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Mali : Saïd Djinnit, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique, va devoir faciliter la mise en œuvre de la résolution 2085

Publié le mercredi 9 janvier 2013 à 17h48min

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Mali : Saïd Djinnit, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique, va devoir faciliter la mise en œuvre de la résolution 2085

La profusion « d’envoyés spéciaux » en charge du Sahel avait fait oublier que les Nations unies disposaient déjà d’un représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest. Le vote de la résolution 2085, le jeudi 20 décembre 2012, relative au Mali (cf. LDD 056/Vendredi 21 décembre 2012), vient de rappeler, opportunément, que le diplomate algérien Saïd Djinnit occupe cette fonction et se trouve donc disponible pour appuyer la médiation conduite par le président du Faso, Blaise Compaoré, au nom de la Cédéao.

Le texte de la résolution 2085 le dit clairement : Romano Prodi, envoyé spécial du Secrétaire général pour le Sahel, et Pierre Buyoya, Haut-Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, sont « engagés » à « travailler en étroite coordination avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest ». C’est réaffirmer une hiérarchie liée à la permanence de la fonction (Prodi et Buyoya ne sont que des « intérimaires ») mais également affirmer que la question malienne concerne toute l’Afrique de l’Ouest et qu’il faudra mettre « de l’huile dans les rouages » compte tenu des prises de position des uns et des autres sur ce dossier. Le fait que Djinnit soit un diplomate algérien ayant une longue pratique, également, de l’UA (y compris au temps de l’OUA), est un élément majeur dès lors qu’Alger est, avec Ouagadougou, le point de fixation des négociations.

Djinnit était début 2012 à Bamako ; il y était encore la semaine dernière alors que la 2085 était votée à New York. C’est, dit-il, « le pays que j’ai le plus visité en 2012 ». Dans un entretien avec Bandiougou Diabaté (L’Indépendant du 24 décembre 2012), il souligne que « la résolution 2085 offre désormais un cadre d’action où toutes les parties prenantes, en particulier le Mali, la Cédéao, l’Union africaine, l’ONU, les pays voisins et les partenaires du Mali, ont chacun un rôle à jouer dans la mise en œuvre de cette résolution ». C’est son job : faire en sorte que toutes les capitales soient sur la même ligne diplomatique. Ce qui ne sera pas évident. L’ONU veut « exploiter toutes les voies du dialogue pour ressouder la nation et recouvrer son intégrité territoriale et son unité en 2013 » avant de mener « une action déterminée et concertée […] pour mettre hors d’état de nuire les groupes terroristes et les narcotrafiquants qui sévissent au Nord du Mali et qui constituent une menace à la stabilité dans la sous-région et au-delà ».

Originaire de Kabylie, Djinnit est né l’année du déclenchement de l’insurrection algérienne, le 7 juin 1954. Diplômé de l’ENA algérienne, il va choisir d’emblée la voie de la diplomatie, rejoignant le Centre d’études des relations internationales de l’université libre de Bruxelles et l’Institut des affaires politiques de l’université d’Alger. Il sera en poste, au titre de l’administration algérienne, à Bruxelles et à Addis Abeba avant d’être nommé directeur de cabinet du secrétaire général de l’OUA (1989-1999), le Tanzanien Salim Ahmed Salim, puis, en février 1999, secrétaire général adjoint de l’OUA en charge des affaires politiques. Au lendemain du sommet extraordinaire du 9 septembre 1999, Djinnit se verra confier la présidence du comité interdépartemental chargé de mettre en œuvre les mesures décidées à Syrte : l’Union africaine, la Communauté économique africaine (CEA), le Parlement panafricain…

Il sera reconduit dans ses fonctions lors du sommet de Lusaka, en juillet 2002, avant d’être nommé commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité (11 juillet 2003-28 avril 2008). Burundi, Comores, Ethiopie, Erythrée, Madagascar, RCA, RDC, Sierra Leone, Somalie, Soudan, … Djinnit va être confronté à diverses crises pour lesquelles il prônera inlassablement une « solution africaine ». Il passera ainsi dix huit années au service de l’organisation panafricaine. « Qu’il s’agisse de la transformation du mandat de l’OUA pour qu’elle soit à l’écoute des problèmes africains, de la promotion de l’Agenda pour la paix et la sécurité ou de la promotion de l’Agenda pour la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l’homme, ou de la mise en place de l’architecture continentale de paix et de sécurité, sur tous ces chantiers, je crois avoir apporté ma pierre à l’édifice », dira-t-il lorsqu’il décidera de quitter ses fonctions.

En avril 2008, Ban Ki-moon en fait son représentant spécial et chef du bureau pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA). Lors de la XIXème réunion de concertation de haut niveau des chefs de missions de paix des Nations unies en Afrique de l’Ouest (Dakar, 29 septembre 2010) – alors que la situation en Côte d’Ivoire et, surtout, en Guinée demeurait préoccupante –, Djinnit mettra l’accent sur le risque terroriste dans le Sahel. « Les Nations unies restent attentives à ce qui peut être fait contre la menace terroriste dans le Sahel d’autant plus qu’elle risque de se propager en Afrique de l’Ouest compte tenu de la pauvreté et des problèmes de gouvernance » déclarera-t-il, soulignant que « la menace à travers ses manifestations, notamment les prises d’otages, a été croissante » au cours des derniers mois. Il appellera à la tenue d’une grande conférence sur le terrorisme et ses risques de propagation en Afrique de l’Ouest, réunion déjà programmée en 2009 mais dont la première édition à… Bamako avait été annulée. « L’ONU, dira Djinnit, a toujours marqué sa disponibilité à aider la région et les pays de la région dans les efforts communs qu’ils doivent mobiliser pour faire face à une menace qui est commune ».

La menace s’est concrétisée au Mali depuis les événements du 17 janvier et du 22 mars 2012. Et Djinnit s’est mobilisé pour défendre la ligne des Nations unies et soutenir l’action des organisations continentale (UA) et régionale (Cédéao) afin que la région concernée par la crise et ses effets collatéraux participe à sa résolution. S’il « y a urgence d’intervenir au Mali par une action militaire », Djinnit a toujours appelé au dialogue entre Bamako et les groupuscules au Nord-Mali. « Plus il y aura d’espaces de dialogue et moins il y aura de terrain pour une intervention militaire » dira-t-il, soulignant la nécessité de « dialoguer avant toute action militaire ». C’est ce que dit la résolution 2085. Et les rodomontades des Tartarins n’y changeront rien.

Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, peut affirmer que, « pour l’instant, il n’y a pas de solution politique », c’est la solution militaire qui fait défaut. Dans un entretien accordé à François d’Alançon et Antoine Fouchet et publié ce matin (lundi 24 décembre 2012) par La Croix, Le Drian annonce que « la relance de l’Europe de la défense est une priorité du gouvernement ». Et que dans la perspective d’un sommet à Bruxelles (13-14 décembre 2012), « la France a réussi à convaincre ses partenaires européens d’approuver le principe d’une mission de l’Union européenne au Mali afin d’aider l’armée malienne à se reconstituer ». Il ajoute : « Un contingent européen de 400 militaires sera constitué au début de l’année prochaine, puis envoyé au Mali pour former l’armée malienne et la préparer à rendre à ce pays la souveraineté sur l’ensemble du territoire ». Il précise : « L’intervention militaire pourra avoir lieu au premier semestre de l’année prochaine […] C’est aux Africains d’intervenir militairement, pas aux Français ou au Européens. La France et les Etats-Unis apporteront à la coalition africaine un soutien dans le domaine de la logistique, de l’observation, du renseignement et de la formation ». Qui peut croire à une intervention avant fin juin 2013 ? L’essentiel est de le faire croire.

Comme le souligne (Nathalie Guibert dans Le Monde daté du 23-24-25 décembre 2012) Alexandra de Hoop Scheffer, directrice à Paris du German Marshall Fund of the United States : « La France n’a pas les moyens de ses ambitions, mais continue de limiter la perte de son indépendance stratégique par des actions – symboliques ou non – fortes sur la scène internationale ». Ouf… ! L’honneur est sauf. Exhibons nos muscles.

Jean-Pierre BEJOT
LA Dépêche Diplomatique

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