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Fiscalités minières : « Les exonérations fiscales attirent les investisseurs » dixit Adrien Somda

Publié le mardi 20 août 2013 à 19h59min

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Dans le cadre de la tenue des cours d’été sur les industries extractives à l’institut catholique de Yaoundé (Cameroun), interviennent plusieurs experts dont Adrien Somda, juriste et inspecteur des impôts en service à la direction générale des impôts à Ouagadougou. Avec lui, nous abordons les questions liées à la fiscalité des industries, les mesures incitatives, les exonérations et les mesures échappatoires.

Les conventions et/ou contrats miniers se négocient-ils de gré à gré ou par appels d’offres au Burkina Faso ?

Les conventions minières sont signées à l’occasion de l’octroi des titres miniers. Et l’octroi des titres et des permis se fait sur demande, adressée à l’administration des mines pour avoir un permis d’exploiter ou de recherches. Ce permis comporte certains documents qui permettent d’identifier l’entreprise et/ou la personne physique ou morale du demandeur. La demande est examinée par le ministère en charge des Mines et des Carrières. Lorsque l’examen est concluant et qu’un gisement commercialement exploitable est découvert, l’opérateur minier qui projette de développer un projet, doit demander un permis d’exploiter auprès de l’administration des mines. Là aussi, un dossier est introduit et qui est apprécié. Il est composé d’un ensemble de documents que sont notamment les études d’impact environnemental, et celles de faisabilité…, qui permettent à l’ensemble des ministères impliqués dans la gestion du secteur minier, de donner leur avis. C’est donc à l’issue de ce processus que le permis d’exploitation est délivré.

Ce n’est ni par appel d’offre, ni de gré à gré ? !

Non ! Jusqu’à présent, la demande est examinée par les ministères techniques. C’est quand le demandeur arrive à la phase d’exploitation qu’il est obligé de signer une convention minière. Ce n’est pas d’ailleurs un contrat. C’est une convention dont le contenu est précisé par un décret. Le contenu ne fait que reprendre les dispositions du code minier dans certaines de ses parties sur les obligations, les impôts, droits et taxes qui connaissent un régime stabilisé. C’est donc limitativement énuméré, et parfois, cela peut comporter d’autres dispositions spécifiques lorsque le projet minier envisage ou doit réaliser des investissements connexes aux investissements miniers. Dans la perspective et le cas échéant, les contrats miniers vont évoluer vers ces contenus. Sinon, on ne peut parler de négociation entre l’Etat et l’opérateur minier dans les conventions minières qui sont signées et acheminées pour abrogation. Cependant les premiers opérateurs qui sont entrés en phase d’exploitation ont vu leurs conventions minières approuvées par l’Assemblée nationale.

Mais qui négocie les conventions avec les sociétés minières ?

Il n’y a pas de véritable négociation. Ce sont des dossiers techniques qui sont étudiés avec des avis qui sont émis. Lorsque les dossiers remplissent les conditions requises, le permis est délivré. Et c’est un décret ministériel qui confère le titre d’exploiter.

L’Assemblée Nationale ne valide donc plus les conventions pour s’assurer de leur conformité avec la Constitution, les traités et autres règlements ?

Il faut dire que les conventions minières sont des décrets qui allouent les conventions minières types en phase d’exploitation. Et l’on ne peut déroger au contenu de ces conventions. Il faut s’y conformer et je dirai que c’est dans un esprit de plus de sécurité juridique que ces conventions ont été rendues nécessaires. Le contenu de la convention ne doit pas prévoir de conditions plus favorables que les conditions qui sont prévues par le code minier. C’est là qu’il faut comprendre que, ce n’est pas le ministre des Mines qui négocie individuellement avec les opérateurs miniers. C’est une convention qui reprend dans des termes précis, les dispositions du code minier, mais essentiellement, les conditions fiscales.

En plus des conditions fiscales, que trouvons-nous dans les conventions ?

Le contenu des conventions minières est standard au Burkina Faso et il est appliqué à tous les opérateurs miniers. Il y a le rappel des impôts, droits et taxes auxquels l’opérateur minier est soumis. Il y a certaines clauses qui précisent les conditions de financement ou des clauses qui régissent les conditions de cession des immobilisations en fin de mine, en plus des obligations et des droits de chacune des parties signataires de la convention.

Qu’en est-il des études de faisabilité et d’impact environnemental ?

C’est la pièce maîtresse. Et, c’est dans cette étude que l’opérateur minier simule tous les scénarios et présente à l’Etat le bénéfice, le rythme de production, etc. Tout ce qu’il y a comme éléments techniques qui permettent d’apprécier la rentabilité du projet. En d’autres termes, on doit y trouver ce que l’Etat va gagner, par exemple la quantité d’or que l’entreprise va extraire, etc. L’étude de faisabilité est très importante, car elle permet à l’Etat d’examiner techniquement la rentabilité du projet pour son budget. L’étude environnementale renseigne sur l’impact que l’exploitation des minerais va avoir sur l’environnement. On peut donc estimer à combien va coûter sa remise en l’état après le projet minier. Je pense que ce sont des éléments déterminants avant toute délivrance de permis.

L’opinion publique ne manque de dire que les sociétés minières bénéficient de plusieurs avantages fiscaux. Qu’est-ce que l’or apporte concrètement au Burkina Faso ?

Sur la question des avantages fiscaux en faveur des entreprises minières, il faut les concevoir dans le contexte où notre pays évolue parce qu’il est entouré de pays miniers. Nous avons par exemple le Mali et le Ghana, qui sont des pays miniers. Etant un pays enclavé, les exonérations sont une politique pour le gouvernement, afin d’attirer les investisseurs, en un mot, de pouvoir être concurrentiel par rapport aux autres Etats qui offrent les mêmes avantages. Somme toutes, ce n’est pas que le système actuel permet aux opérateurs miniers de ne rien payer, car les exonérations ne leur sont accordées que dans la phase de la recherche, quand elles entrent dans la phase d’exploitation, elles relèvent alors du droit commun et sont traités comme tout commerçant, sauf qu’ils ont un taux réduit pour l’impôt sur les bénéfices.

Le boom minier n’est donc qu’un leurre au Burkina Faso ?

Lorsque l’opinion d’une manière générale estime qu’on ne prend pas suffisamment d’argent avec les opérateurs miniers, je reste souvent perplexe. Le secteur minier est embryonnaire au Burkina Faso. Les uns et les autres doivent savoir qu’on est encore « bébé » dans le domaine. On ne doit pas donc pas se presser. Les opérateurs ont investi et les retombées ne peuvent être récoltées immédiatement. Il faudra encore attendre et arrêter de faire la bagarre autour de la question. Il faut savoir raison garder et être vigilant en attendant le retour d’investissement afin d’avoir les revenus auxquels nous avons droit. Le secteur est du reste volatile et il faut se départir de certaines déclarations du genre « boom minier burkinabè ». On n’est pas encore un pays minier. Et au regard du caractère très fluctuant du coût de l’or, il ne faut pas balayer du revers de la main les autres secteurs.

Dans la signature de la convention, à quel niveau les organisations de la société civile peuvent-elles intervenir pour influencer son contenu en faveur de l’Etat et des populations ?

Je pense que les Organisations de la société civile (OSC) ont joué un grand rôle dans l’éveil des consciences, pour attirer l’attention du gouvernement sur la gouvernance dans le secteur des mines. Elles ont par exemple, participé au dialogue sur le processus de relecture du code minier en cours. Ces derniers temps, il y a des conflits entre les opérateurs miniers, les collectivités et les populations riveraines des sites, et les OSC ont joué le rôle de médiateurs. Elles étaient aussi présentes dans le processus de l’Initiative sur la transparence dans les industries extractives (ITIE). Même si ce n’est pas encore le cas, je pense qu’il serait préférable d’appeler toujours les OSC à la table des discussions.

Interview réalisée par
Bassératou KINDO
à Yaoundé !

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