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Le « sommet de Ouagadougou » permettra-t-il de trouver une porte de sortie à la crise malienne ? (2/5)

Publié le jeudi 13 décembre 2012 à 17h15min

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Le « sommet de Ouagadougou » permettra-t-il de trouver une porte de sortie à la crise malienne ? (2/5)

Alors que l’on désespérait de l’équipe en place à Bamako, Dioncounda Traoré en tant que président de la République intérimaire et Cheick Modibo Diarra comme premier ministre, un gouvernement « d’union nationale » voyait le jour à Bamako au cœur de l’été 2012. Le ministre des Affaires étrangères était, cette fois, Tiéman Coulibaly.

C’est le fils de Moussa Balla Coulibaly, ancien patron des patrons maliens, ancien président du Conseil économique, social et culturel, président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), candidat à la présidentielle 2002. Moussa Balla Coulibaly avait prôné la guerre contre les « rebelles » du Nord-Mali, assurant : « Je ne peux pas dialoguer avec quelqu’un qui nie mon existence » ; mais il ne faisait pas l’impasse, cependant, sur la responsabilité de la classe dirigeante à Bamako : il appelait à « une politique de ressaisissement » considérant que « les partis politiques n’ont pas joué le rôle qui devait être le leur » et que « la classe politique doit […] reconnaître ses torts envers ce pays ». Le fils semble avoir répondu aux préoccupations du père.

Tiéman Coulibaly est à Ouagadougou aujourd’hui : mardi 4 décembre 2012. Il n’y est pas seul : il y a là, également, des représentants de la « rébellion » à travers deux mouvements : le MNLA et Ansar Dine. Qui, depuis un certain temps, ont pris leurs habitudes à Ouaga puisque la médiation a entrepris de les associer aux discussions. Ally Coulibaly, ministre ivoirien de l’Intégration africaine, a fait le déplacement, son « patron » présidant la Cédéao. Ainsi que des représentants de l’OCI. Une séance plénière était prévue à la salle polyvalente du palais de Kosyam à 16 heures. Elle débutera un peu après 17 heures. Non loin de là, à l’hôtel Laïco (de la chaîne Libya, joli clin d’œil de l’histoire), Djibrill Y. Bassolé, le ministre burkinabè des Affaires étrangères et de la Coopération générale, avec son staff, poursuivait les entretiens avec les divers protagonistes, s’efforçant de trouver un terrain d’entente « durable » avant de rejoindre le président du Faso pour établir le communiqué final.

Dans un contexte où « l’intervention militaire » est une option réaffirmée avec insistance par nombre de protagonistes, en Afrique et ailleurs, le « sommet de Ouagadougou » est un redoutable challenge. Que le Burkina Faso a pris le risque d’organiser au lendemain « d’élections couplées », une première dans le pays, qui, le dimanche 2 décembre 2012, a appelé aux urnes 4,4 millions d’électeurs afin de choisir 127 députés et 18.584 conseillers (au total 81 partis présentent des candidats !). Trop souvent, ces élections sont sources de tension et de débordements.

A Ouaga, aux dires des observateurs (ceux de l’OIF étaient conduits par l’ancien premier ministre togolais Edem Kodjo) et des commentateurs, les choses se sont déroulées convenablement. Dans la capitale, cette consultation n’a pas mobilisé les électeurs, de plus en plus indifférents à ce qui se passe dans la sphère politique. Mais nombre « d’élites » locales ont été mobilisées pour ces élections qui se déroulent dans un contexte de renouvellement de la classe politique, y compris au sein du parti présidentiel, le CDP, dont Blaise Compaoré a confié la direction, à l’issue du 5ème congrès ordinaire (cf. LDD Burkina Faso 0297/Lundi 5 mars 2012), à son directeur de cabinet, Assimi Kouanda. Cette échéance interne majeure qu’a été l’organisation des « élections couplées » a peine terminée (on attend toujours les résultats globaux), voilà donc le Burkina Faso engagé dans la relance du dialogue inter-malien.

C’est donc aux environs de 17 heures 10 que le président du Faso a rejoint la salle polyvalente de Kosyam pour y présider ce qui restera comme le « sommet de Ouagadougou » tandis que les protagonistes de l’affaire malienne étaient déjà en place. On annoncera une rencontre brève, l’essentiel ayant été verrouillé auparavant dans les coulisses diplomatiques. Elle sera plus longue de prévue. Ce n’est qu’aux environs de 18 heures 50 que Bassolé pourra lire le texte du communiqué final devant une foule de journalistes venus de tous horizons : l’affaire malienne préoccupe bien du monde ! Toutes proportions gardées, cette rencontre de Ouaga ne manquait pas de me rappeler celle de Bamako, au tout début de la décennie 1990, quand dans la capitale malienne, sous les auspices de Moussa Traoré, Omar Bongo, le président gabonais, était parvenu à réunir dans une même pièce de l’hôtel de l’Amitié, le Libyen Mouammar Kadhafi et le Tchadien Hissène Habré avec pour témoin le président algérien Chadli Bendjedid.

Tiéman Coulibaly, ministre des Affaires étrangères du Mali, Mahamadou Djiré Maïga, chef de la délégation du MNLA, Alghabass ag-Intallah, chef de la délégation d’Ansar Dine, ont donc accepté le dialogue avec Bamako proposé par la médiation burkinabè. Un « dialogue » présenté « comme solution définitive à cette crise ». Les parties en présence se sont mises d’accord sur un programme minimum : respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale ; droits de l’homme ; dignité humaine ; libertés fondamentales et religieuses ; égalité entre les citoyens maliens ; rejet de toutes formes d’extrémisme ; respect des communautés maliennes. La « cessation des hostilités » devrait permettre l’instauration d’un « dialogue constructif » et « le retour des réfugiés et des personnes déplacées » afin de « créer un environnement de sécurité débarrassé de toutes sortes de terrorisme et de criminalité transfrontaliers ».

Le « sommet de Ouagadougou » qui, dans sa phase finale, aura duré une heure et demie, est présentée comme une première étape d’un « dialogue inter-malien ». On sait que le mode de production de Compaoré en matière de médiation est basé sur le chronogramme : fixer un cadre ; fixer des échéances ; fixer des dates. La force de cette « conférence » tient dans ce qu’elle aura été strictement africaine ; pas d’interférence étrangère et, notamment, « occidentale » si ce n’est la participation de l’OCI. Mais il est patent que l’Organisation de la conférence islamique (OCI) entend jouer sa partition dans la résolution de la crise malienne qui est, aussi, l’expression des tensions qui traversent le monde islamique. L’OCI a d’ailleurs annoncé la prochaine nomination d’un « envoyé spécial pour le Mali » et Paris accorde désormais à cette organisation une attention particulière (cf. LDD Mali 053/Jeudi 1er novembre 2012).

Reste à savoir ce que chacune des parties met derrière les mots employés par le communiqué final. Le MNLA a d’ores et déjà rappelé qu’elle exigerait une autonomie accrue du Nord-Mali afin, a dit son représentant à Ouagadougou, « être assurés de dormir tranquillement chez nous, sans être inquiétés ». Les responsables d’Ansar Dine, quant à eux, demeurent dans la discrétion. On notera aussi que ce « dialogue inter-malien » a été initié, du côté de Bamako, par le ministre des Affaires étrangères ; reste à savoir ce qu’en pensent le chef de l’Etat, le premier ministre, la classe politique, l’armée… Mais alors que beaucoup veulent la guerre*, il ne sera pas facile d’imposer la voie étroite du dialogue. Sauf à penser que les Maliens s’en emparent et exigent des protagonistes de la crise qu’ils aillent jusqu’au bout du processus « diplomatique » qui a été engagé aujourd’hui.

* Alors que le président du Faso accueillait dans sa capitale les acteurs de la crise malienne, Ally Coulibaly, regardant sa montre, me disait : « Si le timing est respecté, le président Alassane Ouattara quitte à l’instant même le palais de l’Elysée ». Effectivement, à l’issue de son entretien avec François Hollande, Ouattara, président en exercice de la Cédéao, a réaffirmé qu’une intervention militaire dans le Nord-Mali était « indispensable et dans les meilleurs délais » souhaitant « que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte rapidement une résolution pour permettre une intervention au Mali ». Ce que certains ne manqueront pas de présenter comme une incohérence sera présenté par d’autres comme la nécessaire agitation « de la carotte et du bâton ». Mais à Ouaga, en marge de la conférence et dans l’entourage du chef de l’Etat, on souriait en rapportant les propos qui circulent dans la capitale burkinabè : l’un est parti chercher des milliards (de francs CFA) à Paris tandis que l’autre s’occupe de trouver une solution à la crise malienne.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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