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RDC : La mort prématurée de Manda Mobutu met un point final à l’histoire du "Zaïre"

Publié le vendredi 24 décembre 2004 à 12h06min

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L’histoire du Zaïre se résume, essentiellement (et dramatiquement), à l’histoire de Mobutu. C’est le dimanche 7 septembre 1997 qu’est mort, à Rabat, au Maroc, celui qui avait régné sur ce pays pendant de longues décennies.

Manda Mobutu, dont on aimait à dire qu’il était le chef du clan Mobutu après la mort de son père, vient à son tour de mourir, le samedi 27 novembre 2004 (à quelques jours près, 39 ans après la "Révolution" du 24 novembre 1965). Prématurément. Il avait 44 ans. Il était considéré comme "le moins controversé et le plus lucide" des fils de l’ex-marécha1-président. La cérémonie religieuse à Saint-Honoré-d’Eylau et l’inhumation au cimetière du Montparnasse ont lieu le vendredi 3 décembre 2004.

Manda était né en 1959, en Belgique. Sa mère, Marie-Antoinette Gbiatibwa Gogbe Yetene (Mama au temps de la "Révolution" dont elle sera "compagnon "), avait été donnée en mariage à Joseph-Désiré Mobutu le 26 juin 1955. Elle avait à peine 14 ans ; elle était enceinte de son premier enfant, Jean-Paul (qui sera connu, au temps de "l’authenticité", comme Nyiwa) naîtra le 17 décembre 1955. Mobutu est alors sergent à la Force publique qu’il quittera un an plus tard, après y avoir servi pendant sept ans.

Alors qu’il travaille à "Actualités Africaines", il va être envoyé, en 1958, à l’Exposition universelle de Bruxelles ; il y reviendra en 1959 ayant obtenu une bourse pour l’Institut des sciences sociales. C’est là que va naître Manda. Au total, Mama aura quatre garçons et cinq filles pendant les vingt-deux années d’union avec Mobutu.
Manda va vivre loin de l’agitation qui va marquer la vie du Congo ex-Belge puis du Zaïre, loin de la "Révolution" du 24 novembre 1965.

Il fera ses études en Belgique puis en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Il reviendra à Kinshasa au début des années 1980. Il a vingt ans. Son père décide de lui faire donner une instruction militaire. Il va entrer dans l’armée où il restera pendant six ans et suivra les cours de l’Ecole d’officiers de Kananga dont il sortira, en 1986, avec le grade de sous-lieutenant.

Sa mère est morte près de dix ans auparavant ; elle a été inhumée au cimetière de la Gombe, à Kinshasa, le 27 octobre 1977 (elle avait 36 ans !). Mobutu a épousé, entre temps, la citoyenne Bobi Ladawa (dont il avait eu quatre enfants du vivant de Marie-Antoinette).

"Dégagé de ses obligations militaires", Manda va s’adonner au business, version zaïroise. La journaliste belge Colette Braeckman, qui connaît mieux le Zaïre que quiconque, dressera dans ses livres un portrait en demi-teinte de Manda qu’elle présentait comme le plus "turbulent" des fils Mobutu (c’était avant les frasques du cadet, Kongolu) : commerce avec l’Afrique du Sud de l’apartheid ; trafic d’animaux sauvages (notamment d’okapis), de passeports, d’armes, etc... Rien que de très banal dans le Zaïre des années Mobutu (et, plus encore, des années suivantes).

Manda, qui n’avait pas le même sens des nuances que les Belges, affirmait que le Zaïre étant "un pays dont les potentialités sont immenses, on passe facilement d’un secteur à l’autre, de l’or aux diamants, du café aux transports. Disons que j’ai touché à beaucoup de domaines". Il s’occupera, également, des affaires familiales à Gbadolite, le fief des Mobutu dans la province de l’Equateur, au nord du Zaïre. Du business mais pas de politique. Par pragmatisme. Il soulignera, après la chute de son père, qu’il avait préféré se "tenir en retrait".

Son frère aîné Nyiwa est mort le 17 septembre 1994
à l’hôpital Bichat, à Paris. Il n’avait pas encore quarante ans. Konga, un des cadets de Manda, lieutenant dans l’armée zaïroise, est mort l’année suivante, en 1995, en Belgique (Kongolu, dit "Saddam Hussein", qui restera, les armes à la main, très proche de son père jusqu’à sa chute - il était chargé de sa protection rapprochée -, mourra après lui). C’est dire qu’à la veille de l’effondrement du régime Mobutu, Manda aurait été bien seul s’il avait occupé une fonction essentielle dans le système politique de Mobutu.

Mais ce n’était pas le cas ; c’est sa soeur, Ngawali qui, pendant les années de braise (1990-1996), puis les années de feu (1996-1997), va jouer un rôle majeur auprès de son père. Nyiwa avait longtemps été considéré comme l’héritier. Ambassadeur itinérant, représentant personnel du chef de l’Etat, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères puis à la Coopération internationale, il traitait, pour le compte de son père, les dossiers diplomatiques strictement confidentiels ; il était le conseiller diplomatique de Mobutu.

Après sa mort, Ngawali va lui succéder comme conseiller personnel et diplomatique du chef de l’Etat. Diplômée en relations internationales de l’université de Washington, basée à Paris où elle est très introduite dans les milieux politiques, elle s’occupera de tous les problèmes de relations extérieures du Zaïre, notamment l’axe (majeur) Washington-Paris-Bruxelles.

Mariée à un homme d’affaires ivoirien, Serge M’Bayia Blé (son père, Kouadio, directeur d’école publique au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, a été notamment ministre des Forces armées), elle a été très proche de Edouard Mokolo Wa Mpombo qui a été pour Mobutu ce que Jacques Foccart était pour De Gaulle : l’homme des missions secrètes.
A la mort de Mobutu, Manda a trouvé en face de lui un de ses demi-frères : Nzanga, fils aîné de Bobi Ladawa, qui était le porte-parole de Mobutu pendant la guerre de 1996.

Nzanga a épousé Olofio, la fille du patron des patrons, Bemba Saolona ("gestionnaire" des entreprises du groupe Mobutu) et soeur de l’ex-leader rebelle Jean-Pierre Bemba. Nzanga a été beaucoup plus impliqué dans les dernières années de Mobutu (et, du fait de sa belle-famille, dans les années de l’après-Mobutu son beau-père ayant rejoint le gouvernement de Kabila quand son beau-frère menait une des oppositions armées avant de rejoindre Kabila-fils).

Chef de file des "marocains" de la famille (installée à Rabat où Mobutu avait été accueilli après sa fuite), il est retourné à Kinshasa en novembre 2002 à la suite d’une négociation avec Kabila Junior. Un an plus tard, en novembre 2003 (novembre est symbolique chez les Mobutu : c’est le mois de la "Révolution ") c’est Manda qui, à son tour, débarquait à Kin, accompagné de sa femme, Lola Mozagba, fille d’un ancien commissaire d’Etat (ministre) et membre du bureau politique du MPR.

Un retour préparé de longue date. Le 7 septembre 1997, Mobutu meurt à Rabat. Et la situation en RDC est loin d’être stabilisée ; tout est encore possible. Première étape : l’inventaire selon Manda. Côté + : le sentiment national développé par Mobutu empêchant, pendant de longues années, l’implosion du Zaïre. Côté - : l’impunité d’élites prédatrices. Cela va tenir un certain temps jusqu’à la maladie, l’éloignement puis le découragement du "chef’, abandonné et trahi. Résultat en six lettres : Kabila !

Manda voulait, dès 1998, créer un "rassemblement" capable de récupérer la "dynamique" qui avait été existée, autrefois, autour de la personne de Mobutu version années 1970 ("la fierté nationaliste "). Il se donnait "quatre ou cinq" ans pour "voir, apprécier et analyser" avant de se décider à affirmer son ambition présidentielle.

En 1999, le Rassemblement national populaire (RNP) était créé. Manda voulait que les Congolais arrêtent d’être "les spectateurs de leur propre drame ". Il tenait, d’ailleurs, un discours cohérent sur le passé et le présent de son pays, c’est-à-dire le Zaïre et la RDC. Sans langue de bois ; sans hypocrisie. Et, surtout, avec intelligence. Il était revenu à Kin après la mort de Kabila et la mise en place des vice-présidents (formule "invivable" disait-il). Y avait-il un avenir politique ?

La question essentielle est de savoir si la RDC a un avenir. Et si cet avenir peut être forgé par un homme politique. Une certitude : ce ne sera pas un fils de Marie-Antoinette et de Joseph-Désiré Mobutu. Le livre vient d’être refermé.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 12 octobre 2006 à 15:21, par Carly Kanyinda (journaliste congolais) En réponse à : > RDC : La mort prématurée de Manda Mobutu met un point final à l’histoire du "Zaïre"

    Je suis personnellement émerveillé par le style du texte qui est un récit rappellant notre histoire récente. Savoir que nous venons de vivre l’effondrement d’une des célèbres dynasties africaines avec la mort de Manda Mobutu dans une sorte d’imaginaire social inconscient, donne un effet particulier de sursaut. L’exemple se juxtapose aux cas connus des autres dynasties ayant existées. On en arrive à en conclure sur la vanité de l’abus du pouvoir. Si le clan Mobutu, qui a connu des fastueuses heures de gloire rares au monde, finit aussi sombrement, est-il encore payant de tenter une nouvelle expérience ? Au successeurs d’en tirer des leçons. Comment comprendre que les ultimes tentatives de repositionnement de Manda Mobutu pour se replacer dans le nouvel environnement politique ne lui ont pas donné sa chance ? Le chef de clan est mort après avoir souffert de la mort de sa chère mère, ses deux frères et son père, mais aussi après avoir retrouvé la terre de ses ancêtres que tout son clan avait commencé à détruire. C’est finalement le clan lui-même qui s’en trouvait entièrement dépouillé. Cependant, reste à souligner que si le chef de clan est mort, les autres membres sont encore là. Il incombe à eux de saisir la chance qui n’a pas souri à leurs illustres défunts pour se refaire la valeur ajoutée et payer l’oppobre. En attendant, personne n’ose crier : le roi est mort, vive le roi !

  • Le 12 octobre 2006 à 15:27, par Carly Kanyinda (journaliste congolais) En réponse à : > RDC : La mort prématurée de Manda Mobutu met un point final à l’histoire du "Zaïre"

    « Quelle leçon tirer de cette fin de la dynastie ? »

    Je suis personnellement émerveillé par le style du texte qui est un récit rappellant notre histoire récente. Savoir que nous venons de vivre l’effondrement d’une des célèbres dynasties africaines avec la mort de
    Manda Mobutu dans une sorte d’imaginaire social inconscient, donne un effet particulier de sursaut. L’exemple se juxtapose aux cas connus des autres dynasties ayant existées. On en arrive à en conclure sur la vanité de l’abus du pouvoir. Si le clan Mobutu, qui a connu des fastueuses heures de gloire rares au monde, finit aussi sombrement, est-il encore payant de tenter une nouvelle expérience ? Au successeurs d’en tirer des leçons. Comment comprendre que les ultimes tentatives de repositionnement de Manda Mobutu pour se replacer dans le nouvel environnement politique ne lui ont pas donné sa chance ? Le chef de clan est mort après avoir souffert de la mort de sa chère mère, ses deux frères et son père, mais aussi après avoir retrouvé la terre de ses ancêtres que tout son clan avait commencé à détruire. C’est finalement le clan lui-même qui s’en trouvait entièrement dépouillé. Cependant, reste à souligner que si le chef de clan est mort, les autres membres sont encore là. Il incombe à eux de saisir la chance qui n’a pas souri à leurs illustres défunts pour se refaire la valeur ajoutée et payer l’oppobre. En attendant, personne n’ose crier : le roi est mort, vive le roi !

  • Le 5 janvier 2022 à 16:59, par Houessinon Honoré En réponse à : RDC : La mort prématurée de Manda Mobutu met un point final à l’histoire du "Zaïre"

    Oui ! J’affirle ma fiereté pour le marechal J-D MOBUTU => Homme ambitieux,pour son pays...avexnc son répondant du tac au tac aux affres des occidentaux...Union De Prières pour notre continen...pillé a vau-l’eau - RÉVEIL de nos chefs D’ÉTAT S en dépend...DIEU au contrôle...🙏🙏🙏

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