chefs coutumiers ont émis le vœu qu’il soit tenu compte de l’opposition politique pour la mise en place du Sénat. Pour savoir la lecture que l’opposition fait de ce message, nous avons approché le CFOP (Chef de file de l’opposition politique) qui a désigné Alphonse Marie Ouédraogo, président du parti Union pour la renaissance démocratique (URD) pour accorder une interview. Avec celui-ci, il a été question en sus du Sénat, de la solidité de l’institution CFOP qui regroupe à ce jour une quarantaine de partis et formations politiques, et des mesures sociales prises par le gouvernement.

Lefaso.net : Monsieur le président qu’en est-il de la cohésion au sein du CFOP (Chef de file de l’opposition politique)

Aujourd’hui, je pense que la dynamique qui a été lancée à partir de l’installation du nouveau chef de file, Zéphirin Diabré, a permis à ce que tous les partis affiliés travaillent véritablement dans une cohésion totale.

Au quotidien, il y a certains partis qui sont plus présents et engagés ; mais du point de vu de la dynamique, pour l’instant, tout va parfaitement entre les partis de l’opposition qui sont affilés au CFOP

Y’a-t-il, au sein du CFOP, une unité de position par rapport au sénat ?

Absolument ! Moi, je pense que, quoique l’opinion ait entendu ce que les autorités ont fait dans cette affaire du Sénat, l’opposition est restée soudée, reste soudée et déterminée dans l’affirmation contre la mise en place de ce Sénat qui est, comme nous l’avons toujours dit, inopportun, budgétivore, et vraiment inutile ; cela est une réalité. Et là-dessus, la même position est toujours affirmée.

Avec la proposition d’un Sénat nouveau format par le Comité de suivi et d’évaluation des réformes politiques, la position du CFOP n’a-t-elle pas fléchi ?

Non. En fait, il faut que les gens comprennent que le principe du Sénat, nous en sommes contre. C’est à la racine qu’il faut voir le principe du Sénat, ce n’est pas le format qu’il peut prendre.

Aujourd’hui, vous savez très bien que le Sénat est une réforme qui a été introduite suite aux travaux du CCRP (Conseil consultatif sur les réformes politiques). Nous, nous étions contre le CCRP et tout ce qui en est sorti. Nous pensons que si on voulait vraiment faire des réformes, on ne devrait pas passer par ce canal.

Nous ne sommes pas intéressés par ce Sénat nouveau format, tout simplement parce que le principe de base posé en son temps par le Chef de file de l’opposition Me Sankara, n’a pas été respecté. L’opposition en réalité, n’est pas respectée aussi bien dans la mise en place du CCRP que dans la mise en œuvre des résultats qui en sont sortis.

Ce n’est pas une question de format, ou d’aménagements à l’intérieur du Sénat. En réalité, ces aménagements n’ont pas été faits pour l’opposition, mais pour les membres du CCRP qui étaient d’accord pour le principe du Sénat, et qui se sont ensuite opposés à sa mise en place.

A qui pensez-vous, lorsque vous dites que ces aménagements ont été opérés pour certains membres du CCRP ?

Tout le monde sait qu’il y a des formations politiques qui ont suivi le processus à ses débuts, mais qui se sont rétractées par la suite, comme l’ADF/RDA. Sans doute qu’au passage, d’autres acteurs se sont retrouvés dans ces aménagements. Mais pas l’opposition.

Le débat de fond que nous avons posé n’a absolument pas été pris en compte et aucun acte n’a été posé en direction de l’opposition politique.

A leur sortie d’audience avec le chef de l’Etat le 16 septembre dernier, les chefs coutumiers ont émis le vœu qu’il soit tenu compte de l’opposition politique. Comment avez-vous accueilli ce message ?

Je pense qu’il faut reconnaître que la position des chefs coutumiers, position que je ne connaissais pas avant cette audience, laisse percevoir que la mise en place du Sénat ne relève pas de leur point de vue. Le Sénat est avant tout, une institution politique. Je ne vois pas comment substituer la classe politique aux responsables coutumiers et religieux, aussi respectables soient-ils.

Moi, je comprends parfaitement la position des chefs coutumiers. En réalité, ils sont d’accord avec le Sénat, si l’opposition est d’accord. Ça veut dire qu’ils estiment que le premier acteur qui doit être consulté parce que son avis est nécessaire, c’est la classe politique, et précisément l’opposition politique.

Ne trouvez-vous pas aussi dans ce message un appel à l’endroit de l’opposition pour l’inviter à participer au processus de mise en place du Sénat ?

Non, ce n’est pas un appel à notre endroit. C’est plutôt une recommandation à l’endroit de ceux qui veulent mettre en place le Sénat.

L’opposition politique a écrit au chef de l’Etat. Nous avons exprimé notre position. Et à aucun moment, réponse n’a été donnée à ce que l’opposition politique dit. En réalité, il y a un choix d’ignorer l’opposition politique. Or, nous (opposition politique) estimons qu’à l’heure actuelle nous incarnons et exprimons un sentiment largement partagé au sein de la société. Et c’est pour cela que nous ne pouvons pas nous taire.

Mais, on a préféré contourner l’opposition pour discuter avec les chefs coutumiers, avec les religieux. C’est bien, sauf que ce n’est pas suffisant, quand on sait qu’il s’agit d’une institution politique pour laquelle l’avis des acteurs politique doit être prioritaire.

Voulez-vous dire que le chef de l’Etat s’est trompé d’interlocuteurs dans ce processus de concertation ?

Non, il ne s’est pas trompé ; il sait ce qu’il fait. C’est un choix. Il faut que l’opinion comprenne qu’en réalité, on veut faire tout, sauf associer l’opposition. Pourtant, il s’agit de réformes politiques qui concernent aussi bien la majorité que l’opposition. Ce sont des réformes essentielles qui touchent au fonctionnement même de la démocratie dans notre pays, et pour lesquelles on ne peut pas choisir d’ignorer l’opposition politique et discuter avec d’autres acteurs qui ne sont pas les premiers acteurs.

Une fois que le problème est réglé entre la majorité et l’opposition, les autres acteurs peuvent être conviés à amender, critiquer, accompagner. Là, il se trouve qu’il n’y a pas eu consensus entre le pouvoir et l’opposition.

Le 6 septembre dernier, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’engager et d’élargir des concertations relativement à la mise en place du Sénat. Vous sentez-vous concernés ?

Il y a ce qu’il dit, et ce qu’il fait. Aujourd’hui, tout le monde a bien observé que ce n’est pas le gouvernement qui mène ces concertations. Mais c’est plutôt lui-même qui s’est mis au-devant des choses. Et je me demande quel type de concertations après qu’il a lui-même rencontré les responsables religieux et coutumiers.

Il a exprimé un point de vue ; et je ne vois pas comment nous pouvons nous déjà nous prononcer là-dessus.

Si le gouvernement vous invite à ces concertations, allez-vous participer ?

Je ne sais pas si dans l’agenda du gouvernement il est prévu de contacter l’opposition. En tout cas, nous sommes là, on ne peut se prononcer sur une invitation qui n’est pas encore à l’ordre du jour. Et l’opposition avisera, si elle venait à être invitée à ces concertations.

Nous estimons que nous devrions être les acteurs avec qui il faut prioritairement créer les conditions d’un dialogue franc.

Au stade actuel du processus et des tergiversations, avez-vous le sentiment que le Sénat ne sera pas mis en place ?

En tout cas, nous on est contre le Sénat. Il sera mis en place ou pas, la question doit être posée à ceux qui sont en face ; ce n’est pas à nous. Quel que soit le format, quelles qu’en soient les conditions, nous serons opposés à ce Sénat. Cela est une constante, parce que mettre en place ce Sénat, c’est en réalité une manière de ne pas tenir compte des préoccupations du peuple. Il n’y a aucune urgence à mettre en place le Sénat face aux besoins pressants des populations.

Quelle appréciation faites-vous des mesures sociales prises récemment par le gouvernement pour permettre aux populations de faire face à la vie chère ?

Vous voyez bien qu’il a fallu attendre qu’il y ait des pressions énormes pour que le gouvernement se découvre en capacité d’engager près de 64 milliards pour résoudre les problèmes des populations. Ça montre à quel point les questions qui ont fait l’objet de ces mesures n’étaient pas les préoccupations principales du gouvernement. Cela veut dire que c’est juste pour faire baisser la fièvre et s’occuper à autre chose. Il n’y a pas de solution durable dans tout ce qui a été annoncé. Or, nous, nous pensons que c’est la résolution permanente de ces problèmes qui constitue la raison d’être de l’Etat.

Voulez-vous inscrire la prise de ces mesures à l’actif de l’opposition politique quand vous dites que le gouvernement a attendu des pressions énormes ?

Non, pas seulement de l’opposition ; c’est à l’actif du peuple. Les mesures qui ont été prises touchent à des préoccupations que nous partageons. Ce sont des préoccupations qui ont été pertinemment évoquées par l’opposition et sur la base desquelles elle a mis la pression.

Peut-on en savoir sur les stratégies du CFOP pour la préservation de la paix dans ce contexte trouble de mise en place du sénat ?

Toute l’opposition politique est engagée pour éviter des troubles plus importants à notre pays dans le futur proche. C’est par souci d’anticipation de troubles futures que nous demandons de ne pas mettre en place le Sénat.

Nous, nous voyons que si les choses continuent en l’état, nous allons droit au mur. C’est la raison pour laquelle, nous agissons maintenant. Donc, ceux qui se soucient et s’occupent de la paix durable, ce sont bien les partis d’opposition. Et c’est dans ce sens que nous pensons qu’il faut sacrifier le Sénat. La véritable et durable paix au Burkina se fera à travers la dynamique que l’opposition a engagée actuellement.

Que ferait l’opposition politique si le Sénat venait à être mis en place ?

Si le Sénat est en place en dépit de la parole que nous avons essayé d’élever, nous allons lutter contre ce Sénat comme nous le faisons déjà. Il s’agit d’un enjeu fondamental, il ne s’agit pas d’un enjeu purement conjoncturel. Le Sénat ne peut pas apporter ce qu’on prétend qu’il va apporter. Il va sans doute servir à autre chose. Il y a un agenda caché derrière ce Sénat. Et pour contrer cet agenda caché, la lutte sera maintenue après la mise en place du Sénat.

Entretien réalisé par Fulbert Paré

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