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Mali : Après avoir décidé la guerre, Paris entend que soit relancé le dialogue politique.

Publié le vendredi 25 janvier 2013 à 12h44min

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Mali : Après avoir décidé la guerre, Paris entend que soit relancé le dialogue politique.

Guerre et paix ! Depuis que la « crise malo-malienne » a muté en crise régionale avant de s’internationaliser, il y a un mouvement de balancier constant entre la guerre et la paix. Un coup pour les « va-t-en guerre » ; un coup pour la médiation. Depuis une quinzaine de jours, la guerre est déclarée du fait de la brusque implication de la France sur le terrain. Une implication qui, tous ces jours derniers, a fait la « une » de la presse et des médias.

Et quasiment l’unanimité au sein de la classe politique à l’exception de la gauche radicale et de l’extrême gauche. Cependant, le temps passant et l’argent s’échappant « l’union sacrée autour de nos soldats » s’est délitée et l’enthousiasme n’est plus le même. On se lasse de voir, jour après jour, les mêmes images ; ou, plus exactement, de ne rien voir : ni au Mali ni en Algérie, victime collatérale de ce conflit. Depuis deux semaines, l’ennemi est invisible et si on annonce des frappes aériennes et des reconquêtes de bourgades, il apparaît que cette guerre sera « longue, incertaine et asymétrique » (pour reprendre les mots du professeur Pierre Boilley – Libération du mardi 22 janvier 2013). Et qu’elle ne réglera pas « la crise malo-malienne » à l’origine d’une guerre dont l’objectif affiché est, désormais, l’éradication des groupuscules terroristes.

A la veille de quitter son job de secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a résumé, devant la commission des Affaires étrangères du Sénat US, la situation à laquelle le monde occidental est aujourd’hui confronté en Afrique de l’Ouest : « Les révolution arabes, dit-elle, ont bouleversé l’équilibre des forces dans toute la région [et] l’instabilité au Mali a créé un refuge pour des terroristes qui cherchent à étendre leur influence et à perpétrer davantage d’attaques du genre de celle de la semaine dernière en Algérie ». C’est le « package » qui justifie l’implication des « occidentaux » dans la guerre : « révolutions arabes », Libye, Mali, Algérie. La boucle est bouclée dès lors que l’Algérie est le seul pays d’Afrique du Nord à n’avoir pas été « révolutionné » (la révolution au Maroc a été soft, mais le résultat est identique à celui enregistré en Tunisie, en Libye et en Egypte : les « islamistes » sont au pouvoir).

Abdelaziz Bouteflika a été le seul, également, à soutenir Kadhafi et sa famille pendant la « révolution libyenne ». Aujourd’hui, pour la diplomatie « occidentale », c’est l’Algérie qu’il faut sauver, plus significative aux plans politique et économique que le Mali. Et, habilement, Clinton a surfé sur le drame de Benghazi et le loupé des services secrets US (quatre Américains, dont l’ambassadeur, ont été tués dans l’attaque du consulat le 11 septembre 2012) pour justifier le retour de « la guerre contre le terrorisme » dans la stratégie de Washington. Il faut donc solutionner au plus tôt la « crise malo-malienne » pour se concentrer sur la lutte contre le « terrorisme ».

Dans le même temps, Paris découvre aujourd’hui sur le terrain la réalité malienne. Devant l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, est venu proclamer que « les Touareg sont nos amis », précisant aussitôt : « sauf ceux qui se sont laissés embrigader par des groupes terroristes que nous condamnons totalement ». Ce cri du cœur est d’abord une mise en garde à l’égard des responsables politiques maliens : comme on le craignait, l’armée malienne entend profiter de l’implication des Français dans la guerre pour régler ses comptes avec les Arabes et les Touareg… maliens.

Cela fait désordre ; et, en braquant les Arabes et les Touareg maliens, risque fort d’empêcher la résolution de la « crise malo-malienne » par la voie du dialogue. Or, il est impératif de « ne pas injurier l’avenir ». Cibler les « terroristes », cela permet d’élargir le spectre des soutiens à la France (et celui de Washington, maintenant que Barack Obama débute officiellement son second mandat, est primordial), à condition que les Maliens ne « fassent pas les cons » et qu’une fois les « terroristes » endigués au Nord du 16ème parallèle (pour l’instant, l’action militaire de la France vise, d’abord, à sécuriser les voies de pénétration du Nord vers le Sud-Mali), le « dialogue politique » puisse reprendre.

C’est dans cette perspective que Pascal Canfin, ministre délégué au développement auprès du ministre des Affaires étrangères, a été reçu, hier soir, mercredi 23 janvier 2013, par le président du Faso, médiateur de la Cédéao dans la « crise malo-malienne ». Canfin, un des deux ministres « écologistes » du gouvernement (cf. LDD France 0600/Vendredi 18 mai 2012), que l’on n’a guère vu sur le terrain ni même beaucoup entendu ailleurs (l’hebdomadaire Marianne a écrit qu’il appartient au cercle des « ministres qui ne servent à rien »), a déclaré récemment au sujet de « l’intervention » française au Mali (cf. Libération – samedi 19 et dimanche 20 janvier 2013 – entretien avec Lilan Alemagna) : « Je suis à l’aise avec cette intervention. La phase militaire n’est qu’une étape. La solution structurelle passe par le dialogue intermalien et le développement économique du pays ». Nous y sommes.

Enfin, Canfin y était, hier, face à Compaoré. En compagnie de Kristalina Georgieva, commissaire européenne chargée de la Coopération internationale (et guère plus « visible » que ne l’est Canfin) : « Je tenais en tant que ministre du développement français à accompagner la commissaire européenne en charge des questions humanitaires pour bien symboliser le fait que l’action française s’intègre dans un enjeu plus large qui est l’action européenne, notamment sur les sujets humanitaires et de développement qui prendront de plus en plus de place lorsque la question militaire aura été résolue ». La guerre est finie ? Pas encore (et loin de là), mais tout le monde s’active, à nouveau, autour de la médiation de la Cédéao qui, aux dires de Canfin, « va prendre nécessairement des formes nouvelles puisque la situation a changé ». « Gagner la paix c’est, au-delà de l’intervention militaire, avoir des interlocuteurs autour d’une table de discussion et de négociation politique ». C’est pourquoi il est souhaité que les militaires maliens ne tuent pas tous les Arabes et les Touareg maliens afin qu’il en reste pour « discuter » autour d’une table… !

Des déclarations qui confortent Ouagadougou dans la démarche entamée depuis le début de sa médiation. Dans la capitale burkinabè, la première des préoccupations est que la boite de Pandore, qui a été ouverte par l’engagement français sur le terrain, soit refermée au plus tôt, autrement dit que les exactions de l’armée malienne contre des Maliens soient stoppées et sanctionnées. La préoccupation suivante est d’avoir à Bamako une équipe politique légitime, résultant d’élections ; ce qui serait possible dès lors que les Nations unies organiseraient une consultation sous leur tutelle. Ce qui peut également conforter Ouaga c’est l’annonce d’une scission au sein du mouvement Ansar ed-Dine. Considéré par beaucoup comme un groupe « terroriste », Ansar ed-Dine est, selon Boilley (cf. supra) « mû par la volonté d’appliquer la charia [mais] n’a jamais enlevé un otage ni posé de bombes, et s’oppose à ces pratiques ». Au sein d’Ansar ed-Dine, un groupe vient de se constituer en Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) et a annoncé « qu’il se démarque totalement de tout groupe terroriste, condamne et rejette toute forme d’extrémisme et de terrorisme et s’engage à les combattre ». Se revendiquant comme groupe « malien », le MIA appelle à une « solution pacifique », à « l’arrêt des hostilités » et à la mise en place « d’un dialogue politique inclusif ».

Le secrétaire général du MIA serait Alghabasse ag Intalla, représentant d’une des grandes familles de Kidal (il est le fils d’Intalla ag Attaher, chef des Ifogha), député de Kidal à l’Assemblée nationale et négociateur dans le cadre de la médiation engagée par les Burkinabè. Nous voilà revenus à la stratégie du dernier des Horaces face aux Curiaces : isoler les groupuscules pour les combattre les uns après les autres à défaut de pouvoir les éradiquer tous d’un seul coup. Pas sûr que ça marche cette fois.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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