LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

« Images choquantes » dans les médias : La question divise, en France comme au Burkina

Publié le dimanche 24 février 2013 à 21h00min

PARTAGER :                          
« Images choquantes » dans les médias : La question divise, en France comme au Burkina

Du 17 au 24 décembre 2012, le journal burkinabè « Le Quotidien » fut suspendu par le Conseil supérieur de la communication pour avoir publié des « images choquantes ». Le 1er février 2013, au détour d’un communiqué de presse, le CSC se dit indigné par la publication d’images macabres par le bimensuel L’Evènement dans un article sur les tueries intervenues à Zabré. Tout comme au Burkina, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de France vient de mettre en garde la télévision TF2 pour diffusion d’images violentes sur la guerre au Mali. Il n’en fallait pas plus pour déchainer les plumes des éditorialistes. Comme au Burkina, la question divise les professionnels des médias.

La guerre au Mali a focalisé les objectifs des caméras du monde entier sur ce pays. Mais, depuis le début du conflit, les chaines montraient très peu d’images des combats. Elles ont subitement décidé de sortir de ce silence, avec malheureusement des séquences portant atteinte à la dignité humaine.

Jeudi 7 février, « Envoyé Spécial », sur France 2, montre des cadavres en décomposition au fonds d’un puits et l’image, en gros plan, d’un corps calciné dont il ne restait plus que les membres inférieurs.

Le dimanche 10 février, c’est TF1 qui prend le relais. Dans le 20 heures, le sujet consacré au conflit malien s’ouvre sur le bras d’un homme abandonné sur le sable. Il y a de quoi choquer bien des âmes sensibles.

Pourtant, dans les deux cas, les télévisions ont scrupuleusement respecté les procédures. TF2 avait pris le soin de mettre en place une signalétique tandis que Claire Chazal, la présentatrice de TF1 a prévenu les téléspectateurs qu’ils allaient être confrontés à des images très violentes. Mais, le respect de la procédure suffit-il à protéger les téléspectateurs qui regardent ces différentes chaines ? Peut-on parler de violation de l’éthique et de la déontologique journalistique ? Pas si sûr.

« Inutile de choquer pour choquer »

Ce qui est plus évident par contre, c’est que la responsabilité sociale du journaliste est engagée. En tous les cas, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) estime qu’il est inutile de choquer pour choquer et de verser dans la gratuité car « la diffusion d’images chocs n’est tolérée que lorsqu’elle est nécessaire au traitement de l’information ».

En se référant aux cas de « Le Quotidien » et « L’Evènement » au Burkina, les deux régulateurs français et burkinabè semblent être sur la même longueur d’onde.

Le CSC avait regretté en son temps le fait de présenter des images non floutées d’enfants brûlés au 3e degré, nommés dans Le Quotidien, tout comme ces corps en putréfaction de Zabré où les victimes étaient nommées dans L’Evènement.

Interrogée sur le sujet, l’enseignante du centre d’études supérieures des techniques de l’information (CESTI) de Dakar, Eugénie Aw avait qualifié la publication de ces images de manque de professionnalisme.

Les professionnels des médias allergiques à la critique

Mais, les auteurs de ces publications et bien d’autres avaient laissé entendre que la loi burkinabè est muette sur les questions d’images. D’autres en étaient venus à qualifier de « délits imaginaires », la question d’images choquantes lorsque le régulateur burkinabè avait tapé du poing sur la table.

En France, c’est quasiment pareil. Les éditorialistes ont affuté leurs plumes pour tirer à boulets rouges sur le CSA. En tous les cas, la mise en garde de France 2 par le régulateur français n’est pas du goût de la plupart des professionnels des médias de l’Hexagone. « Le CSA n’est pas fondé à s’ériger en censeur d’images », estiment les éditorialistes. « De quoi se mêle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ? Depuis des semaines, les photographes et cameramen se démènent pour tenter de rapporter des images de cette guerre du Mali où les autorités françaises et maliennes contrôlent abusivement l’information, reléguant les journalistes loin des zones de combat, encadrant étroitement leur travail, faisant tout pour transformer les reportages en opérations de communication », lance Alain Genestar, directeur de Polka Magasine, dans le journal Le Monde du 20 février 2013.

« Mais de quelles limites s’agit-il ? De quelles exigences ? Au nom de quelle conception de l’information ? Et de quel droit un organisme de régulation s’érige-t-il en gardien du bieninformer, en censeur ? », assène-t-il.

Flouter les visages

Tout comme le CSC en ce qui concerne les cas vécus au Burkina, en France, le CSA considère qu’il est nécessaire de flouter les images des victimes. Ce qui n’était pas le cas. Malgré les protestations des uns et des autres, le fait que le CSA se saisisse de cette question sensible aura des conséquences immédiates : les télévisions, se sentant surveillées, regarderont à deux fois avant de diffuser des images aussi épouvantables que dégradantes de la guerre au Mali.

Il est grand temps que les lois en matière d’information soient assez explicites sur ces questions afin d’éviter des abus de part et d’autre (régulateur et journaliste).

Moussa Diallo
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique