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Centrafrique : Eviter le réveil des vieux démons

Publié le mercredi 5 janvier 2005 à 07h38min

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La machine démocratique serait-elle en passe de se gripper en Centrafrique ? Les premières pages de l’année 2005 s’ouvrent en tout cas avec un amoncellement de lourds nuages, annonciateur de grands orages et de lendemains sombres et incertains pour cette ex-colonie française.

Ces dernières heures, la rue a grondé à Bangui et le mercure social est monté. Une température qui, si elle ne redescend pas, pourrait enrayer les fragiles efforts de paix d’un pays qui porte encore les tragiques stigmates du tumulte de l’histoire.

Les raisons de cette flambée de colère : la décision contestée de la Cour constitutionnelle d’écarter de la course à la magistrature suprême, sept candidats de taille parmi lesquels l’ancien Premier ministre centrafricain, Jean-Paul NGoupandé. Ces sept candidats (sur un total de 12) qui n’auront donc pas l’occasion de croiser le fer avec le président sortant, le général François Bozizé, sur le terrain du processus électoral, auront ainsi donc été recalés, au motif qu’ils ne remplissent pas les conditions requises pour solliciter, en février prochain, les suffrages des électeurs.

Si ces "recalés" ne l’entendent pas de cette oreille, c’est qu’ils perçoivent cette mise à l’écart comme l’amer et répugnant produit d’une collusion entre la Cour constitutionnelle et le régime en place ; en somme une manoeuvre politique du pouvoir. Evidemment, la Cour constitutionnelle, qui s’en défend, clame haut et fort qu’elle n’a subi aucune pression de la part de qui que ce fût et que, d’ailleurs, ces candidats n’ont encore formulé aucun recours.

Autrement dit, l’autorité judiciaire est et restera sur le terrain du droit, le respect scrupuleux des textes dût-il entraîner une vague de mécontentements et de mouvements protestataires. Il n’y a donc eu aucune entorse au processus démocratique, contrairement à ceux qui prétendent le contraire et qui réclament sa dissolution.
Dans cet imbroglio politico-juridique, qui des candidats non retenus ou de la Cour constitutionnelle, est de mauvaise foi ? Qui, en réalité, veut forfaire à la loi ? L’avenir sans doute nous situera davantage.

Mais au-delà de ce verdict qui a suscité bien des vagues, il est du devoir des acteurs de la vie politique centrafricaine de ne pas perdre de vue l’essentiel, c’est-à dire la préservation et la consolidation de la paix. Le réveil des vieux démons ethniques doit être évité à tout prix. La politique de l’exclusion ainsi que ses conséquences aussi dévastatrices que monstrueuses dans des Etats tout près de nous, sont encore vivaces dans les esprits. Tous les acteurs politiques centrafricains devraient tirer les leçons de ce genre de drame qui s’est noué ailleurs.

Si la mécanique démocratique s’est emballée avec l’exclusion des sept candidats, il appartient au président Bozizé, premier magistrat du pays, de prendre ses responsabilités pour que le pire soit évité. N’a-t-il pas la responsabilité de conduire la transition démocratique à son terme ? De fait, François Bozizé serait bien inspiré d’agir politiquement, s’il ne le peut constitutionnellement, en permettant à toutes les sensibilités politiques de s’exprimer. Et les urnes feront le reste, si tant est que les élections se déroulent de façon transparente. Il y va de la stabilité de la Centrafrique.

Ce serait une occasion pour l’homme fort de Bangui, de polir une image de chef d’Etat arrivé au pouvoir par les armes. De toute façon, certains de ses partisans sont favorables à une telle idée. Ces cas de figure sont parfois la résultante de dispositions constitutionnelles tripatouillées, élaborées parfois sans unanimité, taillées sur mesure et changeantes au gré des humeurs et intérêts des tenants du pouvoir. Si on ne peut pas avoir un code électoral parfait, la perfection n’étant pas de ce monde, il est nécessaire
d ’adopter un cadre électoral consensuel.

Car, si l’on n’y prend garde, c’est la démocratie qui est prise en otage, ce qui conduit inexorablement et dangereusement à ramer à contre-courant des aspirations du peuple. La démocratie n’est pas du "prêt-à-porter". François Bozizé devrait en être conscient. A moins que, comme ces politiques, il soit sourd aux grondements de la rue et que, étouffé par l’ambition et le "pouvoirisme", il veuille s’ouvrir un large boulevard pour la légitimation de son pouvoir. Mais ce serait là bien dommage pour le président, d’autant plus que son accession au pouvoir avait suscité beaucoup d’espoirs.

Le Pays

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