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Sénat : Naissance d’un front de résistance citoyenne contre la confiscation de la souveraineté du peuple à des fins monarchiques

Publié le vendredi 19 juillet 2013 à 09h34min

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Sénat : Naissance d’un front de résistance citoyenne contre la confiscation de la souveraineté du peuple à des fins monarchiques

Dans cette déclaration parvenue à notre rédaction et qualifiée de « plate-forme de résistance citoyenne », une vingtaine de structures de la société civile annonce la création d’un « front de résistance citoyenne contre la confiscation de la souveraineté de notre peuple à des fins monarchiques ». Les signataires qui se disent « conscients de leur devoir citoyen de défendre la constitution contre les faussaires de la démocratie » appellent les organisations de la société civile « désireuses d’apporter leur contribution dans cette lutte contre la remise en cause de nos acquis démocratiques » à les rejoindre.

Depuis la fin de la crise de 2011, les faussaires de la démocratie ont renoué avec leur tradition de manipulation politique et de duplicité. Sentant venir avec effroi la fin inéluctable d’une époque, ils ont décidé de ramer à contre-courant de l’histoire en usant de tous les artifices imaginables, notamment en mettant en place un Sénat, une institution largement décriée par la majorité des Burkinabè pour son caractère inutile et budgétivore. l Les résultats d’une enquête par sondage menée en décembre 2012 l’attestent.

Exploitant la vulnérabilité de plusieurs couches sociales de notre peuple, ils n’ont pas hésité à organiser une marche inutile dite pour la « paix, la démocratie et le développement » le 6 juillet 2013 ; eux qui, depuis 1987, ont réussi à classer le Burkina Faso au 183e rang sur 187 pays en matière de développement humain ; parmi donc les derniers au monde alors qu’il a eu l’avantage de ne connaitre ni guerre civile, ni catastrophe nationale de grande envergure.

Comment, dans ce contexte, ne pas s’indigner lorsqu’ils veulent donner des leçons de démocratie aux frais du contribuable en se payant le luxe d’un Sénat, après 22 ans de corruption électorale et de farce démocratique ? Lorsqu’en 2002, ils supprimaient la Chambre des représentants, les faussaires de la démocratie n’avaient pas hésité à marquer leur rejet total du bicaméralisme . Comment expliquer alors leur revirement spectaculaire dix ans après ? Quelle plus value peuvent avoir les chefs traditionnels dans un Sénat, eux qui sont déjà largement représentés à l’Assemblée nationale ? Quelle plus value auront les représentants officiels du Christianisme et de l’Islam dans un pays où les hommes politiques aiment afficher leur religiosité et où le pouvoir n’hésite pas à demander le secours des religieux à la moindre crise provoquée par ses propres turpitudes ? Quelle plus value auront les représentants des syndicats, du patronat, de la diaspora, des collectivités territoriales quand on sait que l’Assemblée nationale peut les auditionner « gratuitement » pour recueillir leurs précieux et sages conseils ? Quelle plus value aura finalement le Sénat quand on sait que les députés auront toujours le dernier mot sur les sénateurs à quelques exceptions près ?

De toute évidence, il ne fait pas de doute que la mise en place du Sénat répond davantage à un impératif de conservation de pouvoir qu’à une volonté de démocratisation. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux déclarations des premiers responsables du parti au pouvoir lors de la marche qu’ils ont organisée le 6 juillet 2013. Ces démocrates par convenance n’ont guère fait mystère de leur volonté de « sauter le verrou » de la limitation du nombre de mandats présidentiels, arguant qu’un article de la constitution ne saurait faire obstacle à leurs aspirations monarchiques qu’ils prêtent au peuple.

Les aspirants au titre de « Sénateur » savent désormais qu’elle sera leur feuille de route ! Que feront alors les représentants des communautés religieuses ? Que dira en particulier le représentant de l’Eglise catholique ? Nous aimerions attirer leur attention sur les risques de division de leurs propres communautés. Dans un Etat laïc comme le Burkina, les leaders religieux devraient être capables de s’élever, se mettre au-dessus de la mêlée pour constituer un recours, des médiateurs impartiaux afin de rassembler les membres de la communauté nationale, au-delà des appartenances partisanes et religieuses. En participant à la politique active au cœur du processus parlementaire, les leaders religieux prennent le risque de perdre leur aura, de fragiliser leur qualité de médiateur à l’instar des chefferies traditionnelles.

Le fait que le Sénat ait été constitutionnalisé ne saurait justifier l’entêtement du pouvoir à le mettre en place coûte que coûte. Un tel argument est d’autant plus suspect que le pouvoir ne met pas le même zèle à respecter l’article 37 de la Constitution de juin 1991. Le fait que le Sénat ait été recommandée par le CCRP et des Assises nationales ne saurait justifier non plus l’entêtement du pouvoir quand on sait que la 2e Chambre instituée par la Constitution originelle n’a été mise en place que 4 ans plus tard. Du reste, faut-il le rappeler ? Les propositions du CCRP et des assises nationales ne sauraient engager l’ensemble du peuple burkinabè quand on se souvient que le pouvoir a choisi de marginaliser les partis politiques et les organisations de la société civile qui réclamaient des garanties d’un dialogue démocratique sincère.

Abusant de la volonté de paix de notre peuple et de la misère de quelques responsables de l’opposition dont certains sont aujourd’hui ministres et Présidents d’institutions, il a mené des concertations qui apparaissent aujourd’hui sous leur vrai visage, à savoir des manœuvres dolosives et de duperie sous le couvert du consensus. En témoignent les appels des tenants du pouvoir à contourner l’absence de consensus sur la modification de l’article 37 de la Constitution par le recours au référendum. Cela donne absolument raison à tous ceux qui ont choisi de ne pas servir de faire valoir en participant aux travaux du CCRP, convaincus qu’ils étaient que, sans garanties réelles d’un vrai dialogue démocratique, le pouvoir en place n’hésiterait pas à manipuler les résultats de la concertation pour parvenir à ses fins.

L’instrumentalisation des associations par les responsables du parti au pouvoir sous la houlette du plus puissant d’entre eux, en charge « des relations avec les associations » est au cœur de cette conspiration contre nos maigres acquis démocratiques, comme le montre la participation anachronique de plusieurs associations à la contre-marche du 6 juillet dernier. Il est temps que la vraie société civile, celle qui se veut une sentinelle de l’Etat de Droit, sans être contre le pouvoir a vocation à s’ériger en contre-pouvoir en cas de dérives et d’abus de pouvoir,, à s’organiser pour opposer une vigoureuse riposte et une résistance à cette tentative de caporalisation, surtout à un moment où la majorité des citoyens endure la misère, les délestages, la vie chère et autres calamités sociales secrétées par deux décennies de farce démocratique, de corruption et de mauvaise gouvernance.

Que faire face à un pouvoir qui méprise le poids de la parole donnée, une des nos valeurs cardinales ? Devons-nous rester les bras croisés face à de tels agissements ? L’histoire de notre pays nous a enseigné cette leçon : la liberté ne s’octroie pas, elle se conquiert au prix parfois de lourds sacrifices.

C’est dans cet esprit que nous, organisations de la société civile, conscientes de notre devoir citoyen de défendre la Constitution contre les faussaires de la démocratie, proposons une plateforme d’action à toutes les organisations de la société civile désireuses d’apporter leur contribution dans cette lutte contre la remise en cause de nos acquis démocratiques. Cette plateforme se base sur des thématiques centrales à la gouvernance économique et politique, destinées à alimenter un vigoureux plaidoyer en direction de l’opinion nationale et internationale, à travers des activités multiformes (conférences, marches, sit-in, etc.) à réaliser avec tous ceux qui partagent les préoccupations ci-après :
I. La gouvernance politique
- Le rejet d’un Sénat impopulaire et sans valeur ajoutée
- Le rejet de toute tentative de révision de l’article 37 de la Constitution par la voie parlementaire ou référendaire
- L’adoption d’un décret d’application de la loi sur le quota
- La transparence sur les enjeux sécuritaires des médiations de paix du président du Faso
- La publication des patrimoines des membres du gouvernement et hauts responsables publiques
II. La gouvernance économique et sociale
-  La lutte résolue contre la vie chère
-  La garantie de l’accès de tous à l’alimentation et à l’eau potable.
-  La lutte résolue contre le chômage, en particulier des jeunes
-  La fin de la faillite du système éducatif et sa rénovation
-  La fin de la marchandisation et de la faillite du système de santé
-  La lutte implacable contre la patrimonialisation, la corruption dans l’appareil d’État et le gaspillage des ressources publiques
-  La transparence dans la gestion des revenus générés par les industries extractives, en particulier dans le secteur de l’or
-  La fin de la gestion catastrophique du foncier rural et de l’accaparement des terres
-  La fin des délestages et coupures intempestives de l’électricité.

Ont signé, les organisations ci-après, membres du Front de résistance citoyenne :
ADEP, AMR, AREDA, CADRE, CDCAP, CGD, CNP/NZ, CODEFEC, FEPDHA, FOCAL, GERDDES, LIDEJEL, MBJUS, MCB, RADDHO, RAPPED, UJAB, CEJ, MBDC, TON , MMF/ANBF

Cf. Exposé des motifs : « […] Enfin, l’expérience des parlements bicaméraux révèle une lourdeur administrative source de lenteur, en sus des coûts de fonctionnement très élevés pour les fragiles économies de nos États. Dans notre pays, l’option prise de lutter contre la pauvreté commande que nous tenions compte de la question des coûts tout en ne perdant pas de vue la nécessité d’élargir la base du débat démocratique […] »

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