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Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

Publié le vendredi 18 janvier 2013 à 10h05min

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Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

C’était écrit. D’une part, la crise « malo-malienne » avait, d’emblée, un impact régional considérable, des rives de la mer Méditerranée jusqu’aux rives de l’océan Atlantique et du lac Rose au lac Tchad. D’autre part, la « communauté internationale », relayée par quelques chefs d’Etat de la région, à force de crier « au terroriste », comme on criait autrefois « au loup », ont fini par en faire des acteurs de la crise « malo-malienne » : les « terroristes » sont entrés dans la danse, non plus sous le déguisement de « rebelles », « d’islamistes radicaux », de « mafieux » mais sous celui de… « terroristes ».

Et ils ont choisi, pour mener leur première action d’envergure, un pôle sensible : le site gazier de Tiguentourine, à une quarantaine de kilomètres au Sud d’In Amenas, dans le Sud-Est de l’Algérie, à un jet de pierre de la frontière avec la Libye. Ce site est exploité par la toute puissante Sonatrach algérienne (un Etat dans l’Etat – cf. LDD Algérie 027/jeudi 10 juin 2010), British Petroleum et Statoil (Norvège), mais y travaillent tout ce que l’univers du gaz naturel compte comme partenaires internationaux. Le gaz naturel, c’est la rente qui permet à la « bureaucratie » (au sens socio-politique du terme) algérienne d’assumer son pouvoir hégémonique sur le pays, un pouvoir qui, via le FLN, est contrôlé par la hiérarchie militaire.

Tigouentourine est à 40 km de la Libye. Le site se trouve à 300 km de la pointe Sud de la Tunisie. Tamanrasset, capitale du Sahara algérien, est à 650 km plus au Sud ; Tombouctou, capitale du Nord-Mali, à plus de 1.800 km. C’est dire que nous sommes loin du « champ de bataille » ouvert en fin de semaine dernière par les Français. Dire qu’il n’y a pas de connexion entre la crise « malo-malienne » et le carnage qui se déroule à Tigouentourine au moment où j’écris ces lignes* serait abusif ; dire qu’un événement procède de l’autre est politiquement faux, même si le groupuscule responsable de la prise (massive) d’otages à Tigouentourine affirme que son action est menée « en réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française pour mener des raids contre le Nord du Mali ».

Pendant la guerre civile, quand le « clan » des officiers supérieurs allait instrumentaliser le spectre de la « dictature islamiste » aux portes de l’Europe pour imposer sa loi (200.000 morts, 1 million de personnes déplacées, des dizaines de milliers d’exilés, 20 milliards de dollars de dégâts…), jamais les installations stratégiques, pétrolières et gazières, n’avaient été « contrôlées » par les « terroristes ». Le coup de force de Mokhtar Belmokhtar à Tigouentourine est donc emblématique. Le gaz algérien assure 20 % de l’approvisionnement de l’Europe : c’est une ressource vitale pour l’Algérie et le pouvoir à Alger. Contrôler cette ressource, c’est contrôler le pays mais aussi ses « clients » : la Russie de Poutine (archétype d’un système « bureaucratique » au service d’une « nomenklatura ») en a fait la démonstration en Asie centrale (Ukraine, Géorgie, etc.).

Ce n’est pas, bien sûr, l’ambition de Belmokhtar, mais celle de ses « sponsors » au sein du pouvoir algérien. La prise de contrôle de Tigouentourine ne s’est pas faite sans complicités au sein de l’armée et des forces de sécurité. Elle est l’expression d’une lutte d’influence au sein de la « nomenklatura » algérienne qui s’exprime aujourd’hui du fait des contradictions qui fissurent cette « nomenklatura », notamment sur la question malienne.

L’Algérie, du fait de ses ressources financières liées au pétrole et du gaz, a endigué chez elle le flux des « révolutions arabes » qui ont amené les islamistes au pouvoir au Caire, Tripoli, Tunis et Rabat (victoire par les urnes sans révolution !). Alger a été épargnée en réprimant sans ménagement toutes les manifestations et en lâchant la bride financière : pas de révolution sociale ni démocratique sur lesquelles les « islamistes » auraient surfé. Ceux-ci se rappellent donc au bon souvenir d’Alger, loin de là (il y a plus de 1.000 km, à vol d’oiseau, entre Alger et Tiguentourine) mais sur un site emblématique du pouvoir, jugé imprenable.

Alger, on s’en souvient, n’avait pas goûté l’opération menée par la France et l’OTAN contre Kadhafi. Quand « l’Occident » s’emballait pour les « révolutions arabes », Alger entendait calmer son ardeur, agitant l’épouvantail de la « menace terroriste » pour inciter les « occidentaux » à ne pas mettre d’huile sur le feu dans le seul pays d’Afrique du Nord qui soit parvenu à endiguer le tsunami de la « révolution arabe ». Alger soutenait Tripoli (et accueillait la famille de Kadhafi), les deux capitales affirmant lutter contre le « terrorisme ». Une occasion pour le pouvoir algérien de s’acheter un certificat de bonne conduite auprès des « occidentaux » (le tchadien Idriss Déby Itno ne fait pas autre chose, aujourd’hui, en envoyant illico presto des milliers de combattants à Bamako : il sera difficile à Paris d’aller lui chercher, désormais, « des poux dans la tête »).

Quand la crise va éclater au Mali, c’est du côté d’Alger – seule capitale d’Afrique du Nord qui n’ait pas connu de changement de gouvernement – que les diplomates « occidentaux » et africains vont aller chercher un soutien : Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, va devenir incontournable. On oubliera, parce qu’on un otage « arabe » ne vaut pas un otage « occidental », que l’Algérie était déjà dans le collimateur des « islamistes radicaux » : le 5 avril 2012, à Gao, dans le Nord-Mali, le consul d’Algérie a été enlevé avec six de ses collaborateurs par le MUJAO.

Alger va surfer sur la crise « malo-malienne » alors que Nicolas Sarkozy était encore à l’Elysée : tant que les « occidentaux » seront convaincus que l’Algérie est un rempart contre le déferlement du « terrorisme » non seulement en Afrique de l’Ouest mais en Europe du Sud, elles « foutront la paix » au complexe militaro-bureaucratique qui exploite les ressources naturelles de l’Algérie et… les Algériens.

Sarkozy va être remplacé à Paris par François Hollande qui fera une priorité de la « détente » des relations entre la France et l’Algérie. Mais Alger va subir la pire des humiliations : l’assassinat à Gao du vice-consul algérien, un jeune diplomate de 32 ans, Tahar Touati. Dans le même temps, Abdelmalek Sellal remplacera Ahmed Ouyahia au poste de premier ministre. Sellal va avoir à gérer le « no man’s land » politique qui sépare les Algériens de la prochaine échéance présidentielle de 2014. Mission : tenir la maison, éviter les soubresauts politiques et sociaux et laisser le FLN (Sellal est considéré comme « sans appartenance partisane ») préparer sa petite cuisine électorale habituelle, entre généraux et apparatchiks.

Sellal, ancien ministre de l’Intérieur, a un parcours « anti-terro » (cf. LDD Algérie 036/Mercredi 5 septembre 2012). « Il ne s’agit pas d’un problème strictement algérien, disait-il déjà, en 1999, de la lutte contre le terrorisme, mais d’une stratégie élaborée à l’extérieur : nous faisons face à une offensive visant à faire de l’Algérie, avec l’Egypte et l’Iran, un pôle intégriste en vue de déstabiliser l’ensemble du Bassin méditerranéen, la péninsule arabe et même une partie de l’Afrique ».

Les responsables politiques algériens, qui connaissent la réalité politique de leur pays (et les enjeux à la veille de la présidentielle de 2014), se sont efforcés, depuis plusieurs mois, de temporiser sur le dossier de la crise « malo-malienne ». Mais l’irruption militaire brutale et inattendue de la France sur le terrain a changé la donne : résultat, la boîte de Pandore est ouverte et le « terrorisme » algérien s’est engouffré par l’ouverture. Objectif pour les uns : dégager les « nomenklaturistes » au profit des « islamistes » ; pour les autres ; prendre des positions sur le marché du « terrorisme » ouest-africain particulièrement « juteux ».

* Au moment où je rédige cette « Dépêche » le 17 janvier 2013, les Algériens ont lancé un assaut sur Tiguentourine ; dont le président François Hollande dit que le bilan est « dramatique ». On évoque des dizaines de morts notamment parmi les otages.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 18 janvier 2013 à 10:29, par Nipoukri En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    Il y a deux choses à retenir :
    1- ça n’arrive pas qu’aux autres : le terrorisme, il faut le combattre partout et par tous les moyens. Le chantre du dialogue au Mali vient d’apprendre à ses dépens qu’on ne négocie pas avec des terroristes.

    2- Tout se paie cash sur terre. Par conséquent, ne faites pas à autrui ce que vous ne souhaitez pas qu’on vous fasse. L’Algérie ne négocie pas avec les terroristes et a été le tenant du dialogue au Mali, laissait les islamistes s’approvisionner en carburant chez lui, voulant faire du nord Mali le sanctuaire de ses nationaux islamistes du GIA et du GSPC et compagnies. Et patatrac !

    Les pays africains et le Faso en premier, gagnerait à sortir de cette illusion, cette fumisterie de dialogue pour s’engager fermement pour la conquête du pays car le Mali occupé, c’est le Burkina qui subira dans la folie des barbues enturbanés islamistes ou MNLAistes. Il n’y a rien à attendre de ces gens !

  • Le 18 janvier 2013 à 10:34, par sidwata En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    Il faut que tout l europe et l afrique s unissent pour finir avec ces diables de Dieu

  • Le 18 janvier 2013 à 11:48, par historien En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    pourquoi Malo Malienne les gars de ACQMI ET ANSARDINE sont des algériens du front islamique du salut qui ont fui l’algerie. Voila pourquoi l’algerie fait semblant car il ,ne veut pas que les gars reviennent chez eux

  • Le 18 janvier 2013 à 12:04 En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    je ne comprends plus ce monsieur depuis le déclenchement de cette guerre contre ces terroristes au mali et voyez comment il cherche à induire les gens en erreur en commençant son article par crise malo-malienne. certes il y a problème entre maliens mais là,il s’agit de casser des terroristes,des trafiquants de drogue,de kidnappeurs d’otages. ces fous n’ont ni foi ni loi,ils cherchent uniquement du fric. la religion n’a rien à voir dans tout ça et si parmi ces terroristes il y a des maliens,il faut les buter,si il y a aussi des terroristes en algérie,faut les nettoyer et ça doit être partout pareil parceque si on suit votre logique,il ne faut rien faire,faut laisser ces fous dicter leurs lois. c’est pas sérieux de votre part et on arrive par vous soupconner d’etre de mèche avec ces criminels car de solution,vous ne proposez guère. ahhhh ouiiii,vous allez nous parlez de médiation,de négiciation mais ça aboutit à quoi la médiation de blaise compaoré ? en 9 mois il y a jamais eu de début de négociation par manque de partenaires fiables. comment peut on arriver à négocier avec une nébuleuse masquée ? impossible et la seule solution reste l’épreuve de force. après comme je le souhaite,si il y a victoire au bout,les maliens pourront régler l’autre volet de leur problème. aussi parceque le président tchadien intervient,vous voyez déjà du mal car il pourra profiter du cadeau fait à hollande pour s’éterniser au pouvoir mais vous n’avez vu que lui. pourquoi vous n’avez pas cité blaise compaoré qui est passé comme un lapin du role de médiateur à celui de guerrier ? ahhhhh ouiiii,vous débarrassez plus souvent les assiètes de blaise compaoré que celles du président tchadien. on voit voit ohhhhhh

  • Le 18 janvier 2013 à 18:01 En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    ce mr m’écœure avec sa débauche diplomatique. il ne fait que l’apologie des terroristes. c’est ridicule. beurk !

  • Le 21 janvier 2013 à 21:34 En réponse à : Algérie : Abdelaziz Bouteflika, prochaine victime collatérale de l’internationalisation de la crise « malo-malienne ».

    Le président algérien est un simple pantin des généraux algériens qui dirigent le pays depuis 1962. Donc, Bouteflika est juste là comme pot de fleurs pour la décoration. Si demain, on n’en a plus besoin, on balance le pot à la poubelle. Le pouvoir algérien se résume en grande partie à la gestion de la manne pétrolière pour la nomenklotura militaire et leurs propres intérêts. Et, les terroristes ne sont là que pour mieux brider et contrôler les algériens par le pouvoir militaire en place pour qu’ils ne puissent leur demander des comptes. Sinon, comment comprendre que la moitié des jeunes algériens ne travaillent pas alors que l’Algérie cumule des dizaines ou centaine de milliards de dollars de réserve d’argent. Allez comprendre !

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