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Jean-François Mancel, promoteur du « voyage Gbagbo » de 2011, confirme son élection de député dans l’Oise.

Publié le mardi 2 avril 2013 à 21h23min

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 Jean-François Mancel, promoteur du « voyage Gbagbo » de 2011, confirme son élection de député dans l’Oise.

Ce n’est pas une tête d’affiche politique, mais c’est le plus inusable des députés de la droite française, RPR puis UMP, malgré les coups de Trafalgar qui n’ont pas manqué dans sa carrière. Il s’est présenté dix fois à la députation dans le département de l’Oise depuis 1978. Deux fois battu (1981 et 1997) et deux fois invalidé (1988 et 2012).

Dernière invalidation le 25 janvier 2013, l’obligeant à se représenter devant les électeurs de la 2ème circonscription, pour une onzième fois, le dimanche 17 mars 2013. En juin 2012, il l’avait emporté devant la candidate socialiste, Sylvie Houssin, avec seulement 63 voix d’écart. Mais le Conseil constitutionnel avait invalidé cette élection pour une affaire de tract qui aurait pu « altérer le scrutin ». Avec une abstention record (67,2 %) et une image désastreuse pour le gouvernement Hollande-Ayrault, la candidate socialiste sera éliminée du second tour par la candidate FN. Et Mancel va l’emporter de justesse : 51,41 % (soit 768 voix) contre 48,59 % pour le FN.

Voilà Mancel confirmé député de l’Oise, département où il est né le 1er mars 1948. C’est à Beauvais, au lycée Félix-Faure, qu’il a fait ses études avant de rejoindra la faculté de droit de Paris (licence de droit public + DES de droit privé) puis l’IEP avant d’être admis à l’ENA (promotion « André Malraux »), en 1975-1977, d’où il sortira administrateur civil. Il était déjà politiquement actif : militant de l’UD-Vème le parti « gaullliste » dont il sera secrétaire de circonscription à l’âge de 18 ans, puis de l’UDR, qui en a pris la suite, et dont il sera conseiller national en 1968. Dès 1971, il sera adjoint au maire de Beauvais, poste qu’il conservera jusqu’à la victoire des socialistes en 1977. Il avait alors 23 ans et, dit-on, le soutien de la famille Dassault dont l’Oise était le fief.

A 30 ans, il sera élu député RPR de l’Oise ; à 36 ans, il devient député européen. En 1985, il préside le Conseil général. Sa route va alors croiser celle d’Eric Woerth, son cadet, lui aussi originaire de l’Oise. L’amitié entre les deux hommes va changer le cours de la carrière de Woerth. En 1986, Mancel le nommera directeur général de l’Agence pour le développement de l’Oise dont il sera vice-président en 1990 et président en 1992 (considéré comme le « grand argentier de la chiraquie », Woerth va se retrouver pris dans les imbroglios des affaires politico-affairistes de Nicolas Sarkozy). Mancel, réélu député RPR de l’Oise (1986-1987) sera par la suite secrétaire général adjoint puis secrétaire général du RPR (1995-1997).

Son irrésistible marche en avant va être stoppée. Le 18 mars 1998, il sera exclu du RPR pour avoir appelé le Front national à faire « partie de la droite de demain », et le lundi 4 mai de la même année, il sera placé en garde à vue à la PJ de Creil puis déféré au parquet de Beauvais. Mancel est alors mis en cause pour ses relations avec la société Européenne de conseil et communication (Euro2C), dirigée par Roland Branquart, un copain de fac. Quelques mois auparavant, déjà, Mancel avait été mis dans l’obligation de rembourser 400.000 francs au conseil général de l’Oise pour des « dépenses alimentaires et de petit entretien à caractère personnel et familial » qui lui avaient été accordées en 1989 et 1996. L’affaire sera délicate pour le RPR et l’Elysée (Mancel a six enfants ; le dernier, Laurène, aurait eu pour parrain Jacques Chirac). Elle sera jugée en 2000. On n’entendra plus guère parler de Mancel. Pas plus que d’Euro2C, particulièrement actif sur le marché angolais où certains de ses animateurs (notamment Alain Gouttman) étaient très présents dans l’entourage de l’UNITA de Jonas Savimbi.

Les affaires judiciaires vont pourrir la vie politique de Mancel pendant plus de dix ans. En 2005, il sera même condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, 30.000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité par la Cour d’appel de Paris avant de voir son pourvoit rejeté par la Cour de cassation et d’obtenir satisfaction, enfin, en juin 2010, devant la Cour européenne des droits de l’homme. Il aura été député de 1978 à 1981, de 1986 à 1988 et de 1988 à 1997 (réélu en 1988 suite à l’annulation de son élection par le Conseil constitutionnel) et de 2002 à 2012 avant d’être réélu en 2013 après que son élection de 2012 ait été encore une fois annulée. Cela n’entamera pas sa détermination. Ni son amitié pour Woerth, ancien ministre du Budget puis du Travail des gouvernements Fillon et ex-trésorier de l’UMP, englué dans « l’affaire Bettencourt ».
Mancel, membre de la commission des finances, garde un œil sur les affaires internationales* quand elles sont des affaires politiques. Impliquant des prises de position à la « marge » (comme lorsqu’il prônait l’entrisme du FN au sein de la droite). Il a défrayé la chronique au plus fort de la crise entre Laurent Gbagbo et Alassane D. Ouattara. C’était les 5, 6 et 7 février 2011. Gbagbo avait concocté le débarquement dans sa capitale de sept personnalités françaises dont cinq députés UMP. Pour deux rencontres avec lui, le président du Conseil constitutionnel, celui de l’Assemblée nationale, des membres de la Commission électorale indépendante, les ministres de la Défense, de l’Intérieur, des Affaires étrangères et Charles Blé Goudé. Invitation lancée (et payée) par l’Assemblée nationale ivoirienne. Tête d’affiche de la balade : Mancel, « député UMP de l’Oise, rapporteur général du budget du ministère des Affaires étrangères, ancien secrétaire général du RPR ». Il était accompagné des députés UMP Yves Censi (présenté comme « spécialiste de l’Afrique ») et Cécile Dumoulin (d’autres, plus prudents, pressentis et même annoncés, avaient décliné l’invitation). Des députés UMP à a rescousse du « socialiste » Gbagbo alors que l’Elysée soutenait Ouattara, cela faisait désordre. Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, dissuadera les « UMP sans frontières » de faire le déplacement. In extremis, trois heures avant leur décollage. « L’une des missions du parlementaire est de contrôler l’action du gouvernement où que ce soit. Comment le faire sans aller sur place et rencontrer les deux camps en présence ? », expliquera Mancel. Commentaire de Bernard Debré, député UMP de Paris : « Heureusement qu’ils n’y sont pas allés. Parce que le ridicule ne tue pas, c’est vrai, mais il fait tout de même du mal quelquefois ».
Gbagbo avait préparé la farine pour y rouler nos députés ; Le Temps, quotidien pro-Gbagbo, titrait déjà : « Sarkozy perd une partie de son bras de fer avec Gbagbo ». Opération montée, dit-on, par Mancel et Me Marcel Ceccaldi. Ceccaldi était alors, en Côte d’Ivoire, engagé contre l’ONU, l’UA et la Cédéao dont il dénonçait l’alignement sur « l’Occident ». « Faisons une hypothèse, disait-il, Gbagbo n’est plus là. Mais pensez-vous que Ouattara va pouvoir gouverner paisiblement ce pays ? Il va le faire sur les corps de milliers d’Ivoiriens ? Sur les populations déplacées ? Il le fera sous le couvert et sous la protection de troupes étrangères ? Des Nigérians qui ont constitué le gros des forces qui ont mené l’offensive contre Abidjan ? Et qui vont profiter ainsi de l’occasion de dépecer la Côte d’Ivoire, le Sud et l’Ouest pour le Nigeria, le Nord pour le Burkina Faso ? ». Ceccaldi, « conseil » de Jean-Marie Le Pen, a représenté les intérêts de la Jamahiriya libyenne en 2011 ; il a été l’avocat en Guinée du président du CNDD, Moussa Dadis Camara. Que du beau monde !
Quand Mancel sera empêché de se rendre à Abidjan, Liliana Lombardo, franco-ivoirienne d’origine corse, installée en Côte d’Ivoire depuis plus de trente ans, coordinatrice des « nègres » de Simone Gbagbo pour son « Paroles d’honneur », « productrice multimédia », nommée en 2005 conseiller technique au cabinet de Gbagbo, autrefois chargée de mission du RPR, aura alors ce commentaire : « Quel dommage que Jean-François Mancel n’ait pu venir s’informer et avoir une vision plus claire de ce qui se passe ici ». Eh oui, dommage… !

* C’est ainsi qu’il avait été membre de la Coordination des observateurs franco-africains (COFA) qui a apporté sa caution, en juillet 2009, à l’élection « libre et démocratique » de Denis Sassou Nguesso au Congo

Jean-Pierre Bejot
La Dépêche Diplomatique

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