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Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

Publié le lundi 4 février 2013 à 20h13min

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Maisons de tolérance à Ouagadougou : 	Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

Après 17 ans passés aux commandes de la mairie de Ouagadougou, Simon Compaoré s’en va. Mais non sans regrets. Car il aurait aimé poursuivre son action. Surtout au regard des dernières actualités sociales dans la capitale. Avec notamment l’augmentation unilatérale du prix du parking de stationnement et sur lequel certains acteurs refusent de revenir malgré les rappels à l’ordre des autorités.

En faisant son bilan, Simon Compaoré est pourtant revenu sur un ‘’échec’’ de sa politique. Il s’agit de sa tentative de moralisation des mœurs dans la capitale burkinabè. Autrement dit, la lutte contre la prolifération des maisons de tolérance. Ou si vous voulez, les chambres de passe comme on les appelle communément à Ouagadougou.

Fair-play, Simon Compaoré l’est. Il assume sa défaite. Certes cela lui tenait à cœur de réussir à faire de Ouagadougou une ville belle. Mais aussi et surtout une ville réconciliée avec elle-même sur le plan des mœurs. Malheureusement, il n’y est pas parvenu et l’admet publiquement.

Pour expliquer une telle situation, il met en avant le fait que (nous) les journalistes, ne lui avons pas beaucoup facilité la tâche dans ce projet. Et même que parfois, dira-t-il, il a eu le sentiment d’être véritablement incompris. Sur ce terrain-là il est évident que la position ou plus exactement la vision de nombreux dirigeants politique ou du monde économique au sujet du rôle des médias dans la société est quasiment la même. Celle d’un accompagnement permanent, au risque d’oublier parfois ce qui fait l’essence de la presse et du journalisme : la culture de la veille. Mais cela c’est une autre affaire…

Alors pourquoi Simon Compaoré a-t-il échoué dans son projet ? Je ne sais pas si j’ai les bonnes réponses à cette question. Par contre je crois pouvoir dire ceci.

- Dans la forme

Comme à son habitude, c’est un maire ‘’colt à la ceinture’’ comme on le voit dans les films western qui s’est employé à diriger cette entreprise risquée. Du coup, il a rué dans les brancards. En tentant de forcer toutes les portes hermétiquement closes de la capitale. Evidemment ce combat personnel, trop personnel et teinté de religiosité pour le fils de pasteur était voué à l’échec.

Du reste, le maire s’est retrouvé rapidement seul en première ligne avec des collaborateurs qui, par moment, s’interrogeaient ouvertement sur la pertinence de leur action. Confidence de l’un d’entre eux : ‘’un soir après une intervention, il affirme que la patrouille a mis la main sur une multitude de personnes parmi lesquelles des femmes mariées ; par la suite ces dernières ne cessèrent de supplier les éléments de bien vouloir les comprendre et de les libérer. Car, ironie de l’histoire, leurs foyers étaient en danger disaient-elles. Et depuis lors confesse-notre source, ils n’ont plus recommencé’’.

Mal engagée, mal ficelée, cette guerre de principes menée tambour battant sur fond de paupérisation générale de la population était fortement décousue. Et ceux qui l’ont conduite n’ont pas trouvé beaucoup de monde pour la mener à son terme.

- Dans le fond

C’est lors d’une rencontre organisée par le maire en personne avec les gérants de ces maisons de plaisirs que l’évidence s’est faite jour : à savoir que si le combat n’était pas perdu d’avance pour le conseil municipal, il serait des plus difficiles à gagner. Car ce jour-là, la salle s’est avérée trop petite pour contenir tous les participants au face-à-face. Et je crois bien qu’il y avait plusieurs centaines de personnes voire plus qui ont effectivement répondu à l’appel des autorités.

En faisant des calculs rapides, l’on se rend vite à l’évidence : l’économie du sexe est un business rentable à Ouagadoudou et qui fait vivre beaucoup de monde. Depuis le promoteur jusqu’aux gérants en passant par le personnel d’entretien. Si l’on considère que derrière chaque acteur il y a en moyenne une dizaine de personnes qui vivent des retombées directes ou indirectes de ce commerce, il est évident que le phénomène ne pouvait souffrir d’une vision simpliciste sans courir le risque de rater sa cible.

Du reste c’est une équation qui est intimement liée à l’économie de marché. Peut-on alors corriger les effets pervers du libéralisme sans s’attaquer à la source du problème ? Je crois bien que non…

Et Simon Compaoré s’en va alors que le phénomène lui, est en pleine expansion. Il s’est même doté de nouveaux artifices qui le rendent toujours plus complexe à appréhender. La crise de la famille aidant, le bout du tunnel est encore plus long à entrevoir. Du reste, la nouvelle équipe communale qui va s’installer à l’Hôtel de ville de Ouagadougou a toutes les chances de se faire son propre agenda. Plus réaliste et moins passionnel sans doute.

Juvénal Somé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 5 février 2013 à 06:45, par Nicolas En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Il a fait son temps avec un bilan plutôt satisfaisant. Brefs, le seul hic c’est qu’il n’a pas donné beaucoup de place à la création artistique. Ouaga est une ville de plaisance parce que les artistes donnaient partout dans les rues, un air de joie, de créativité, d’inventivité. Aujourd’hui il ne reste plus que des grands lieu de vente d’objets d’arts qui les exploitent. Redonner la rue aux artistes ouagalais

  • Le 5 février 2013 à 08:23, par Isac En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    bon vent à Simon je pense qu’il va manque aux ouagalais

  • Le 5 février 2013 à 08:23 En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Monsieur le maire vous devriez comprendre que tel que vous avez voulu le faire c’était perdu d’avance. La lutte contre ce phénomène ne peut se faire qu’au cas par cas. Vous avez celles qui s’asseyent devant certaines les maisons dans lesquelles elles officient. Pour cette catégorie les filles s’installent maintenant à l’intérieur et attendent la clientèle dans certaines cours et d’autres maisons ont tout simplement fermées. Il devient difficile pour vous de contrôler les visites que reçoivent les locataires de la cour. Vous avez les maisons closes devant lesquelles les filles font le racolage plus facile à gérer car acheteurs et vendeuses si retrouvent et les emplacements sont connus.
    Vous avez les maisons closes ou auberges proches des maquis qui sont mis à profit complexe à gérer dans ce cas si car se sont souvent les clients des maquis qui y vont ainsi que d’autres clients qui connaissent ces emplacements ;
    Vous avez les maisons closes (célibatorium ou auberge) où rien n’est indiqué. Là c’est plus complexe parce que c’est la fréquentation des clients qui peut attirer l’attention ou la plainte des riverains. Et enfin vous avez des auberges qui et des hôtels que certains utilisent comme maison closes. Voyez vous dans certains cas vous retrouverez des couples qui n’ont pas de maisons qui s’y retrouvent, des amants, des infidèles etc. Alors M. le maire, pour cette lutte, c’est du cas par cas. L’accent devrait être mis sur l’utilisation faite de la cour /maison, auberge ou célibatorium et après sur le comportement des hommes.

  • Le 5 février 2013 à 09:15 En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Français limpide. Un article comme je les aime !

  • Le 5 février 2013 à 11:37, par Dayondah En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Bravo à Simon d’avoir au moins tenté de faire face à un phénomène grave et multitentaculaire.Voici que je propose au maire entrant avec son équipe pour la ville de Ouagadougou :
    - Recencer les acteurs et actrices de la prostitution
    - Analyser leurs motivations
    - Pour ceux et celles qui veulent abandonner la prostitution, mettre en place un comité de suivi qui leur proposera des formations de 2 ans ans dans des domaines qui les intéressent.
    - Faire du cas par cas pour les acteurs avec un accompagnement spécialisé en impliquant les acteurs religieux
    - Prevoir un fond pour un credit à leur disposition à la fin de leur formation
    TOUT CELA DE MANIERE DISCRETE.
    - Pour le gouvernement, il faut créer des emplois descends. C’est le nerf de la guerre.
    - Promouvoir le mariage des jeunes en les motivants (genre attribuer une prime de conjoints pour les jeunes employés)

    • Le 5 février 2013 à 14:24 En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

      Une autre raison pourquyoi cette lutte a echoue, c’est qu’ elle etait faite dans une hypocrisie politico- societale inacceptable. Les chambres de passe etant generalement pour les petites bourses, que dire des hotels de passe ? Le riche baise, le pauvre aussi baise, tout est bien. Et en plus, cet echec est la demonstration de la fracture qui existe entre nos dirigeeants et le peuple qu’ ils disent gouverner. Remarquez que nos dirigeants sont a mille encablures du philosophe - roi que preconisait Platon. Platon disait que pour que la cite soit bien dirigee, qu’ il fallait qu’ elle le soit par ceux qui sont dedies au bien et on ne peut faire le bien sans la sagesse. Et comme nos dirigeants ne peuvent ni faire le bien du peuple ni etre sages pour eux - memes, alors qu’ ils cessent de nous parler de moralisation.

    • Le 5 février 2013 à 14:33, par Manitu En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

      Merci M. SOME pour cette analyse.
      Effectivement l’économie de la nuit (il ne faut surtout pas limiter les chambres de passes à la problématique de la prostitution ou à l’infidélité...) est très importante pour les grandes villes burkinabé. Que l’on soit fan ou pas, il faudrait se faire à l’idée. Une telle économie ne peut pas être balayée du jour au lendemain.
      Il faut l’étudier, la comprendre, l’encadrer et ensuite chercher les voies et moyens pour la recadrer. Le problème est que nos dirigeants posent des actions sur des idées a priori.
      Je me dis juste que Simon s’était trompé de combat dans ce cas là.
      En dehors de cela, BRAVO à notre maire qui a fait beaucoup de boulot. Qui qu’on mette à sa place, il ne pourra nous le faire oublier.
      — surtout que avec ce qui s’est passé aux municipales, on doit s’attendre au pire :’( —

    • Le 5 février 2013 à 14:43, par Yero Salomon En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

      Bonne idee Dayondah. Il faut proposer d’autres alternatives a ces gens puique beaucoup semblent le faire a leur corps defendant.
      La force est un facteur de la lutte mais seule, elle sera inoperante.

  • Le 5 février 2013 à 14:20 En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Vraiment, ce jeune journaliste a du tranchant. Juvenal, vos analyses volent haut. Ce n’est pas simplement du journalisme, mais de la sociologie et de la science po. doublee s de belles lettres. On en redemande, vos analyses. Si les autres journalistes pouvaient vous emuler au lieu de courir apres les gombos honteux.

  • Le 5 février 2013 à 14:26 En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    "Mais aussi et surtout une ville réconciliée avec elle-même sur le plan des mœurs. "

    Qui est dit que la ville est divisee avec elle avec ses chambres de passe ? Gnirinporte quoi. Est- ce que ce sont des martiens qui viennent dormir dans ces chambres ? La ville s’ aime comme ca. Faut pas nous divertir. Zouter nous du riz. C’est comme l’ autre jour, ils se sont leves dire qu’ ils vont proteger nos tetes avec des casques et on a vu des femmes de gourous qui ont deja commandees des cargaisons de asques pour nous arnaquer. Celui qui ne t’ aime pas ne peut pas faire ton bonheur.

  • Le 5 février 2013 à 17:03, par Sidpayeté En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Je me reconnais hors sujet mais je ne comprends rien sur l’augmentation des prix de parking, précisément à l’Hopital Yalgado. Je me disais qu’au moins la direction de cet établissement aurait pu arriver à rétablir les prix.
    Mais, .............
    Vraiment informez moi SVP !

  • Le 18 février 2013 à 16:05, par Alexio En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Je suis d accord avec un lecteur qui propose un recencement des prostitues avec leurs cartes profesjonnelles et medicales.Comme en Hollande. elle paiyent les impots. Cela mettra fin aux irregularites avec des controlleurs de la commune.Recidivistes payeront une amende communale en cas d infraction. Le metier le plus vieux du monde doit etre reglementer sans pour autant mettre en danger les usagers par les maladies a caractere sexuel. Lutter contre les proxenetes qui favorisent l embauche de nos jeunes filles dans la prostitution. La pauvrete aidant, cette lutte devrait etre lance par des campagne sensibilsation par les organisations feministes.

  • Le 22 février 2013 à 16:02, par Humilité En réponse à : Maisons de tolérance à Ouagadougou : Pourquoi et comment Simon Compaoré a-t-il perdu la guerre ?

    Je pense à mon humble avis qu’au terme de son mandat, Simon a fait un bilan plus que satisfaisant. Comme tout oeuvre humaine, il a des échecs qui doivent servir aux nouveaux arrivants en terme de stratégie.
    Aussi, reconnaisons que géré une ville comme ouaga où les gens sont le plus souvent arlergiques aux changements n’est pas chose aisée. Sans percévérance il n’aurait rien fait.
    Félicitation à lui et surtout une retraite bien mérité après tout ce effort

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