LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Mythes, rites, récit initiatiques : à la découverte des chasseurs traditionnels

Publié le lundi 27 décembre 2004 à 10h46min

PARTAGER :                          

La saison de chasse 2004-2005 au Burkina bat son plein. Occasion pour l’APROCAT de nous conduire dans la confrérie des chasseurs traditionnels...

L’histoire de la chasse dans les savanes soudanaises comme celle de l’origine de la confrérie des chasseurs mandingues, serait liée à celle d’un peuple, les Kakoro ou Kakolo. Cette confrérie des chasseurs a joué de tout temps un rôle prépondérant dans tous les domaines : historique, politique, social, économique, religieux et culturel.

Les chasseurs, qui, dans leur code moral prêche la fraternité universelle, l’entraide, le respect dû à la mère, au père ; à tous les faibles, à tous les hommes, quelle que soit leur origine sociale, tous ceux qui disent oui à l’honneur et non à l’asservissement.

Tout homme quel que soit son âge, son ethnie, sa caste, sa religion, peut devenir chasseur s’il accepte les règles sociales et la mystique de la confrérie. Seule hiérarchie : le degré d’ancienneté depuis l’initiation. Si le fils est initié avant le père, le père devra le respect à son fils, comme le maître respectera l’esclave initié avant lui.

La naissance de la confrérie des chasseurs "Dozo Toon"

A l’origine de la confrérie, le mythe Sansané est le mythe fondateur des chasseurs. Le Dozo Toon est un mouvement de contestateurs. A travers ce mythe, se lie une page les plus sombres de l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. Elle raconte l’intolérance des aristocrates du Wagadu (ancien empire du Ghana) qui croyaient que leur culte, leur système de penser, leur manière d’agir étaient les seuls valables, et qui les avaient imposés aux Kakolo (premier habitant) qu’ils dominaient. Ceux-ci, voyant leurs Us & Coutumes foulées aux pieds par les Sononké, par réaction contre cette domination, s’organisèrent en société des chasseurs (Dozo Toon).

Le Dozo Toon est un mouvement protestataire qui s’est étendu selon la tradition des chasseurs à toute l’Afrique de l’Ouest. Tous ceux qui disent oui à la fraternité universelle, à l’entraide, sont des frères.

C’est au XIIIème siècle que les chasseurs sortent définitivement de la légende en définissant eux-mêmes les bases sur les quelles ils fondent leur société. La “Charte du Manden” qui s’est conservée jusqu’à nous, constitue une véritable “Déclaration des droits de l’homme”, précédant de plus 500 ans les principes du XVIIIème siècle européen (1).

Mythe et Rites

L’activité principale de la confrérie est la chasse. Mais la célébration des rites Kakolo ancien (fukutikè) qui est le fameux cercle sacré qu’on appelle le cercle de guerre est tracé sur le sol en forme de triangle. Autrefois, le cercle sacré tracé était dirigé à l’entrée d’une grotte ou à proximité d’une mare (lieu de culte), où on élevait des pierres taillées qu’on trouve sur toutes les attitudes depuis le Sahara jusqu’au niveau de la Guinée.

Devant ces lieux de culte se formait un triangle, le “ dankun ” d’où part trois chemins qui divisent le territoire, l’espace ; un espace donné en trois domaines. :
- 1. lieu habité (Dugu) où règne un chef de village ;
- 2. l’espace cultivé (Konko) où sont les champs, placé sous l’autorité du premier occupant de la terre ;
- 3. la brousse sauvage (Wula), un culte, où vit les gibiers, lieu où le commun des mortels ne peut s’aventurer et qui a pour chef le Dozo-bâ (chef des chasseurs). Voilà le trépied ou les trois autorités de la société malingué.

Dans tout village, vous avez un chef de village. Le chef de village peut être le descendant de celui-là qui a signé un pacte avec les génies des lieux (Dugu dasiry), ou un conquérant qui a enlevé l’autorité de l’administration des hommes à ses descendants du premier fondateur. En pays Mossi, le Moogho Naaba ne détrône pas le Têng-soba ou Dugu kolo tigui (chef de terre) du village qu’il a conquit. C’est la règle dans toute l’Afrique de l’Ouest. La fonction du Têng-soba (chef de terre) en Afrique de l’Ouest est une fonction intangible, indétrônable.

C’est dans l’espace Dankun (le triangle sacré) que les chasseurs célèbrent les grands cultes pour se débarrasser de tous les maux, les tensions et autres pour la pureté du village. On passe par le Dankun avant de jeter tous les “ objets ” dans la brousse pour la paix dans le village. Les chasseurs traditionnels passent également par le Dankun pour demander pardon aux arbres (pour leurs fruits, écorces, etc.), au sol, à la plante (blessé par la culture) pour y opposer la force vengeresse de végétale ; il en est de même pour la brousse, aux gibiers abattus en brousse et tous autres qui ont été offensé par leur activité on passe par le Dugu dankun-bâ.

Le chasseur traditionnel est écologiste. Ils n’abattent pas un vieux mâle qui est le guide du troupeau, ni une femelle en gestation. Voilà le grand culte qui est à l’origine de la naissance de la confrérie des chasseurs. Si on avait respecté toutes ces valeurs traditionnelles, nous aurions préservé beaucoup de maux tel que la désertification.

Récits initiatiques

Quand on parle de chasseurs traditionnels (Dozo), on parle souvent de Bôly (fétiches). Le fétiche des chasseurs est une réaction à l’islamisation. Au loin qu’on puisse remonter à la confrérie des chasseurs traditionnels, les "Bôly" sont des autels consacrés sur lesquels on priait (faire des sacrifices) pour la postérité du village et de la brousse.

Les grands chasseurs pour officier portent de nombreux miroirs[L’étoile du buffle (Sigui lolo)], amulettes qui symbolisent la robe du buffle sacré qui est le Damba. Le buffle est un animal céleste pour les chasseurs.
Le mythe fondateur du Bôly est le "Wokolony" (nains de brousse) : le lutin.

Grâce à leur sifflet mystique (les chasseurs traditionnels utilisent également des sifflets), les Wokolony ont domestiqué les grands animaux de chasse. On leur attribue des qualités : certains on de grandes oreilles jusqu’aux chevilles, d’autres des œils sur tout le corps (pour dire qu’ils voient tout), etc. C’est pour dire que les Wokolony sont vigilants a tous les points de vue. Ils savent tout, entendent tout, voient tout et contrôle tout. On attribut toutes ses qualités au Bôly des chasseurs traditionnels (Dozo). On dit également que les Wokolony sont sans placenta, pour dire qu’ils n’ont pas de patrie. Ils errent partout dans le monde.

Les chasseurs traditionnels ont aussi les attitudes des nains (les lutins) de la brousse qui n’ont pas de frontière. Pour les chasseurs, leur patrie c’est la brousse. Avec son fusil antique, son costume en “ bogolan ” recouvert de gri-gri, mais aussi ses aspirations égalitaires et sa parole libre, il traverse toutes les frontières. Le bonnet et la tunique avec beaucoup d’amulettes du chasseur sont “ un laissez-passer international ” pour lui.

La cérémonie religieuse des chasseurs

Kamélé dolo : Jusqu’ici dans la haute Vallée du Niger, les chasseurs qui veulent abattre un gibier "noir" (antilope, lion, éléphant et autres), s’adressent au Dankun (fétiche protecteur) pour que la chasse lui soit propice au cours d’une année qui débute. Ils promettent pour cette occasion de faire des sacrifices de grâce au nom de ses ancêtres si ses vœux sont exaucés. Pour ce faire, ils organisent le Kamélé dolo (bière de mil du jeune) et invitent parents et amis pour une fête de réjouissance où on danse et chante les hymnes au rythme des sons de tam-tam, kora, flûte. C’est une manière de faire de la propagande autour d’eux. Le Kamélé dolo est le premier grand rite des chasseurs qui regroupe plus d’une centaine de chasseurs.

La cérémonie du Dankun syra (sacrifices aux triangles des chasseurs), par ce rite, les chasseurs traditionnels réitèrent la fondation à la confrérie des chasseurs, réitèrent le serment des chasseurs. : A savoir que l’humanité est une, l’homme est un. Que le pauvre doit être secouru, aidé contre l’arbitraire et la haine. Ce sont des vérités éternelles que l’on dit au Dankun à cette occasion du Dankun syra.

(1) La charte du nouveau Manden

“ Le Manden fut fondé sur l’attente et l’amour, la liberté et la fraternité. Cela signifie qu’il ne saurait y avoir de discrimination ethnique ni raciale au Manden. Tel fut le sens de notre combat ”. Par conséquent, les enfants de Sanènè et Kontron font à l’adresse des douze parties du monde et au nom du Manden tout entier, la proclamation suivante :

1 - Les chasseurs déclarent :

Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie, Mais une vie n’est pas plus ancienne” plus respectable qu’une autre vie,
De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.

2 - Les chasseurs déclarent :

Toute vie étant une vie, Tout tort causé à une vie exige réparation. Par conséquent, Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, Que nul ne cause du tort à son prochain, Que nul ne martyrise son semblable.

3 - Les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur son prochain, Que chacun vénère ses géniteurs, Que chacun éduque comme il se doit ses enfants, Que chacun “entretienne”, pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

4 - Les chasseurs déclarent :

Que chacun veille sur le pays de ses pères. Par pays ou patrie, faso, Il faut entendre aussi et surtout les hommes ; Car “tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendra aussitôt nostalgique”.

5 - Les chasseurs déclarent :

La faim n’est pas une bonne chose, L’esclavage non plus n’est pas une bonne chose ; Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là, Dans ce bas monde. Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc, La faim ne tuera plus personne au Manden,
Si d’aventure la famine venait à sévir ; La guerre ne détruira plus jamais de village Pour y prélever des esclaves ; C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable Pour le vendre ; Personne ne sera non plus battu, A fortiori mis à mort, Parce qu’il est fils d’esclave.

6 - Les chasseurs déclarent :

L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour, “D’un mur à l’autre”, d’une frontière à l’autre du Manden ; La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ; Les tourments nés de ces horreurs sont finies à partir de ce jour au Manden. Quelle épreuve que le tourment ! Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours. L’esclave ne jouit d’aucune considération, Nulle part dans ce monde.

7 - Les gens d’autrefois nous disent :

“L’homme en tant qu’individu Fait d’os et de chair, De moelle et de nerfs De peau couverte de poils et de cheveux, Se nourrit d’aliments et de boissons ; Mais son “âme”, son esprit vit de trois choses : Voir ce qu’il a envie de voir, Dire ce qu’il a envie de dire, Et faire ce qu’il a envie de faire ; Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine, Elle en souffrirait
Et s’étiolerait sûrement En conséquence, les chasseurs déclarent : Chacun dispose désormais de sa personne, Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail. Tel est le serment du Manden A l’adresse des oreilles du monde entier”.

Gabriel NOAGA (patrimoines@hotmail.com)
APROCAT
Sources : Mémoire d’un continen

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique