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Ouaga résolu à aller au bout de sa médiation malgré les tergiversations de Bamako et de Kidal (2/4)

Publié le lundi 10 juin 2013 à 10h56min

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Ouaga résolu à aller au bout de sa médiation malgré les tergiversations de Bamako et de Kidal (2/4)

Bamako ayant montré ses muscles du côté d’Anefis et les Touareg ayant fait la preuve de leur volonté de trouver une solution négociée à la « crise malo-malienne » en se regroupant, tout le monde était en ordre de bataille, pardon prêt pour le pèlerinage à Ouaga 2000. On les attendait tous, en début d’après-midi du vendredi 7 juin 2013. La presse burkinabè était là. Djibrill Y. Bassolé et son staff aussi : protocole, com, chef de cab, SG, ministre délégué et même Mohamed Sannè Topan, ambassadeur du Burkina Faso à Bamako. Tout était O.K.

Les représentants de l’ONU, de l’UA, de l’UE, de la Cédéao, ceux des Etats-Unis, de Suisse, du Tchad, de Mauritanie et de la France étaient attendus. Sur l’aile droite, les fauteuils et sièges réservés à la délégation gouvernementale ; de l’autre côté, sur l’aile gauche, même scénario pour la « Coordination des groupes armés du Nord du Mali ». La presse avait été convoquée à 16 heures. Elle était là. Elle était là encore à 17 heures et même à 18 heures. On n’avait plus grand-chose à se dire. On patientait. On spéculait. Les officiels, quant à eux, s’agitaient. On sentait bien qu’il se passait quelque chose et que ce quelque chose était forcément désagréable pour ceux qui avaient organisé cette rencontre au sommet.

Le bruit circulait que la délégation malienne avait décollé de Bamako à l’heure où, justement, devait débuter la rencontre de Ouaga 2000. « Ils ne sont manifestement pas intéressés par cette rencontre » laissait filer un officiel burkinabè, embarrassé tout autant qu’exaspéré. A 18 h 30, les Touareg ont fait leur entrée. Pas de problème pour les reconnaître ; les identifier, c’est déjà plus délicat. On notera parmi eux deux femmes. La guerre aurait-elle changé la donne sociale dans le Nord-Mali ? Dans leur sillage, sans qu’il faille établir un lien quelconque, la France étant toujours accusée de « bienveillance » à leur égard, Emmanuel Beth, l’ambassadeur de France à Ouaga, général de corps d’armée, ancien officier parachutiste de la Légion étrangère. Tour de salle pour des poignées de main, regard interrogateur vers les places (vides) de la délégation gouvernementale. L’heure tourne.

A 18 h 50, les Touareg – une bonne trentaine – prennent enfin conscience que l’intitulé placé devant chacun d’eux est inadapté : « Coordination des groupes armés du Nord du Mali ». Exit les barrettes retirées une à une (elles seront, le lendemain, remplacées par « Délégation de la commission conjointe MNLA/HCA »).

Une vingtaine de minutes plus tard, alors que la salle ressemble à une salle de classe le jour où l’on annonce que le professeur ne pourra pas assurer le cours, l’essentiel de la délégation des Touareg va s’égailler en petits groupes. Conciliabules ici et là. Beth, lui aussi, quitte la salle. Personne n’a l’air de croire qu’il va se passer quelque chose ce soir là. Plus encore, tout le monde à l’air de s’en « foutre », comme si cela était inéluctable.

Il est 19 h 40 : une délégation malienne arrive ; on reprend espoir. Mais ce n’est que la presse malienne qui découvre, éberluée, que les choses devaient se passer en début d’après-midi et non pas en fin de journée. Fausse alerte. A 20 heures, la messe est dite. Il est officiellement annoncé que la conférence est reportée au lendemain matin, samedi 8 juin 2013.

On peut penser à un échec de la médiation. On peut spéculer sur la volonté de Bamako de réaliser en juin 2013 ce qu’elle n’a même pas tenté en janvier 2012 : la reconquête par les armes du Nord du Mali. Il est vrai que les « islamistes » et autres « terroristes » ne sont plus sur le terrain pour ce qui est du gros de leurs forces armées.

Equipée, réarmée, entraînée, requinquée… l’armée malienne n’a rien à craindre au Nord du Mali : le gros des forces armées qui en avaient pris possession au cours de l’année 2012 a été défait par l’offensive France/Tchad ; les autres ont rejoint des latitudes moins exposées. On peut penser que les militaires maliens, qui ne veulent pas se voir confisquer leur « coup d’Etat » du 22 mars 2012, entendent rappeler à Bamako qu’il va falloir compter avec eux. On peut penser aussi que Bamako entend faire la démonstration (tardive) qu’il peut régler seul le problème de Kidal (et au passage le problème Touareg) si la France lui en laisse l’occasion. Une certitude : chacun entend faire la démonstration qu’il a les bonnes cartes en main à sept semaines de la présidentielle.

En fait, la marge de manœuvre de Bamako comme de Kidal est étroite. L’implication de Paris et de la communauté internationale dans le dossier malien est forte. François Hollande sait que son intervention militaire n’a de sens que si elle débouche, rapidement, sur une solution politique. Ensuite, à Dieu vat ! comme on disait autrefois dans la marine française ! Si Bamako ne joue pas le jeu politique, les millions promis vont s’envoler ; si Kidal s’entête dans son projet, c’est son présent militaire et son avenir politique qui seront rayés du calendrier. A Ouaga, on souhaite seulement ne pas se retrouver face un scénario à la « Gbagbo » : un interminable bras-de-fer entre le Nord et le Sud.

Samedi 8 juin 2013. La nuit a effacé une soirée morose. A 11 h, ils sont tous là, « rebelles » et « gouvernementaux ». Blaise Compaoré ne tarde pas à entrer à son tour. Résolu à aller jusqu’au bout de sa médiation. Ce matin, c’est la cérémonie de lancement des pourparlers de paix en vue « de trouver une solution durable à la grave crise » malo-malienne. Il rappelle d’emblée que cette rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de celle du 4 décembre 2012 qui avait permis de « poser les bases du dialogue ».

Il rappelle les engagements souscrits alors par toutes les parties : unité nationale, intégrité territoriale, forme républicaine de l’Etat malien, laïcité. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est « poursuivre et approfondir » les engagements du 4.XII.12. Le ton est ferme, décidé. Il y a « une impérieuse nécessité » à boucler, à la fin du mois de juillet 2013, la « période de transition » ; autrement dit, il faut « créer les conditions propices à l’élection » de la nouvelle équipe présidentielle qui aura à « consolider l’unité nationale et la cohésion sociale », ce qui implique, souligne-t-il, « le retour des personnes déplacées ».

Considérant que « connaissance et action ne font qu’un » (cf. LDD Burkina Faso 0362/Vendredi 7 juin 2013), Blaise a fixé le programme des festivités : cessation des hostilités, autrement dit dépôt des armes ; redéploiement de l’administration et de l’armée partout sur le territoire, y compris à Kidal ; accord sur le mécanisme de suivi et d’évaluation ; poursuite des négociations de paix après la présidentielle. Tout est dit. Tiébilé Dramé, conseiller spécial du président Dioncounda Traoré, ne dira pas autre chose. Il rappellera seulement que « l’existence du Mali était en jeu » voici quelques mois seulement et qu’il convient donc, « dans les tous prochains jours » de trouver un accord entre le gouvernement et les « groupes armés du Nord du Mali ».

Ensuite, a-t-il souligné, il faudra parvenir à une « résolution définitive » de cette crise malo-malienne. Pour y parvenir : « une discussion inclusive, dans un esprit de paix, de stabilité et de fraternité ». Il rappelle, à son tour, les accords du 4.XII.12 et le texte de la résolution 2100 du Conseil de sécurité fondant la Minusma : elle porte, d’abord, sur le dépôt des armes par la « rébellion ». Il dit aussi, en direction des Touareg, qu’il leur « faut prendre la mesure de la mobilisation internationale », fondée sur un « consensus » : « Elle est là ; elle sera témoin », a-t-il ajouté. Le représentant des Touareg sera bref.

Rappel historique : cela fait cinquante ans que l’Azawad réclame sa reconnaissance par Bamako. Il met l’accent sur un « dialogue constamment privilégié » par les Touareg. L’ambassadeur du Nigéria auprès du Burkina Faso, le Nigéria étant médiateur associé, va clôturer cette cérémonie de lancement des pourparlers. Blaise Compaoré a fixé le ton des travaux. Tout le monde est là, du côté gouvernemental comme du côté « rebelles ». Il s’agit donc « d’entrer dans le vif du sujet dès cet après-midi » afin qu’un protocole d’accord soit disponible « en tout début de semaine ».
« Connaissance et action ne font qu’un ».

Jea-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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