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Autant le dire… : Luc a-t-il fait trop de bruit pour rien ?

Publié le jeudi 7 février 2013 à 12h19min

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Face à la corruption au Faso, Luc Adolphe Tiao, Premier ministre a fait assez de bruit. Alors qu’il était à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE), il a pris de fortes mesures qui ont été également médiatisées. L’ASCE a été sommé de mettre à disposition les noms avec ces montants en face de tous ceux qui doivent à l’Etat. Ce qui a été fait. Un délai a été donné aux intéressés pour se mettre à jour faute de quoi, la sentence tomberait sur eux. Dans ce sens, beaucoup de choses ont été faites, reconnaît le Premier ministre. Mais il reste encore beaucoup à faire.

Le 30 janvier 2013, face aux députés il s’est expliqué. Sur les 340 dossiers individuels qui lui ont été transmis par l’Autorité, 132 personnes ont remboursé ce qu’on leur reproche ou ont produit des pièces justificatives. Trente-deux personnes ont entièrement ou partiellement remboursé les sommes qu’elles ont détournées ou pour lesquelles elles n’ont pas pu produire des justificatifs. Plusieurs d’entre ces personnes ont demandé des délais supplémentaires pour se mettre à jour. Luc Tiao leur a donné un dernier délai jusqu’à fin février. Faute de quoi, leurs dossiers iront à la justice. Quarante-sept personnes ne contestent pas les faits qui leurs sont reprochés, mais n’ont rien réglé.

Elles auront, elles aussi, jusqu’à fin février pour se conformer. Quatre-vingt-onze personnes ne contestent pas les faits qui leurs sont reprochés. Naturellement, leurs dossiers seront transmis à la justice. Neuf dossiers sont classés pour diverses raisons dont entre autres, la modicité (1000 F CFA) des sommes qu’on leurs réclame. Sur les 340 dossiers, 29 ont été transmis à la justice dont certains datent de 2009. Et là, s’arrêtent les compétences de Luc Tiao.

Car, visiblement, le Premier ministre, chef de l’Exécutif, ne peut en aucun cas, dans le cadre du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, enjoindre la justice de faire quoi que ce soit. En clair, comme le citoyen lambda qui a son dossier en justice qui traîne, Luc Tiao pourrait dire que ses dossiers sont en justice. Il voudrait bien les voir aboutir aussitôt afin de ne pas donner raison à ceux qui pensent et disent justement qu’il a fait trop de bruit pour rien. Sans doute qu’il aurait pu travailler sans trop faire de bruit et attendre les résultats de ses travaux pour parler et se taper la poitrine.

Parce qu’à l’étape actuelle, on peut encore mettre du sable dans son couscous et saboter le travail qu’il est en train de faire, car, tant que les dossiers resteront pendants devant la justice, alors que lui-même n’y peut plus rien, et que la justice ne dit rien, il est difficile de faire comprendre aux Burkinabè qu’il a fait et fait du travail contre la corruption. On aura vu des fleurs, mais jamais les fruits.

Aussi, est-il temps pour notre justice de travailler en vase clos. Le secret professionnel qui veut qu’on ne parle pas d’un dossier tant qu’il est en instruction ne peut en lui seul justifier ce silence qui souvent ressemble à la complicité tacite ou avérée. Il y a des délinquants reconnus par les services de forces de l’ordre et de sécurité, tout simplement parce qu’ils sont entre ces forces-là, la justice et la prison. On les attrape, on les remet à la justice, on les condamne et le lendemain ils sont dehors. Et le circuit reprend. Il en est de même de délinquants aux cols blancs. Ils sont reconnus avoir détourné des deniers publics. Mais, jamais ils n’iront répondre. On joue avec le temps, les gens oublient et on passe à autre chose.

A dire vrai, la justice fait si bien son travail que personne ne la comprend. Si elle était comprise, les Burkinabè ne se rendraient pas justice eux-mêmes. Si elle était comprise, elle serait le premier recours et non le dernier. La balle est dans le camp des personnels judiciaires. A eux de jouer.

L’Exécutif a beau courir, beau bruiter et communiquer, tant que du côté judiciaire « la justice suit son cours… », les Burkinabè seront toujours méfiants. D’ailleurs d’ici quand aurons-nous des magistrats courageux, qui, honnêtement, prendront leurs responsabilités en s’auto-saisissant de dossiers de corruption comme on le voit sous d’autres cieux ? A défaut…

Dabaoué Audrianne KANI

L’express du Faso

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Vos commentaires

  • Le 11 février 2013 à 17:48, par Yamac En réponse à : Autant le dire… : Luc a-t-il fait trop de bruit pour rien ?

    Monsieur le journaliste, relisez-vous vos écrits ?A vous lire on a l’impression que vous ne vivez pas sous nos cieux. Nous avons pleins de juges intègres dans ce pays mais encore faudrait-il que le dossier leur soit adressé. Et puis qui t’ a dit que les pouvoirs sont séparés au BF.
    En outre,il faut reconnaître que notre premier ministre parle beaucoup mais peu d’actions.

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