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Investiture de John Agyekum Kufuor : Le Ghana dans l’âge d’or des affaires

Publié le lundi 10 janvier 2005 à 07h35min

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Réélu le 7 décembre 2004 pour un deuxième et dernier mandat de 4 ans, le président ghanéen John Agyekum Kufuor a été investi officiellement le vendredi 7 janvier 2005. Témoins de l’événement : de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi qu’une marée humaine, qui justifie pleinement la victoire du candidat du Nouveau parti patriotique (NPP). Ambiance à la place de l’indépendance d’Accra.

En ce septième jour de l’an, l’harmattan, qui était depuis le quotidien des Burkinabè, nous avait précédé dans la Côte de l’or. Dans la capitale ghanéenne, le vent faisait naturellement des siennes et la poussière empêchait de voir au-delà du bout du nez.

Malgré tout, à Independence Square, en bordure de mer, les couleurs vives du New patrioc party (bleu, blanc, rouge autour de l’éléphant triomphateur) s’imposaient. Visiblement la sécurité avait de la peine à maîtriser son monde, et les journalistes étrangers, qui étaient logés dans la grande masse des anonymes, donc très loin du podium, ne diront pas le contraire. Annoncée pour 11h 30 TU, la cérémonie, somme toute grandiose, ne commencera pas avant 14h 00. Les invités de marque, qui ont investi les lieux dès 11h 00, Abdoulaye Wade du Sénégal en tête, auront donc rongé leurs freins pendant quelque trois heures.

Mais la qualité de l’événement donnait une bonne humeur, peut-être fausse, aux occupants de la tribune officielle. Paramanga Ernest Yonli, le premier ministre du Burkina Faso, sympathisant avec Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, ça jurait fort avec les divergences criardes qui prévalent depuis belle lurette entre les riverains de la lagune Ebrié et ceux du fleuve Kadiogo. Avaient-ils seulement le choix, installés aux premiers rangs, aux côtés des présidents Olusegun Obasanjo du Nigeria, Gnassingbé Eyadéma du Togo, Mathieu Kérékou du Bénin, Amadou Toumani Touré du Mali, Ahmad Téjan Kabbah de la Sierra Leone, Gyude Bryant du Liberia, Theodoro Obiang N’Guema de la Guinée Equatoriale et le premier ministre angolais Fernando da Piedade Dias dos Santos ?

Les absents de marque de l’Afrique de l’Ouest étaient tout naturellement Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré du Burkina Faso et Mamadou Tandja du Niger, lui aussi réélu en décembre dernier et qui vient à peine d’entamer son second et dernier mandat. Pour une fois, la crise ivoiro-ivoirienne ne s’est pas invitée à Accra, et la fête était toute ghanéenne.

L’illustration parfaite en est la tenue traditionnelle dans laquelle s’étaient drapés les membres du parlement et les notables. John Agyekum Kufuor, le plus heureux des Ghanéens du jour, son vice-président, Alihaji Aliu Mahama, et leurs épouses respectives n’ont pas dérogé à la règle, escortés qu’ils étaient par la cavalerie des rois ashantis. C’est dire que là-bas, dans l’ex-Gold Coast, devenue depuis son indépendance, le 6 mars 1957, le Ghana, la promotion de la tradition et de la culture est érigée en règle d’or.

A Dieu et à ses compatriotes, Kufuor reconnaissant

Et cela a certainement joué en faveur de John Agyekum Kufuor, un Ashanti, au soir du 7 décembre 2004, contre John Evans Atta Milles, un Fanti, le poulain d’un certain J.J. Rawlings et champion du National democratic congress (NDC), qui mord ainsi la poussière pour la seconde fois. Mais pour ce président de 66 ans, cette victoire, il la doit à Dieu et à son peuple.

Et dès l’entame de son discours inaugural, qui succédait au grondement des 21 coups de canon de son investiture, il leur sera reconnaissant. Ainsi a-t-il dit dans la langue de Shakespear : "I thank the Almighty God for this day ; and I thank you, my compatriots, for the great honour you have bestowed on me by giving me the opportunity to lead this nation for another four year term". Pour nous, héritiers de Molière, cela veut dire : "Je remercie le Dieu Tout-Puissant pour ce jour ; et je vous remercie, mes compatriotes, pour le grand honneur que vous m’avez fait en me donnant l’opportunité de diriger cette nation pendant un autre mandat de quatre ans". A-t-on besoin d’être devin pour savoir que la victoire du président Kufuor, 52,75% des voix contre 44,32% pour son challenger, est le fruit de ce qu’il a ensemencé au cours de son premier mandat ?

Quand, lassés et exaspérés par les dix-neuf années de règne du capitaine d’aviation Jerry John Rawlings, ses compatriotes l’ont porté à la magistrature suprême, à Osu Castle, sur le plan politique Kufuor s’est attelé à :
- la consolidation de la démocratie, voulue par la Constitution de 1992, et à la proclamation de la IVe République en 1993 ;
- la réconciliation nationale, à travers la création d’une Commission Vérité - Réconciliation, afin d’apaiser les cœurs meurtris par le passé récent du Ghana révolutionnaire et d’ensemencer le pardon dans le cœur de ses compatriotes. Ainsi, les anciens chefs d’Etat Ignatius Acheampong et Frederick Akuffo, exécutés en 1979 aux premières heures de l’ère Rawlings, ont-ils été réhabilités et leurs corps réinhumés avec les honneurs dus à leur rang. Sur le plan diplomatique, si le Ghana a aujourd’hui une bonne image auprès des grandes puissances, en Afrique sa notoriété est indéniable.

Les efforts du président Kufuor à la tête de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour le retour de la paix dans les foyers de tensions de la sous-région ne passent pas inaperçus. Combien sont-ils en effet nos gouvernants qui n’ont effectué les pèlerinages d’Accra I, II et III afin d’éteindre le brasier ivoirien ? Sur le plan économique, Kufuor a choisi de mettre l’accent sur le développement du secteur privé. Et aujourd’hui, les experts sont unanimes que l’inflation est maîtrisée, avec un taux de 14, 15% contre 25,2% en 2000.

Par ailleurs, le Produit intérieur brut (PIB) connaît une croissance continue : 3,7% en 2000 ; 4,2% en 2001 ; 4,5% en 2002 et 5,2% en 2003. Point n’est besoin de dire que le Ghana de Kufuor a la côte des institutions financières internationales et des partenaires au développement, qui n’hésitent pas à l’accompagner dans sa nouvelle aventure.

La bonne gouvernance, gage de paix et de stabilité pour le développement

En inaugurant son second mandat ce 7 janvier 2005, John Agyekum Kufuor a pris de nouveaux engagements avec non seulement ses électeurs, mais aussi tous ses compatriotes.

Pendant les quatre années qu’il passera encore à Osu Castle, il s’emploiera à :
- développer les ressources humaines dans l’égalité et l’équité ;
- promouvoir l’éducation des jeunes Ghanéens afin qu’ils puissent affronter le monde moderne ;
- promouvoir le secteur sanitaire, avec un grand accent sur la lutte contre le paludisme et le VIH/Sida ;
- promouvoir le secteur des affaires et de l’entreprenariat ;
- exploiter les ressources dont dispose le Ghana pour pouvoir compétir sur le marché international ;
- instaurer la bonne gouvernance, qui assure la paix et la stabilité pour le développement.

Autant d’intentions qui ont commandé au chairman d’appeler l’ensemble de la classe politique à un effort spécial pour respecter les règles du jeu démocratique et les institutions, et la jeunesse à saisir la chance d’être jeunes et Ghanéens dans un Ghana où foisonnent les opportunités. Lui, en tout cas, saura jouer sa partition, a-t-il promis, en quittant le pouvoir au terme de ce deuxième et dernier mandat, comme le prévoit la Constitution, pour ne pas transformer le fauteuil présidentiel en une natte comme on en voit ailleurs sous nos tropiques.

Bernard Zangré Envoyé spécial à Accra
L’Observateur Paalga

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