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Tsumanis : Jakarta, épicentre de l’aide humanitaire

Publié le jeudi 6 janvier 2005 à 07h41min

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A combien la calculette de cette comptabilité macabre qui s’effectue depuis le 26 décembre 2004 va-t-elle se bloquer. 150 000 ? 200 000 ? 250 000 ?...Saura-t-on même jamais un jour le nombre de personnes que ce tremblement de terre sous-marin de magnitude 9 sur l’échelle ouverte de Richter et ce raz-de-marée ont englouti dans ce que les esprits bien pensants comparent déjà à un Sodome et Gomorrhe des temps modernes ?

Analogie sans doute trop forte et disproportionnée car si certains des pays de ce sud-est asiatique frappés par ce drame étaient la destination privilégiée d’occidentaux repus en mal de tourisme sexuel, on ne peut décemment pas mettre sur le même pied de pourriture la Thaïlande, le Sri Lanka, le Bangladesh ou les Maldives et ces cités antiques du sud de la mer Morte rayées de la surface de la terre, selon une légende biblique, à cause des mœurs dévoyées de ses habitants.

En ce moment, ces considérations éthiques ont d’ailleurs très peu d’importance devant l’ampleur de la catastrophe et alors qu’on redoute maintenant la survenue d’épidémies qui pourraient, elles aussi, faire des dizaines de milliers de victimes. De pauvres hères qui ont réchappé à la fureur de la nature mais qui n’ont pas encore pour autant la tête (et les pieds) hors de l’eau du fait du manque d’eau potable, de nourriture et des cadavres en état de putréfaction avancée.

C’est donc dans ce décor apocalyptique que les secours qui ont mis du temps pour se mettre en place commencent à parvenir aux populations sinistrées même si, là aussi, les efforts des secouristes sont entravés par l’inaccessibilité de certaines zones coupées du monde.

Des opérations de sauvetage qui s’effectuent aussi sur fond de marketing politique et de concurrence parfois malsaine entre les pays riches. Car c’est à celui qui se montrera le plus généreux et le plus entreprenant à l’endroit de ces damnées de la terre dont pourtant personne ne se préoccupait avant, oubliés qu’ils étaient de tous.

Voici donc cette Amérique toute puissante qui, après avoir fait montre d’une pingrerie sans nom en débloquant une somme de.... 15 millions de dollars pour les secours a finalement porter sa mise à quelque 350 millions. C’est certes loin des centaines de milliards de dollars qui continuent d’être dilapidées dans l’aventure irakienne mais c’est déjà ça de gagné. Et Georges Bush junior de battre le rappel de ses deux prédécesseurs immédiats (son père Bush senior et Bill Clinton) pour chatouiller la fibre humanitaire de ses compatriotes en levant notamment des fonds privés pour venir en aide aux victimes des Tsunamis.

Avant d’envoyer son secrétaire d’Etat sortant Colin Powel survoler, avec une grande émotion non feinte, les ruines de Banda Aceh le cœur de cette opération humanitaire sans précédent à l’échelle mondiale. "Dans ma carrière, j’ai été en guerre, j’ai vu des tornades, des ouragans et de nombreuses opérations de secours, mais je n’ai jamais rien vu de tel" a confessé l’ancien général de l’armée américaine.

Bon prince l’Oncle Sam a aussi quelque 13 000 soldats impliqués dans les opérations et des dizaines d’hélicoptères, de navires ainsi que des hôpitaux de campagne.

Mais on le sait, la débauche d’énergie et de moyens des Etats Unis n’est pas sans calcul politique et Colin Powel ne s’est d’ailleurs pas gêné pour placer leur aide dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, espérant que les disciples de Mahomet se rendront compte de leur générosité et s’en souviendront le moment venu ; surtout en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde qui se trouve être le plus frappé par le séisme et les vagues meurtrières qui ont dévasté 5 000 km de côte en Asie et en Afrique.

Derrière donc l’émotion, la compassion, la mobilisation des GI’S et la multiplication par dix de leur mise de départ se trouve donc une véritable action de relation publique. Mais pour une fois qu’il mette leur force de frappe militaire et financière au service de l’humanitaire, on ne va pas cracher dans la soupe et c’est même plus sur ces théâtres d’opération qu’on aimerait le plus voir le super gendarme de la planète.

Presque deux semaines donc après le sinistre, et face aux délais bureaucratiques, au manque de carburant, aux routes impraticables, aux ponts effondrées et aux distances énormes, le plus grand défi à relever reste logistique : comment atteindre le plus rapidement possible les survivants dans des zones coupées du monde, de surcroît frappées par des répliques sporadiques.

Acheminer eau, vivres, médicaments dans les villes et villages sinistrés, tel est donc en ce moment le travail de titan qui mobilise l’ONU et ses différentes agences, des dizaines d’organisations non gouvernementales, les croisés de l’humanitaire ainsi que les armées nationales des pays touchés et des soldats étrangers.

C’est dans ce contexte que se tient aujourd’hui à Jakarta, un sommet extraordinaire sur les conséquences de la catastrophe.

Organisé sous l’égide de l’ASEAN, l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est, cette rencontre verra la participation d’une quinzaine de chefs d’Etat ou de gouvernement d’Asie, de l’ONU et de ses organismes spécialisés (OMS, HCR, UNICEF...) amenés par son secrétaire général Kofi Annan, de Colin Powel, des premiers ministres japonais (Junichiro Koizumi) et australien (John Howard), du président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso, etc.

Tous sont donc au chevet de ses populations meurtries et il s’agit pour la communauté internationale d’exprimer d’abord sa solidarité et d’ensuite de confirmer les promesses d’aide qui s’élèvent déjà à plus de 2 milliards. Outre les 350 millions des Américains, le Japon a en effet promis 500 millions, l’Autralie 385 tandis que la RFA annonçait 500 millions d’euros.

Il n’est pas jusqu’à des privés qui aient cassé la tirelire dans un élan de générosité rarement atteint. Ainsi du champion allemand de formule 1, Michael Schumacher qui a offert 10 millions de dollars, soit, tenez-vous bien, la bagatelle de 5 milliards de francs CFA.

Les gens ont donc, on le voit, fait parler leur cœur ou leur portefeuille si vous préférez mais comme promesse de grand n’est pas héritage, à Jakarta, devenu l’épicentre de l’aide humanitaire, les participants au sommet devaient insister sur la tenue des engagements car l’expérience a montré que les Etats font souvent des effets d’annonce sans toujours respecter leurs promesses d’aide financière.

Il s’agit ensuite d’inscrire l’effort dans la durée et réfléchir à la mise en place d’un système d’alerte aux raz-de-marée inexistant dans cette partie du monde. Car quand on a vu cela, on se convainc plus que jamais qu’il vaut mieux prévenir que guérir comme nous l’enseigne une sagesse populaire.

Ousséni Ilboudo

Observateur Paalga

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