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Abdoul Karim Bélemviré, commissaire de police et tradipraticien : « Nous voulons tous les papiers requis afin d’officier de manière plus professionnelle »

Publié le mercredi 27 mars 2013 à 21h40min

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Abdoul Karim Bélemviré, commissaire de police et tradipraticien : « Nous voulons  tous les papiers requis afin d’officier de manière plus professionnelle »

Pour des raisons diverses, de nombreux burkinabè font recours à la médecine traditionnelle pour se soigner. Certes, les vertus des soins par les plantes sont reconnues, mais les tradipraticiens rencontrent d’énormes difficultés pour se faire reconnaître. Dans l’interview ci-après, le commissaire de police et tradipraticien, Abdoul Karim Bélemviré, parle non seulement des difficultés qu’il rencontre à exercer ce métier mais aussi des maladies qu’il soigne grâce aux plantes. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter ?

M Bélemviré : Je suis Abdoul Karim Bélemviré. Je suis commissaire de police de formation. J’ai gravi les différents échelons jusqu’au poste de directeur central de la police. Actuellement détaché au ministère des transports, je vais prendre ma retraite dans cinq ans.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?

Je suis à la police depuis 1980. Je faisais partie du corps des gardiens de la paix (ancienne appellation des agents de police). J’ai gravi beaucoup d’échelons depuis mon entrée dans la police. En 1987, j’ai été admis au concours professionnel des assistants de police. Après deux ans de formation, j’ai été nommé commissaire de l’aéroport de Bobo-Dioulasso où j’ai officié environ quatre ans.

En 1993, j’ai été reçu au concours des officiers de police où la formation a duré deux ans. Après cette formation, en 1995, j’ai été nommé chef de la division de la surveillance du territoire du Burkina où je suis resté un an. A la faveur de la création des quinze nouvelles provinces, j’ai été nommé directeur provincial de la police nationale de Koulpélogo. Je suis resté à ce poste environ deux ans.

De 1998 à 2000 j’étais à l’école nationale de la police pour une formation. 2000-2001, j’ai suivi une formation à l’école nationale supérieure de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or en France. A mon retour en 2001, j’ai été nommé directeur provincial de la police nationale du Bam. J’ai occupé ce poste pendant quatre ans (jusqu’en 2005).

Pendant trois années, j’ai été nommé directeur régional de la police nationale du centre ouest (2005-2008). En 2008, j’occupais le poste de directeur central et du budget de la police nationale du Burkina. Ce poste, je l’ai occupé pendant trois avant d’être mis à la disposition du ministère des transports.

Comment conciliez vos activités de tradipraticien avec celles relatives à vos fonctions dans l’administration publique Burkinabé ?

Pour commencer, je vais souligner le fait que la législation en la matière n’interdiset pas ce genre d’activités. En effet, les textes disent qu’un fonctionnaire peut mener des activités à caractère scientifique, agropastoral…

Cependant, ce n’est pas facile de conjuguer les deux. D’abord, je ne dispose pas de temps pour la collecte de la matière première (racines, écorces, feuilles). Donc j’en achète. Malgré cela, généralement je finis tard car le traitement, la confection et le conditionnement prennent du temps. Mais c’est une activité pour rendre service aux gens, donc je m’y plie. Et comme je continue de faire des travaux de recherche dans ce domaine, le temps me fait défaut.

Comment êtes-vous venu à pratiquer la médecine traditionnelle ?

J’ai hérité de cela de ma mère qui soignait les enfants par les plantes uniquement. Au début, j’avais des réticences avec la médecine par les plantes. Cependant, j’ai toujours pris le soin de noter les recettes de soins que ma mère et les vieilles personnes me donnaient. Aussi, ai-je eu la chance de rencontrer un monsieur qui disposait d’un document sur les soins par les plantes (plus trois mille recettes testées et prouvées) en Afrique de l’ouest. Document qu’il avait eu avec les militaires français au moment de la colonisation. J’avais tous ces traitements mais je ne pratiquais toujours pas. J’ai commencé la pratique de la médecine traditionnelle avec ma belle mère. Elle souffrait d’un diabète et c’est ainsi que je suis devenu tradipraticien.

Sur quoi sont basés vos traitements ?

Nos traitements sont basés sur les feuilles, les racines et les écorces des plantes. Ces traitements se présentent sous différentes formes (forme liquide, forme de poudre, forme de pommade ou de crème). Nous disposons d’une machine pour moudre les décoctions médicamenteuses et nous les séchons à l’ombre pour qu’elles gardent leurs principes actifs.

Avez-vous une posologie pour ces différents traitements ?

Oui, nous respectons une posologie pour les recettes médicinales que nous proposons à nos malades. Sur les présentations de ces recettes, nous mettons la posologie adaptée (la périodicité des prises des médicaments, comment les prendre, le dosage qu’il faut…)

Pouvez-vous nous donner les prix que vous appliquez ?

Pour commencer, nous dirons que la consultation est gratuite. Le coût des traitements diffère en fonction de la maladie, du traitement qu’il faut et de la durée du traitement. Le coût des produits varie donc entre trois mille (3 000) francs pour les cas les moins graves et trois cents mille (300 000) francs CFA pour ceux complexes.

Cependant, nous soulignons le fait qu’il faille que le malade justifie le mal dont il souffre en nous présentant des examens qui attestent ce qu’il dit. Nous ne faisons pas le traitement en nous basant sur les explications du malade.

Etes-vous connu du grand public ?

Nous ne sommes pas beaucoup connu par le grand public. Les malades qui s’adressent à nous, sont généralement recommandés par nos anciens patients. Au stade actuel, c’est le bouche à oreille qui conduit vers nous l’essentiel de nos malades.

Il y a aussi que certains médecins qui savent que nous avons fait nos preuves, nous réfèrent certains de leurs malades.

Pouvez-vous nous citer des exemples de maladies que vous traitez avec succès ?

Nous rencontrons du succès dans les traitements que nous administrons aux patients qui nous consultent. Comme exemple de maladies que nos traitements guérissent, nous avons le diabète, la colopathie, les ulcères d’estomac, les cancers (quand ils sont détectés tôt), les calculs rénaux, les hépatites, l’hypertrophie de la prostate, la fièvre typhoïde, l’hypertension, l’hypotension…

Comment mesurez-vous l’efficacité des traitements que vous soumettez aux malades qui se soignent chez vous ?

Nous avons des fiches que nous avons établies dans l’objectif de recueillir et sauvegarder certaines informations sur nos patients. Nous leur demandons de les remplir et de noter leur niveau de satisfaction. Nous leur demandons surtout de refaire un examen final pour voir si le mal a disparu.

Avec ces fiches, nous faisons nos propres statistiques. Pour certaines maladies comme l’hypertrophie de la prostate, nous avons ainsi la taille au moment où le malade vient à nous et la taille avec laquelle, il repart. C’est de cette manière que nous jugeons nos traitements efficaces.

Etes-vous reconnus par le ministère de la santé ?

Actuellement, nous avons entrepris des démarches auprès du ministère de la santé dans le but qu’il reconnaisse ce que nous faisons. Mais c’est très difficile. En effet, pour chaque recette que nous avons, nous devons déposer cinq échantillons pour les analyses. Et, pour chaque échantillon, nous devons débourser vingt cinq mille (25 000) F CFA. Donc, pour une seule recette, cela nous revient à 125 000 F CFA. Pour dix recettes, nous sommes à plus d’un million de F CFA. Ce qui n’est pas évident.

Aussi, nous demande-t-on de donner la composition exacte de nos recettes, ainsi que leur préparation. Nous ne pouvons pas dévoiler nos recettes. Cette disposition en plus ne s’applique qu’aux tradipraticiens burkinabè. Ce qui explique que beaucoup d’entre nous préfèrent ne pas être reconnus par le ministère de la santé.

Enfin, on nous demande de voir le médecin-chef d’une structure sanitaire et lui proposer un certain nombre de produits qu’il va tester avec des patients. Nous nous sommes donc adressés au centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) de Pissy. Depuis environ six mois, nous n’avons pas encore rencontré le médecin-chef. Nous patientons toujours donc.

Faites-vous partie de l’association des tradipraticiens du Burkina Faso ?

Oui, nous en faisons partie. Nous sommes membre de cette association. Nous avons la carte et cotisons également.

Nous avons cette reconnaissance de nos confrères mais nous voulons aller plus loin car nos produits se vendent à l’étranger également. De ce fait, nous voulons avoir tous les papiers requis afin d’officier de manière plus professionnelle.

Avez-vous des projets ?

Nous en avons. Avec une demande qui croît au quotidien, nous voulons moderniser davantage notre activité. Nous voulons disposer d’équipements adéquats pour le traitement et la préparation des feuilles, écorces et racines. Nous voulons aussi avoir un meilleur conditionnement de nos produits. Finalement, avec la reconnaissance de notre ministère de tutelle, nous pourrons exporter en grande quantité et plus facilement.

Quel est votre mot de la fin ?

Nous remercions Lefaso.net pour l’opportunité qu’il nous offre pour nous faire connaître et parler des difficultés que nous, tradipraticiens, rencontrons dans l’exercice de nos activités.

Interview réalisée par Patindé Amandine Konditamdé

Lefaso.net

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