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Côte d’Ivoire : Les faucons baisseront-ils la tête ?

Publié le lundi 27 décembre 2004 à 07h53min

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Comme on le sait, le parlement ivoirien vient de rejeter le projet de loi sur l’organisation d’un référendum en Côte d’Ivoire. Ce projet de loi organique qui nécessitait, pour son adoption, les suffrages des deux tiers des parlementaires, n’a recueilli que 108 voix pour alors que 89 députés se sont abstenus.

Cette loi portant modification de l’article 35 de la Constitution sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République avait pourtant été adoptée à l’unanimité en commission dans l’espoir qu’elle sera promulguée par décret présidentiel.

Par ce vote, le parlement vient de s’inscrire en faux contre les intentions de Gbagbo de soumettre à référendum toute modification de la Constitution. Par cet acte qui a fait capoter (provisoirement) la volonté présidentielle, les parlementaires (notamment ceux de l’opposition), refusent donc, sans équivoque, que cette révision soit sanctionnée par scrutin référendaire. "Nous estimons qu’en votant cette loi, nous aurions donné un aval au président de la République pour organiser un référendum sur l’article 35. Ce qui n’est pas notre souhait compte tenu du contexte politique".

C’est ce qu’a déclaré un député, poids lourd du PDCI. Ce vote- sanction est d’abord un désaveu cinglant de la politique de Gbagbo. Il est ensuite la preuve d’une certaine maturité politique des parlementaires qui ont su prendre la juste mesure des aspirations de la majorité des Ivoiriens à la paix. Il est enfin la manifestation d’une prise de conscience du danger que représente l’itinéraire suicidaire emprunté par les élucubrations extraparlementaires d’un Blé Goudé. Mieux, les députés ont dû faire avaler leur salive à Simone Gbagbo, la présidente du groupe parlementaire FPI et à Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée, tous deux gardiens du temple de la politique d’exlusion de ceux qui tiennent les leviers du pouvoir d’Etat.

Bien entendu, le président Gbagbo qui ne l’entend pas de cette oreille, a répliqué en affirmant que "ni le président de la République ni le parlement n’ont compétence pour modifier l’article 35 de la Constitution. Eux, ils peuvent dire au peuple : "Nous t’amendons le texte ou bien nous le bloquons ". En faisant de ces allégations son bréviaire, Laurent Gbagbo entend réintroduire le projet au parlement pour un second examen en espérant que cette fois-ci, il passera comme une lettre à la poste.

Laurent Gbagbo, certainement inconscient de l’usure de son propre pouvoir, rêve de gagner le parlement à l’usure dans une guerre entre légalistes et antilégalistes. En s’arc-boutant coûte que coûte sur la légalité que lui confère la Constitution, le président ivoirien feint d’ignorer que cette légalité, pour être comprise et défendue, a besoin du socle de la légitimité populaire. Un capital que Laurent Gbagbo a perdu depuis belle lurette.

Néanmoins, Gbagbo ne désespère pas de gagner la partie qui l’oppose à ses adversaires politiques. Il n’a peut-être pas tort car de sursis en sursis, il a toujours su exploiter les hésitations et les contradictions de la communauté internationale pour faire perdurer le feuilleton de sa pérennisation au pouvoir. Comme le disait un homme politique français, "d’intérim en intérim, M. Poher (Président du Sénat), finirait par avoir son septennat".

Une perspective qui est loin d’être utopique quand on sait que les sanctions de l’ONU qui devaient intervenir le 15 décembre dernier, ont été reportées jusqu’au 10 janvier. Du reste, ce projet de sanctions édictées par la résolution 1572 du Conseil de Sécurité et dont l’ échéance a été différée est en fait le reflet des désaccords au sein des instances de l’ONU. Ces divergences sont d’autant plus lourdes de conséquences qu’elles sont le fait de certains membres permanents du Conseil de sécurité, détenteurs du droit de veto.

Tandis que les Etats-Unis militent en faveur de sanctions immédiates contre la Côte d’Ivoire en raison de l’inachèvement des réformes politiques prévues par les accords de Marcoussis et d’Accra, la France, omniprésente militairement et économiquement dans ce pays, égrène les chapelets de la "temporisation" pour voir la suite des événements. Tout se passe comme si Paris n’avait pas suffisamment vu les humiliations diplomatiques infligées à ses émissaires, l’évacuation forcée de ses ressortissants et l’agression militaire qui s’est soldée par la mort de neuf éléments de la force Licorne.

Quant au président Tabo Mbéki dont l’ONU attend les conclusions de son rapport pour décider des sanctions, il s’oppose à toute forme de mesures coercitives imposées par l’ONU en arguant qu’elles n’auraient pas plus de chance en Côte d’Ivoire qu’au Zimbabwe . S’il est vrai que les sanctions édictées par l’ONU ont souvent plus frappé les populations que les dirigeants, il convient tout de même de reconnaître que la situation en Côte d’Ivoire n’est pas comparable à celle du Zimbabwé. Le Zimbabwe n’est pas en état de guerre généralisée.

Les populations ivoiriennes vivent déjà un régime d’embargo et de privations du fait de la crise. Et cette situation qui perdure met les dirigeants dans une situation confortable qui leur permet de se constituer un trésor de guerre pour continuer de se mettre à l’abri du besoin. Ce ne sont certainement pas les populations ivoiriennes qui pâtiraient d’un embargo sur les armes, d’un gel des avoirs et d’une interdiction de voyager des barons du régime.

D’ailleurs, pendant que la communauté internationale disserte sur la nature du traitement à infliger au régime de Gbagbo, ce dernier en a profité pour déployer une intense activité diplomatique et faire du marketing politique auprès des capitales occidentales. D’où cette valse hésitation à propos de cette crise et qui donne l’impression que finalement, tout le monde est en panne de volonté politique. Reste à savoir jusqu’où ira le parlement dans son refus de cautionner l’entêtement de Gbagbo à n’appliquer que les dispositions de la Constitution qui l’arrangent.

En effet, il entend prouver par le recours au référendum, donc à la consultation populaire, qu’il est plus légaliste. Mais à l’inverse, on peut rétorquer que le parlement étant une émanation et une expression achevée de la volonté populaire, Gbagbo devrait se plier aux décisions de ce dernier. Refuser un tel geste sublime équivaudrait pour Gbagbo, à mettre à nu son comportement de despote qui, comme tel, devrait l’inciter à céder son fauteuil. Avec la sanction du parlement, on peut dire que le roi Gbagbo est désormais nu.

En tout cas, sa marge de manoeuvre est étroite au moment où le parlement semble avoir brisé les derniers ressorts de sa volonté de le prendre en otage. En effet, que se passera-t-il si d’aventure Gbagbo sautait le pas en organisant le référendum ? Il consacrerait de fait la partition du pays. Telle n’est pas l’intention du président qui avait envoyé son aviation pour récupérer la partie nord du pays. Raison de plus pour que la communauté internationale maintienne et accentue la pression sur un pouvoir qui semble avoir joué sa dernière carte, quand bien même avec Gbagbo, il ne faut jurer de rien.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 janvier 2005 à 14:12 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Les faucons baisseront-ils la tête ?

    Je trouve tous vos articles partiaux, je souhaiterais que vous critiquiez un peu alassane qui est selon beaucoup d’ivoirien à ’origine de cette crise, il est le père de la rebellion ivoirienne.
    Quand à votre président qui est mariée à une ivoirienne, il devrait savoir qu’on le respect à ses beaux parents.

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