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MOUSSA KABORE, Magistrat et membre du Syndicat autonome des magistrats burkinabè (SAMAB) : « Les citoyens ont perdu confiance en leur justice, mais il faut que ça change »

Publié le mardi 26 mars 2013 à 22h02min

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MOUSSA KABORE, Magistrat et membre du Syndicat autonome des magistrats burkinabè (SAMAB) :         « Les citoyens ont perdu confiance en leur justice, mais il faut que ça change »

Les 28 et 29 mars 2013, le SAMAB, syndicat autonome des magistrats burkinabè célèbre ses trente ans d’existence. A cette occasion, le juge Moussa Kaboré se prononce sur l’état de la justice au Burkina et sur les activités au programme de la célébration de ce 30e anniversaire.

Lefaso.net : Comment se porte la justice burkinabè aujourd’hui, selon vous ?

Moussa Kaboré (M.K) : La justice burkinabè ne va pas très bien. Elle est incomprise. Elle a des difficultés à rendre des décisions dans les délais raisonnables. Enfin, elle est contestée. Les populations aujourd’hui n’ont pas confiance en la justice et il faut que cela change.

Le faso.net : Y a-t-il des raisons de croire en elle, en son indépendance et en sa capacité à dire le droit ?

M.K : Je crois que la justice, contrairement à l’entendement, a une certaine indépendance. Au point de vue technique notamment. Mais, au-delà des textes, il faut que les magistrats s’assument. Parce que lorsqu’un magistrat décide de faire plaisir à un Homme politique par exemple, ce n’est pas du point de vue des textes que cela lui est imposé. Donc l’indépendance de la justice, c’est une question de textes certes, mais c’est aussi une question de personnalité du magistrat qui doit prendre la décision définitive. Et au-delà, il faut savoir que le magistrat, quand bien même il serait courageux, il a aussi des gens autour de lui ; il a une famille ; il a sa carrière à protéger. De sorte que dans ses prises de décision, il faut qu’il se sente soutenu. Bien entendu, il y a le soutien de ses collègues, mais au-delà il y a aussi le soutien des populations. Parce qu’on a jamais vu par exemple les populations soutenir un magistrat parce qu’il aurait rendu une décision qu’il pense juste et indépendante par rapport aux pressions qu’il a pu subir. Donc l’on peut espérer une justice indépendante dans les brefs délais. Je pense même que cette justice indépendante existe déjà. Quand bien même les délais ne sont pas toujours raisonnables.

Lefaso.net : Le fait que le Président du Faso soit le Président du Conseil supérieur de la magistrature, n’est-ce pas une manière de mettre la pression sur la justice et chercher à l’orienter ?

M.K : En soi le fait que la Conseil supérieur de la magistrature (CSM) soit présidé par le Président du Faso n’est pas un problème. Parce que le Président du Faso est en principe au-dessus de la mêlée. Il ne doit pas avoir des préoccupations partisanes et des intérêts autres que ceux du pays. Donc, il ne devrait pas y avoir de problèmes lorsque ça fonctionne bien. Mais lorsque l’on laisse les intérêts autres prendre le pas sur les intérêts communs, c’est peut-être là qu’il y a problème. Sinon de mon point de vue, le fait que le Président du Faso soit le Président du CSM ne change en rien l’indépendance de la justice. On pourrait bien supprimer la participation du Président du Faso aux travaux du CSM, mais je ne pense pas que ce soit cela le problème. Parce que lors des travaux du CSM, la décision se fait par vote. Mais si ceux qui participent prennent des décisions pour faire plaisir, je pense que c’est là qu’il y a aura problème.

Lefaso.net : A compétences égales les juges acquis ont-ils toujours la priorité ?

M.K : Je ne sais pas ce que vous entendez par juges acquis. Parce que lorsque l’on parle de juges acquis, acquis à quoi ? Acquis à qui ? Acquis au Droit ? Acquis à une personne ? Acquis à un système ? Je ne sais pas de quoi l’on parle. Mais toujours est-il que cette phrase prononcée par l’ancien ministre Badini je crois, si elle est sortie de son contexte, peut prêter à équivoque et à interprétation. Toujours est-il que de mon point de vue, il n’y a pas de magistrat qui soit privilégié par rapport à d’autres dans l’affectation des dossiers ou des postes qui sont occupés.

Peut-être que si vous me précisez qui est juge acquis et qui ne l’est pas, ou les structures qui pourraient être acquises ou pas, peut-être alors pourrais-je apporter une réponse précise.

Lefaso.net : Sous quel signe le SAMAB place-t-il la célébration de son trentième anniversaire ?

M.K : Ce 30e anniversaire du SAMB est placé sous le signe de l’indépendance de la justice. Mais, aussi sous le signe de la redynamisation des militants et des stratégies de lutte pour améliorer la qualité du service public de la justice.

Lefaso.net : Quelles sont les activités saillantes au programme ?

M.K : Les activités saillantes au programme, c’est un match de football qui, il faut le noter, n’est pas une activité nouvelle puisque nous la tenons régulièrement, entre les différents acteurs de la justice, la police nationale, la police municipale, la justice militaire… Sinon ce qui peut être tenue comme activité phare, c’est le panel que nous organisons sur comment renforcer l’indépendance de la justice, du point de vue du parlement et de la société civile. Ensuite, il y a des activités secondaires qui sont prévues autour d’œuvres sociales.

Lefaso.net : Trente ans après sa création, comment le SAMAB analyse-t-il sa contribution à l’édification de l’Etat de droit au Burkina ?

M.K : Depuis toujours le SAMAB a contribué à l’instauration de l’Etat de Droit au Burkina. Parce que déjà arriver à imposer le syndicalisme judiciaire c’est une avancée. Ensuite lorsque des magistrats ont été radiés, ‘’dégagés’’, le SAMAB a contribué à leur réintégration. Et au-delà, au niveau même de l’élaboration de la constitution de 1991, le SAMAB a contribué par le biais de son premier Secrétaire général, qui était Halidou Ouédraogo.

Lefaso.net : Un appel en direction des justiciables ?

M.K : A l’endroit des justiciables, c’est déjà de venir participer au panel. Cela leur permettra de comprendre pourquoi les décisions ne sont pas toujours ce qu’ils attendent et pourquoi les délais sont parfois aussi longs. Et également comprendre comment ils peuvent contribuer à l’amélioration du service public de la justice au Burkina.

Ensuite, si j’ai un appel à lancer, c’est à plus de compréhension et de patience. Et de rappeler par la même occasion que l’usage de la violence lorsqu’on n’est pas d’accord avec des décisions de justice, n’est pas la bonne voie. Parce qu’en usant de la violence on se met soi-même en marge de la loi.

Interview réalisée par Juvénal SOME

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