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Journée nationale de protestation contre la politique du gouvernement : Le message de l’opposition au président du Faso

Publié le dimanche 30 juin 2013 à 22h42min

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Journée nationale de protestation contre la politique du gouvernement : Le message de l’opposition  au président du Faso

Répondant à l’appel de l’opposition, une grande foule était rassemblée à la place de la Nation dès 8H30 ce 29 juin. Vers 10 heures, les marcheurs ont pris la direction du rond- point des nations-unies. C’est là que les responsables des partis politiques initiateurs de la marche, avec à leur tête Zéphirin Diabré, devraient remettre un message aux représentants du Premier ministre pour le président Blaise Compaoré. Mais les représentants du Premier ministre n’ont pas été au rendez-vous ; le message n’a donc pu être remis comme prévu. Lefaso.net a pu l’obtenir pour vous. L’intégralité de la lettre adressée au chef de l’Etat.

JOURNEE NATIONALE DE PROTESTATION
CONTRE LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT
MESSAGE DE L’OPPOSITION
A SON EXCELLENCE MONSIEUR BLAISE COMPAORE,
PRESIDENT DU FASO,
PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES

Excellence Monsieur le Président,

Les partis de l’Opposition politique au Burkina Faso ont décidé d’organiser ce jour 29 Juin
2013, une Journée Nationale de Protestation Citoyenne contre la politique de votre
gouvernement.

Cette journée de protestation est l’occasion pour les Burkinabè, de vous signifier leur
mécontentement au regard des différents maux qui minent notre société et handicapent le
fonctionnement des pouvoirs publics. Parmi ces maux, nous notons :
-  la persistance de la pauvreté chez nos populations qui sont quotidiennement confrontées
à l’augmentation constante des prix des produits de grande consommation, alors que les
salaires stagnent ;
-  le déficit chronique en infrastructures et en personnel d’éducation ;
-  la misère des étudiants en proie à l’absence de locaux pour étudier, à la rareté des
bourses et à la démotivation des enseignants du supérieur ;
-  le chômage persistant et croissant dans tous les secteurs de la vie économique et qui
touche un grand nombre de diplômés ;
-  le dénuement alarmant des centres de santé qui, à l’image de l’hôpital Yalgado
Ouédraogo, n’ont ni le personnel, ni les équipements adéquats pour soulager les
malades ;
-  la progression dangereuse de l’insécurité illustrée par les braquages incessants sur les
routes et la criminalité dans les centres urbains ;
-  la généralisation de la corruption dans toutes les sphères administratives et économiques,
entretenue par le comportement peu intègre de nombreux hauts responsables que vous
avez nommés, et encouragée par l’impunité que votre gouvernement a érigée en
système ;
-  l’accaparement de l’économie par une poignée d’opérateurs proches de votre pouvoir et
de votre entourage familial, devenus des grosses fortunes par la seule magie des marchés
publics et des passe-droits dont ils bénéficient et grâce auxquels ils prospèrent en
asphyxiant notamment les petits commerçants ...

Excellence Monsieur le Président,

Les Burkinabè sont conscients que leur pays est pauvre et que l’Etat dispose de ressources très
limitées. Mais ils veulent que ces maigres ressources soient mieux gérées, que la lutte contre la
pauvreté devienne la vraie priorité du gouvernement, et que les fruits du développement de
notre pays soient mieux partagés.

Ils observent avec minutie le rythme de vie des hauts responsables de votre administration
dont ils connaissent le montant des rémunérations officielles. Abusant de votre protection,
ceux-ci sont devenus de véritables affairistes et des prédateurs qui puisent allègrement dans les
caisses de l’Etat, créent des sociétés pour se partager les marchés publics et pillent les
ressources minières nationales en complicité avec les groupes miniers étrangers.

Du fait de l’inaction de votre gouvernement, notre pays est devenu un vaste entrepôt de biens
mal acquis où cette minorité arrogante construit des bunkers à tour de bras, vit dans un luxe
tapageur et se comporte et agit comme si elle était au-dessus de la loi.

C’est là et nulle part ailleurs qu’il faut rechercher l’explication des actes d’incivisme observés
dans notre pays. Ils traduisent le ras-le-bol des laissés-pour-compte face à un Etat qu’ils
considèrent comme étant exclusivement au service des puissants.

Excellence Monsieur le Président,

L’incompréhension des populations a récemment franchi un nouveau cap lorsque, le 21 Mai
2013, votre majorité a voté une loi qui consacre la mise en place d’un Sénat. Cette nouvelle
institution est inutile parce qu’elle n’apportera aucune valeur ajoutée à notre appareil législatif ;
elle est surtout budgétivore, puisqu’elle coûtera 36 Milliards de francs CFA pour sa première
mandature. De plus, ce Sénat, qui exclut les jeunes (près de 60% de notre population) et les
femmes (plus de la moitié de cette population), n’assurera ni l’élargissement de la base de notre
démocratie, ni la représentation des collectivités territoriales.

De notre point de vue, ce qui fait la qualité d’un système démocratique, ce n’est pas la
multiplication des institutions à l’infini, mais plutôt la saine observance des règles du jeu
démocratique.

Lorsque la fraude électorale devient une mode, lorsque la majorité au sein de l’Assemblée
Nationale se réfugie systématiquement dans le vote mécanique, lorsque l’Opposition et les
nombreux burkinabè qui se reconnaissent en elles sont traités avec mépris et lorsque,
contrairement à de nombreux pays de notre sous-région, le Burkina Faso ne sait pas encore ce
qu’est une alternance démocratique, il est difficile de faire accepter à notre peuple qu’il suffit de
créer un Sénat pour que notre démocratie fasse un bond qualitatif.

Dans la vie d’une nation, il y a beaucoup de choses qui n’ont pas de prix. La démocratie en fait
sans doute partie, et nous devons tout mettre en œuvre pour la protéger et la faire grandir. Mais
la santé, l’éducation, le logement, la sécurité, l’emploi des jeunes, etc. font aussi partie des
choses qui n’ont pas de prix. Puisque le Burkina Faso dispose déjà de toutes les institutions
formelles de la démocratie, il serait plus judicieux de les faire mieux fonctionner et de consacrer
nos maigres ressources pour résoudre les problèmes des populations,

Excellence Monsieur le Président,

Il est de notre devoir d’attirer votre attention, sur le fait que le climat social est en train de se
dégrader fortement et dangereusement par la faute de vos partisans qui, à travers des
déclarations savamment amplifiées par le canal des médias d’Etat, vous prêtent l’intention de
vouloir procéder à une modification de l’article 37 de notre Constitution, pour supprimer la
clause limitative du mandat présidentiel.

Face à ce qui s’apparente à une manœuvre orchestrée, l’Opposition politique vous réaffirme son
attachement républicain à la limitation du mandat présidentiel. Avec elle, notre peuple
s’opposera fermement à toute tentative de tripatouillage de notre Constitution, qui aurait pour
finalité de mettre fin à cette limitation.

Excellence Monsieur le Président,

C’est en Patriotes soucieux et inquiets de l’avenir de notre pays que nous vous interpellons.
C’est dans le même état d’esprit qu’usant des libertés que nous accorde la loi, nous manifestons
notre opposition à la politique de votre gouvernement ce Samedi 29 Juin 2013.
En organisant cette journée nationale de protestation, l’Opposition politique, comme cela a
toujours été le cas, a le souci de préserver la paix sociale et de respecter l’intégrité des
personnes et des biens.

Nous. savons. que la paix sociale est une condition nécessaire au progrès de notre pays. Mais si
sauvegarder la paix sociale signifie- que nous devons nous taire et rester tranquilles pour que
règnent la pauvreté, l’injustice sociale, les inégalités, la corruption, l’impunité, et l’insécurité, cette paix sociale là, nous n’en voulons pas !

La paix sociale que nous recherchons, c’est celle dans laquelle la priorité est accordée à la
résolution des problèmes des pauvres, celle où le développement du Burkina Faso profite à tous
les Burkinabè. C’est la seule qui peut garantir durablement la stabilité et le progrès de notre
pays.

Les Burkinabè sont habités par l’espoir que l’appel qu’ils vous lancent ici à travers l’Opposition
sera enfin entendu, que vous abandonnerez ce projet de Sénat, et que vous prendrez mieux à
cœur les problèmes qui les assaillent.

Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de notre très haute
considération.

Ouagadougou, le 29 juin 2013

Pour l’Opposition Politique

Le Chef de file de l’opposition politique

Zéphirin DIABRE

Président de l’UPC

Message de l’opposition politique au chef de l’Etat

P.-S.

Ce 29 juin 2013, les militants et sympathisants de l’opposition n’ont pas pu remettre leur message au Premier ministre, comme ils le souhaitaient.
Lefaso.net a pu néanmoins se procurer une copie dudit message, adressé, faut-il le noter, au Président du Faso. Nous vous le proposons en intégralité.

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