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Conseil de paix et de sécurité de l’UA : Premières épreuves grandeur- nature

Publié le lundi 10 janvier 2005 à 07h33min

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Porté sur les fonts baptismaux l’année dernière, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS/UA) se réunit à partir d’aujourd’hui à Libreville, chez El Hadj Omar Bongo Ondimba pour "plancher" sur les crises ivoirienne, soudanaise et congolaise pour ne pas dire des Grands Lacs.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les chefs d’Etat ont déjà les solutions à ces crises-là. Il ne reste plus qu’à "pousser dans le bon sens" les protagonistes de celles-ci pour que la paix revienne dans ces contrées.

A-t-on encore vraiment besoin d’épiloguer sur la crise ivoirienne quand les solutions de celle-ci sont déjà "consignées" dans les accords de Lina-Marcoussis de janvier 2003, revus et corrigés par ceux d’Accra III en juillet 2004 ? Un agenda politique librement consenti par tous les protagonistes de la crise et qui tarde à être effectif. Principale pomme de discorde, l’entendement que les uns et les autres ont de l’application de cet agenda. Alors que le camp présidentiel estime qu’il a déjà "beaucoup fait" et qu’il appartient aux "rebelles" de désarmer pour regagner le giron républicain, ceux-ci répliquent qu’ils ne cèderont pas, tant que la république ne sera pas débarrassée de toutes les "lois scélérates" qui empêchent l’avènement d’une "vraie démocratie" en Côte d’Ivoire.

Avec le nième avatar constitué par l’adoption "ratée" du nouvel article 35 portant sur les conditions d’éligibilité (Gbagbo tient mordicus à son référendum) on peut dire que depuis janvier 2003 c’est le même cinéma qui se poursuit.

Le seul problème autant pour les Ivoiriens que pour les pays de la sous-région (principalement le Burkina Faso) c’est que ce jeu de valse-hésitation a coûté la vie à des milliers de personnes entre les massacres "anté-crise" de Tabout I en 1999 de Tabou II en 2000, de Yopougon (octobre 2000) et les journées sanglantes des 24 et 25 mars 2004 où la mort rôdait dans tout Abidjan. Last but not least, les velléités guerrières du camp présidentiel les 4 et 5 novembre derniers sont venues rappeler que tous les esprits ne sont pas préparés à la paix en Côte d’Ivoire.

D’une crise identitaire à une autre

Il faudra donc les y contraindre à Libreville où Thabo Mbéki rendra sûrement compte de sa médiation de novembre-décembre 2004.

L’échec est interdit car il aurait des conséquences incalculables. Echec interdit aussi pour nos chefs d’Etat sur la crise de la RD Congo et par extension des Grands Lacs. Une région qui aurait dû être le poumon économique du continent et qui au contraire se retrouve être le "cœur malade" de l’Afrique. Trop grand et trop riche, la RD Congo attise les convoitises.

L’Etat au sens napoléonien du terme n’ayant jamais existé en RD Congo (sauf pendant la décennie "bénie" de 70, mal terminée du reste) le pays a vu se développer une "économie de l’ombre" où hommes politiques, hommes d’Etat (congolais comme étrangers) puissances "tutrices" barbourzes, voire mercenaires, "pompent" les immenses richesses du pays. Mendiant assis sur un océan de richesses, le Congo voit ses populations se paupériser et comme on le sait, la violence et la révolte fleurissent sur la misère.

Quand le fait ethnique "s’invite" en politique sous la forme du "délit de faciès" et de l’exclusion pour ne pas dire "l’ostracisation" d’une partie de la population, bonjour les dégâts. Surtout que des considérations géostratégiques régionales font que certains voisins ne peuvent rester indifférents face à ce déficit démocratique en RD Congo. Car en effet, le gouvernement de transition issu des Accords de Sun-City (signés sous l’égide de l’Afrique du Sud) tenait tant bien que mal la route, jusqu’à ce que le problème des Congolais rwandophones se pose jusque dans les arcanes du pouvoir. Tout comme en Côte d’Ivoire il y a là aussi une crise identitaire.

La crise du Darfour, troisième dossier à l’ordre du jour de cette réunion au sommet de Libreville, prend aussi racine dans ce refus de l’autre avec en sus un tracé aberrant des frontières opéré par le colonisateur. Les Furs qui peuplent l’Ouest du Soudan sont en effet plus proches culturellement de leurs frères tchadiens que des Arabes "pur-sang" de Khartoum. Les frontières issues de la colonisation ayant été "sacralisées" il reste maintenant à convaincre Arabes et Négro-africains qu’ils peuvent vivre en bonne intelligence.

Le gouvernement de Khartoum qui, il y a six mois, avait promis de faire cesser les tueries et les exactions contre les Furs n’a pas tenu sa promesse. Les Jenjawids continuent leurs razzias ancestrales contre leurs "esclaves" noirs. A la décharge du gouvernement de Khartoum, l’immensité du pays qui permet aux "cavaliers de la mort" de voir venir les troupes gouvernementales et de se fondre dans la nature.

Cependant, pour peu que Khartoum y mette vraiment du sien que cette crise pourrait être rapidement résolue. En tout cas, les Etats-Unis pourraient, l’y contraindre, eux sous l’égide desquels un accord est intervenu hier à Naïrobi entre rébellion du Sud du pays et le gouvernement d’Omar El Bechir. Quant à l’UA elle a déjà manifesté sa volonté d’éteindre ce foyer de tension. On est mémoratif que Olusegun Obasanjo, président en exercice de l’UA, avait envoyé des hommes au Soudan pour sécuriser les populations de l’Ouest du pays.

A Libreville il faudra donc convaincre les protagonistes de ces trois crises, de la nécessité de créer chez eux, des espaces républicains et démocratiques où on aura une large participation du plus grand nombre aux exercices et aux réalités décisionnelles. C’est ainsi que l’on pourrait reconstituer dans ces pays, le "tissu de confiance" disloqué par l’esclavage, la colonisation et leurs conséquences. Avec les retards accusés au plan économique par ces pays du fait de ces crises et compte tenu du fait que des échéances électorales majeures sont prévues en 2005 en Côte d’Ivoire et au Congo, le temps presse. Alors stop ou encore ?

Boubakar SY
sidwaya

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