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Jacob Sou : « Je ne baisse jamais les bras »

Publié le samedi 22 décembre 2012 à 08h35min

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Jacob Sou : « Je ne baisse jamais les bras »

Récemment à l’affiche de la 29e création majeure du Carrefour internationale du théâtre de Ouagadougou (CITO), « LE CREPUSCULE DES TEMPS ANCIENS », cela faisait 34 ans qu’il n’était plus monté sur les planches et 17 ans qu’il n’avait plus donné d’interview exclusive. Comédien compétent, mais également promoteur de medias privés, il s’est illustré comme acteur dans des pièces de théâtre dont « LE PROCES DE MONSIEUR WHISKY » de Karim Konaté, « MONSIEUR THOGO GNINI » de Bernard B. Dadié et SALOMON LE SAGE de Issaka Luc Kourouma. Il s’est également bien illustré comme acteur principal dans la dernière création majeure du CITO. Dans l’interview sans faux semblant qu’il nous a accordée, Jacob Sou se laisse découvrir. Il évoque son parcours et parle du retrait des fréquences radio et TV du Groupement d’Intérêt Economique (G.I.E.) Réseau Multi-Média-Burkina.

Lefaso.net : Administrateur civil, journaliste, metteur en scène et comédien de théâtre et de cinéma, consultant en communication et projets culturels, promoteur de médias privés. Par quel parcours passe t’on pour devenir tout cela en même temps ?

Jacob Sou : Déjà au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, la chanson m’avait intéressé. En seconde, j’ai passé un test pour intégrer un orchestre qui s’appelait « Dynamique Jazz », de la même génération que le mythique « Volta Jazz" de Bobo, et j’avais été accepté comme toumbiste et chanteur ; mais, à l’époque, chanteur rimait avec voyou. Par ailleurs, on m’avait fait redoubler parce que j’étais de ceux qui avaient supporté la première révolte du lycée Ouezzin. J’ai alors décidé de me présenter au premier concours de l’année pour me libérer, et ce concours fut l’Ecole Nationale Administration (ENA) à la session de l’année 1966. A la sortie, mon premier choix, était la Douane, mon deuxième choix la Police, et mon dernier choix l’Administration générale. J’appris par la suite à la radio que je suis affecté au Ministère de l’Information, des Postes et des Télécommunications, Département de l’Information. Sur le coup, je me suis demandé ce que j’allais y faire.

Vous avez fait l’Ecole Nationale d’Administration de Haute Volta de 1966 à 1969, juste après le BEPC. Comment s’est alors fait la transition dans le domaine des arts ?

Au Département de l’Information, J’étais le chef du personnel. J’ai pris fonction et chaque fin de matinée j’allais transmettre des communiqués officiels à la presse écrite (appelé alors Bulletin Quotidien –BQ) et à la Direction de la Radio-Télévision. L’atmosphère qui régnait à la radio m’a plu. Un jour, j’ai demandé à mon Directeur Général de me permettre d’aller à la radio quand il n’y avait pas de travail au bureau. Un peu réticent au début, il m’a ensuite pris au mot à un moment où il y avait un test pour recruter des pigistes et il a demandé qu’on me fasse subir le test en même temps que les autres candidats. J’ai passé le test et ai été retenu. Mon DG a donc signé une note de service stipulant que je suis affecté à la radiodiffusion télévision en dehors de mes heures de service. J’allais à la radio le matin avant le service et le soir de 17H 30 à 23H, heure de fermeture de la radio à l’époque. J’ai continué ainsi jusqu’en 1972 et, le travail me passionnant de plus en plus, j’ai décidé de passer le Baccalauréat (Bac) afin d’étudier dans ce domaine. Parallèlement, j’ai passé un concours ouvert la même année aux fonctionnaires de catégorie C pour aller faire l’équivalent du cycle B de l’ENA à l’Institut de Coopération Internationale de l’Université d’Ottawa au Canada. J’ai réussi à la fois au Bac et au concours et me suis retrouvé au Canada pour deux ans.
Au Canada, à coté de mes études, je réunissais les africains et les canadiens s’intéressant à l’Afrique pour des activités culturelles incluant le théâtre. Au bout des deux ans, j’ai passé avec succès le concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration Publique (ENAP) de l’Université du Québec.
De retour en Haute Volta à l’issue des deux premières années, j’ai pris une disponibilité de trois (3) années de la Fonction Publique parce que bénéficiaire d’une bourse d’études du Programma des Nations Unies pour le Développement (PNUD) de trois ans pour deux (2) ans d’études à l’ENAP et la dernière année en une spécialisation.
Moi j’ai plutôt décidé d’étudier parallèlement pendant ce séjour en Communication et à mes frais, puisque ce n’était pas le domaine de spécialisation pris en charge par la bourse. Je suis revenu notamment avec une Maîtrise (le fameux Masters) en Administration Publique, un Certificat en Administration des Arts obtenu à la fameuse Université HARVARD des Etats Unis, et ce qu’ils appellent en Amérique du Nord un Baccalauréat (une licence), en Communication : Théâtre, Audiovisuelles, Animation de Groupe, obtenu à L’Université Laval de Québec.
De retour au pays, on a voulu m’affecter à nouveau au cabinet du Ministre, mais j’ai demandé à rejoindre la radio comme simple agent. C’est ma formation universitaire de communicateur et de gestionnaire qui a conduit à mon intégration dans le corps des Administrateurs civils, et mes atouts en tant que gestionnaire et artiste m’ont permis de monter à la radiotélévision une section culturelle qui a débouché plus tard sur une Direction de l’Ensemble Artistique de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (EARTB), l’actuel CENASA. C’était pendant la révolution. On ne s’est malheureusement pas compris parce que les premiers responsables espéraient que j’allais y fabriquer des slogans révolutionnaires ou autres. J’avais 17 ans de service et ai préféré démissionner et demander ma retraite proportionnelle, mon ancienneté le permettant, avant de m’expatrier en Côte d’Ivoire.

Comment vous est venu l’amour des planches ?

Un jour, pendant que j’étais à l’ENA, le Théatre National de Côte d’Ivoire est venu y jouer une pièce de théâtre, « Monsieur Tôghô Gnini » de Bernard B. Dadié, qui a été comme une révélation pour moi, un véritable déclic, et j’ai décidé que, si c’était cela le théâtre, non seulement je ferais du théâtre, mais en plus je monterais « Monsieur Tôghô Gnini », dont l’humour me fascinait, et incarnerais le rôle principal.
Arrivé au Canada, j’ai effectivement produit la pièce et des ivoiriens ont trouvé que c’était plus intéressant que l’original.
Quand j’ai eu par la suite l’occasion, j’ai adapté la pièce au cinéma et l’ai intitulée « Le Grotto ». Pendant mon séjour au Canada, j’ai voulu aller au conservatoire mais mon professeur de théâtre, qui m’a vu jouer dans « Monsieur Thôgo Gnini » et dans les productions d’école, a jugé que je n’en avais pas besoin. Ce n’est que très récemment que je suis moi-même convaincu que je me défends assez bien et j’admets à présent que c’est peut être ma vocation. La dernière expérience me conforte davantage dans cette conviction.

Comment se met- on dans la peau du comédien ?

En ce qui me concerne, cela se fait au cours des répétitions. Je lis sans problème grâce au théâtre radiophonique que j’ai pratiqué pendant longtemps. Je lis donc en mettant le ton, et cela ne gène pas la répétition des autres. C’est généralement au cours de la dernière semaine que je commence véritablement à me muer.
Avec Luis MARKEZ, c’était bien parce que je suis plutôt bon en improvisation et il voulait cela au début. Chacun devait y mettre du sien pour que le texte final soit conforme à ce qu’il voulait tout en ne perturbant pas les comédiens qui étaient de plusieurs niveaux. Le CITO a fait appel à moi après le casting. Quand l’Administrateur du CITO m’a annoncé au téléphone le titre de la pièce, dont je connaissais l’œuvre originale, j’ai tout de suite dit oui. Je suis donc arrivé dans un groupe déjà constitué de jeunes pour l’essentiel, qui ne me connaissaient pas pour la plupart comme comédien de théâtre, et mon intégration a pris un certain temps. Ce n’est que pendant les représentations que le groupe s’est soudé. Pour moi, ce fut une très bonne expérience, un véritable recyclage aussi bien dans le jeu d’acteur que dans la mise en scène professionnelle.

Promoteur et Administrateur du Groupement d’Intérêt Economique (G.I.E.) Réseau MULTI-MEDIA-BURKINA, que devient Multi Média Burkina ?

J’ai monté une radio et une télévision au Burkina à l’issue de mon séjour en Côte d’Ivoire. J’ai fait d’abord des essais à l’occasion de la Semaine Nationale de la Culture (SNC) et du Salon International de l’Artisanat en 1992. Le Ministère de l’Information m’a donné pour cela des autorisations temporaires d’émettre d’un mois chacune, et j’ai émis pendant deux semaines successivement à Bobo-Dioulasso pendant la SNC et à Ouagadougou durant le SIAO. Le Ministre m’a par la suite donné une autorisation définitive. Puisqu’il n’y avait encore de télévision privée nulle part en Afrique, j’ai estimé qu’il serait opportun d’obtenir la caution du Président du Faso avant de passer à la phase véritablement opérationnelle.

Le Chef de l’Etat a reçu une délégation du projet le 4 novembre 1992. Je lui ai présenté le projet : un groupe de presse professionnel non partisan qui commencerait par une radio et une télévision et démarrerait au FESPACO 1993.

Après le FESPACO 93, le Directeur de Cabinet du Président du Faso m’a reçu de la part du Président du Faso pour m’informer que celui-ci m’encourageait à exécuter le projet. Malheureusement, je suis confronté à toutes sortes de tracasseries pour exécuter le projet qui a même bénéficié un moment du soutien de partenaires nord américains. Et çà dure maintenant depuis un peu plus de vingt (20) ans.

Vous continuez à y croire ?

Je ne baisse jamais les bras, d’autant que les raisons invoquées pour me retirer mes fréquences radio et TV en 2005 sont inéquitables. J’ai écrit au médiateur pour lui expliquer les raisons qu’ils ont invoqué pour me retirer les fréquences. Le Conseil Supérieur de la Communication, en son temps, m’a retiré mes fréquences radio et TV au motif que j’avais fait deux ans sans démarrer l’exploitation de ces fréquences pour lesquelles les conventions ne m’accordaient que douze (12) mois pour commencer leur exploitation. Aujourd’hui, j’attends la réaction du Premier ministre, Président du CSC lors du retrait de cinq (5) fréquences radio et TV dont j’étais détenteur. Si on ne me fiche pas la paix je vais médiatiser cela à l’extérieur.

Pensez vous que c’est la solution ?

Au moins on le saura. Quand vous expliquez de manière civilisée, on ne vous écoute pas. La manière civilisé je l’aie essayé pendant 20 ans. Alors que, des promoteurs ayant obtenu des fréquences radio et TV dans les mêmes conditions que moi ont bien dépassé ces délais, et l’un de ces promoteurs a même mis plus de six (6) années pour démarrer sans être inquiété. Donc il y a un problème. Le 4 novembre 2012 cela faisait 20 ans que j’avais vu le président du Faso qui a dit que je pouvais faire. Et jusque là je ne réussi pas à le faire. Et comme je considère aussi que les projets de cette envergure ne doivent pas être conçus pour soi, mais pour la postérité, je me bats de toutes mes forces pour l’exécuter en lui donnant des bases saines.

Est-ce qu’on vit de ce métier ?

Certains en vivent, mais moi pas encore. Et je vais vous raconter une mésaventure. J’avais demandé un prêt à ma banque pour mettre en valeur mon terrain en transformant mon lieu d’habitation en local de communication pour commencer : bureaux, studio d’enregistrement, Cyber Café, vidéo club, etc.
Le directeur adjoint d’agence de la banque qui est un parent à plaisanterie, m’a même quelque peu aidé à constituer le dossier. Il m’a notamment conseillé de diminuer mes prétentions pour garantir l’acceptation de la banque. Le terrain, avec ce qu’il y avait dessus, valant 9 millions, j’ai finalement demandé 5 millions. Mon « esclave » était tellement sûr que j’allais obtenir le prêt qu’il s’est permis de me viser un chèque de 100.000 FCFA pour me dépanner, et m’a assuré que mon compte serait alimenté lundi (on était jeudi). Cela fait 5 ans aujourd’hui. Ils m’ont fait tourner plusieurs années pour me dire finalement NON quand je me suis plaint de leur silence.
Mon ami parent à plaisanterie-banquier ne savait pas, après cette histoire, comment se comporter avec moi, bien qu’il ne soit pour rien dans ce qui s’est passé. Sans que je ne puisse affirmer que les deux affaires soient liées, je sais qu’il a quitté volontairement cette banque peu après, pour une autre de la place.
J’aurais pu entreprendre les mêmes travaux en 2011 avec mes redevances du Bureau Burkinabé du Droit d’Auteur (BBDA) qui venaient de m’être servies et mes prestations cumulées à la RTB Radio où j’ai été contractuel, à la demande du Directeur, pour redynamiser le Théâtre Radiophonique et Télévisuel (TTRT). Mais je n’ai pas pu résister à la tentation d’investir ces fonds dans un spectacle commandé à l’origine par la RTB Radio, pour la RENTREE RTB 2011-2012. J’ai dû finalement le produire sur fonds propres (Réseau Multi-Média-Burkina), dans des conditions qui seraient longues à expliquer ici.
J’avais du reste été davantage conforté dans mon engouement à produire le spectacle en question par la promesse écrite ferme de son Excellence le Premier Ministre de contribuer à la tenue du spectacle à l’intérieur du pays qui devait s’en suivre, sur initiative du Réseau Multi-Média-Burkina. Malheureusement la promesse du Premier Ministre n’a pas pu se concrétiser.
Le fait est que ce spectacle, en l’occurrence SALOMON LE SAGE, après avoir clos la RENTREE RTB 2011-2012, a été par la suite diffusé plus de dix (10) fois sur les antennes radio et surtout TV de la RTB, sans mon autorisation, en dehors de la RENTREE RTB 2011-2012, parce que j’en suis le producteur.
Ne souhaitant pas que le litige aille au tribunal, je tente de faire entendre raison aux autorités de la RTB depuis bientôt un an, mais en vain.
J’ai sollicité l’intervention de son Excellence le Premier Ministre pour que la RTB me paie ce qu’elle me doit au titre de l’exploitation en dehors de la RENTREE RTB 2011-2012 de la pièce produite par moi, et j’espère que son Excellence le Premier Ministre nous mènera à une issue heureuse bientôt.

Comment avez-vous eu l’idée de créer un festival panafricain de la parenté à plaisanterie ?

La parenté à plaisanterie est une tradition à laquelle je crois profondément. Elle peut régler beaucoup de choses. Ceux qui y croient comme moi savent que quand un parent à plaisanterie intervient dans un conflit, il faut accepter de mettre la balle à terre, au risque d’avoir à rendre compte aux ancêtres. Entre parents à plaisanterie, tout peut être arrangé à l’amiable et doit s’arranger à l’amiable. Quand on y croit, ca marche. J’y crois donc et je préfère ne jamais faire de tort à un parent à plaisanterie. Malheureusement, ce festival aussi peine à démarrer comme les autres activités du Réseau Multi-Média-Burkina.

Vous êtes marié et père de 4 enfants ; êtes vous présent dans la vie de vos enfants ?

Je suis en séparation de corps depuis 15 ans avec mon épouse. Au tribunal, nous avons décidé que c’est moi qui prendrais les trois (3) enfants que nous avons eus à ma charge, y compris le dernier qui avait alors trois (3) ans. Je n’ai pas à me plaindre des quatre (4) enfants que j’ai au total : l’aînée de tous a terminé son doctorat final il y’a quelques années, elle enseigne au Supérieur et est mariée depuis peu. Le deuxième fait du cinéma où il semble donner satisfaction comme monteur, sa petite sœur vient de s’inscrire en droit à l’UO après son BAC et s’intéresse à la chanson. Le tout dernier, celui que j’ai sans doute le plus modelé à mon image, est probablement le plus brillant de tous : il est en seconde C et fait du basket ball où il excelle à coté de ses études. Je suis donc fier de ce que mes enfants sont devenus ou sont en train de devenir.

Interview réalisée par Aminata OUEDRAOGO (Stagiaire)

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Vos commentaires

  • Le 23 décembre 2012 à 01:16, par Togse En réponse à : Jacob Sou : « Je ne baisse jamais les bras »

    Cette entrevue m’a permis de mieux connaitre ce monsieur. Je ne savais qu’il etait barde de diplomes d’universites de renommee. Apres avoir lu cet echange,il est ressorti tout au long de l’interview que tous ses projets n’ont jamais vu le jour depuis plus de 20 ans. C’est un Monsieur qui fait face a plein de blocages. Je voudrais bien comprendre les raisons. Est-ce parce qu’il est deteste ? qu’a t’il vraiment fait ? quel est le vrai probleme qui bloques tous ces beaux projets qu’il porte ???
    Je lui souhaite bonne chance dans la vie. Vivement que tout se bloque afin que le pays des hommes integres puisse beneficier de vos realisations.

    • Le 23 décembre 2012 à 11:13, par Tapsoba En réponse à : Jacob Sou : « Je ne baisse jamais les bras »

      Drôle de souhait !! En même temps que vous cherchez à savoir pourquoi le blocage de ses projets ,vous lui souhaitez que tout se "bloque".Et encore contradictoire que cela puisse paraître,vous voulez que le Burkina bénéficie de ses réalisations.Comment est-ce possible si tout se bloque ? Souhait d un DÉBLOCAGE ne serait-il pas mieux si vous voudriez voir ses réalisations et en profiter ?

  • Le 23 avril 2015 à 15:13, par siradio dine bah En réponse à : l’homme sens arrets siradio dine bah

    je suis fiere d’etre africain et je love le cinema africain

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