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Ferdinand Ouédraogo, président national des professionnels du recyclage : « Il faut faire évoluer le recyclage des déchets électriques et électroniques »

Publié le lundi 16 septembre 2013 à 21h25min

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Ferdinand Ouédraogo, président national des professionnels du recyclage : « Il faut faire évoluer le recyclage des déchets électriques et électroniques »

Ferdinand Ouédraogo, sociologue-gestionnaire électronicien, fait figure de pionnier dans la lutte pour un meilleur recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE au Burkina). Président du Conseil national des professionnels du recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques (C.N.P.R-DEEE), il ne manque jamais d’occasion pour attirer l’attention sur la nécessité de réussir le recyclage de nos DEEE afin de protéger la santé publique et l’environnement. Avec M. Ouédraogo, nous avons échangé essentiellement sur la problématique de la gestion des DEEE au Burkina Faso.

Lefaso.net : Vous êtes engagé depuis quelque temps dans le domaine de la valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques. Quelles sont vos motivations ?

Ferdinand Ouédraogo : Mes motivations sont d’ordre écologique et socio-économique. Le recyclage des déchets DEEE permet à titre préventif de protéger la santé publique et l’environnement tout en constituant une nouvelle source d’emplois verts pour la jeunesse dans le cadre de la lutte contre le chômage et la pauvreté.

Lefaso.net : Quelle est la situation aujourd’hui du secteur des déchets d’équipements électriques et électroniques dans notre pays ?

FO : La situation reste très difficile à maîtriser sur le plan national et c’est évidement dans ce sens que nous avons mis en place le conseil national pour permettre d’avoir sur le plan national un observatoire capable d’assumer des missions d’observation et de consultation indépendantes et de fournir des informations, des données de base et des indicateurs précis sur la situation de la filière des DEEE au Burkina-Faso.

Lefaso.net : Comment entendez-vous alors contribuer à l’amélioration de la situation ?

FO : Nous entendons faire évoluer les choses en apportant un certain nombre de propositions innovantes dans un cadre stratégique national de gestion et d’organisation de la filière. A cet effet nous comptons initier un projet de recensement sectoriel afin d’identifier et de constituer une base de données actualisable sur les activités et les acteurs de la filière artisanale du recyclage des DEEE. Entre autres, nous sommes en instance de soumission d’une proposition d’actualisation au ministère chargé de l’artisanat du décret n°485/98/PRES/PM/MCIA portant classification des activités artisanale en 9 corps de métiers pour l’institutionnalisation d’un corps de métiers supplémentaire destiné à regrouper et organiser toute les activités de recyclage de type artisanales au Burkina Faso afin de promouvoir toutes ces activités sur la base d’un nouveau statut professionnel susceptible de mettre en valeur et en visibilité les acteurs et de créer une émulation au sein de la filière capable d’accroître les performance économiques de ce secteur artisanal. Il sera du coup possible de valoriser les compétences à travers le principe de la valorisation des acquis de l’expérience professionnelle grâce à ce nouveau corps de métier ou profil professionnel artisanal à caractère environnemental ou écologique. Comme quoi, cette filière est une belle illustration du concept de développement durable en étant créatrice de richesses tout en veillant à la protection de l’environnement. Nous pourrons également en tant qu’interface assurer la formation et relayer l’information tout en contribuant à faire remonter les réalités du terrain et les besoins de la filière en terme d’accompagnement en vue d’une politique de professionnalisation et de développement de la conscience écologique des acteurs tout en prenant en compte les risques de santé et la couverture sociale encourus par les acteurs eux- mêmes dans la pratique des activités de recyclage artisanales qui ne reflète pas toujours l’image des bonnes pratiques professionnelles.

Il est aussi primordial pour nous d’assurer cette mission de protection de la santé publique et de l’environnement que de protéger la santé et l’avenir socioprofessionnel des acteurs de cette filière qui ne jouit pas pour le moment d’assez de visibilité et d’intérêt sur le plan national. Nous assumons simplement notre devoir de responsabilité sociale et environnementale vis-à-vis de notre chère patrie le Burkina Faso dont les couleurs du drapeau se reflètent à travers le logo de notre institution.

Lefaso.net : Est-ce pour cette raison que vous parlez de recycler responsable, un pas vers le développement durable ?

FO : Là-dessus, je dirai tout simplement qu’en étant plus consciencieux dans la prise en charge de notre responsabilité de recycler les DEEE de manière appropriée, nous acceptons d’apporter notre contribution au développement durable de notre pays.

Lefaso.net : Mais, arrivez-vous à mobiliser les populations autour de la question ?

FO : La mobilisation des populations est à la hauteur du niveau d’intégration et de compréhension de la dimension artisanale et environnementale de la problématique. Et nous pouvons dire après une année de sensibilisation que le bilan est mitigé au regard de la circonspection des populations cibles face à la question et également par rapport au vide juridique sur le plan artisanal et environnemental, voire institutionnel. C’est d’ailleurs parmi tant d’autres raisons les motivations qui m’ont amené à me décider à prendre mes responsabilités en tant que leader pour que les choses évoluent en la matière et pour que le Burkina Faso dans ses propres choix écologiques en tenant compte des réalités de son contexte, puisse se doter d’ un organisme indépendant capable de mener des réflexions sur la problématique et faire des propositions concrètes dans le sens de faire évoluer la conscience des acteurs et des populations sur la question du recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. C’est en ce sens que nous collaborons avec le gouvernement pour qu’il nous accompagne dans cette dynamique qui rejoint la vision de l’intérêt général du service publique.

Lefaso.net : Combien sont-ils vos membres à l’heure actuelle ?

FO : Nous disons d’office que tous les acteurs concernés de près ou de loin par cette problématique du recyclage des DEEE sont inclus dans les objectifs et la vision du conseil. Car, nous estimons qu’on ne peut construire une filière en faisant des exclus qui plus est sont directement concernés par la question des déchets électroniques. Notre vision est participative et inclusive. Elle n’est pas sélective. Nous croyons que tout citoyen burkinabé a le droit d’être pris en compte par les projets, programmes et activités concernant son secteur d’activités. Et cela devrait l’être davantage lorsqu’il s’agit d’enjeux majeurs tels que la protection de la santé publique, l’environnement, la lutte contre la pauvreté, le chômage des jeunes et l’immigration.

Lefaso.net : Avez-vous aujourd’hui des chiffres sur le nombre des acteurs de la filière ?

FO : Nous n’aurons des chiffres exacts sur le nombre des acteurs et le volume des déchets générés qu’après la mise en œuvre du projet d’identification et de recensement des acteurs que nous projetons d’organiser très prochainement. Nous allons le faire en collaboration avec les autorités en vue de la constitution de la base de données actualisable de la filière du recyclage des DEEE du Burkina-Faso. Mais, je voudrais quand même préciser que notre association est née d’un besoin manifeste et d’une absence totale d’institution représentant officiellement les intérêts et les acteurs de la filière artisanale de recyclage des DEEE.

Lefaso.net : Vous considérez-vous comme pionnier dans le secteur des DEEE au Burkina ?

FO : Oui. Dans la mesure où, en toute modestie, j’ai contribué à la naissance de la toute première institution burkinabé ayant pour mission de promouvoir avec efficacité la filière des DEEE en apportant des réponses claires à la problématique du recyclage des DEEE dans notre pays.

Lefaso.net : Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

FO : En tant que pionnier dans le domaine et avec toutes les innovations que nous sommes en train de promouvoir, nous rencontrons des obstacles. D’abord sur le plan de la communication et de l’information où nous avons remarqué des problèmes de compréhension des concepts de recyclage, de développement durable et d’écocitoyenneté. De manière générale, les populations ignorent que lorsqu’elles vont faire réparer, dépanner leurs équipements endommagés ou hors d’usage chez des opérateurs, elles font du recyclage primaire ou rudimentaire, quand il y a succès dans la dynamique de prolongement de la durée de vie de ces équipements électroniques. C’est en ce sens que les uns développent une conscience et un comportement éco citoyen responsable en choisissant de recycler ou de revaloriser les DEEE dont ils sont responsables la fin de vie, donc de l’élimination devant la loi tandis que les autres, c’est à dire les acteurs ou recycleurs contribuent de par la fonction environnementale de leurs opérations à réduire les quantités de déchets mis au rebut et susceptibles de représenter des risques de pollution majeurs pour la nature, les eaux et l’atmosphère.

Les défis sont donc très nombreux à commencer par la sensibilisation et l’information des populations cibles en passant par les difficultés d’organisation pratique sans occulter toutes les questions relatives aux flux et aux transferts transfrontaliers des déchets Dangereux.

Lefaso.net : Avez-vous le soutien des autorités en charge de la question de l’environnement ?

FO : Nous avons le soutien de notre premier ministère de tutelle qui est chargé de la protection de l’environnement et du développement durable, que nous saluons d’ailleurs vivement au passage pour son entière disponibilité, son accompagnement et son soutien à la promotion des initiatives que nous portons.

Lefaso.net : Au-delà des pouvoirs publics, avez-vous d’autres partenaires qui partagent votre vision et vous soutiennent ?

FO : Pour le moment nous sommes en discussion avec plusieurs partenaires autour de cette nouvelle vision sur la problématique des DEEE dans l’optique d’obtenir des engagements pour élargir le cadre de soutien à la problématique des DEEE dans notre pays.

Lefaso.net : Quelles sont les actions que vous envisagez à court ou moyen terme pour faire bouger les choses ?

FO : A court terme nous avons en projet une opération de dépollution ministérielle qui s’inscrit dans notre programme national de dépollution des établissements publics, privés et des ménages. Nous avons prévu également des rencontres d’échanges avec les acteurs et des séances de sensibilisation et des conférences et d’autres activités innovantes. A moyen terme, nous envisageons des activités de vulgarisation et d’organisation qui concerneront toutes les régions du Burkina Faso. A long terme, nous projetons de créer une chaîne de valeur pour le développement d’une industrie du recyclage des DEEE au Burkina-Faso dans l’optique de faire évoluer cette vision artisanale vers une dimension à même d’apporter plus de contribution à l’économie nationale, à la lutte contre la pauvreté et le chômage des jeunes tout en assurant la protection de notre cadre de vie.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

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