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Amity Meria : "L’Afrique est en train de perdre une grande partie de sa culture."

Publié le mercredi 15 décembre 2004 à 09h54min

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Elle est musicienne, auteur compositeur, choriste, enseignante de français et de lettres ... Amity Meria de son vrai nom Mariame Dramé est bien connue des mélomanes burkinabè.

Amity incarne la locomotive de la musique burkinabè. Cinq albums à son actif,elle est consacrée meilleur artiste et reçoit le trophée kundé d’or 2004 pour la seconde fois. Dans cet entretien accordé à Sidwaya Plus, la talentueuse Amity, celle qu’on dit " timide ", parle à cœur ouvert, très détendue de sa vie, sa musique,ses sources d’inspiration,ses projets et bien d’autres choses.

Sidwaya plus (SP) : Qui est Amity Meria en dehors de l’artiste que l’on connaît ?

Amity Meria (A.M.) : Rires. Je suis une femme comme toutes autres. Je fais le ménage pendant mes temps libres. Je vis le plus simplement possible à l’image de tout citoyen. Je ne me prive pas de sortir quand je veux. Je vais faire les emplettes au marché. En dehors de la musique, je vis comme toutes les autres femmes. J’ai étudié la littérature orale à la faculté des lettres de l’Université de Ouagadougou. J’ai un certificat de maitrise en lettres(option arts du spectacle).

S.P. : Qu’est-ce qui a motivé Amity à se lancer dans la musique ?

A.M. : J’ai toujours aimé chanter. J’ai chanté, depuis mon enfance. Pendant mes études secondaires, je faisais du théâtre. J’interprétais de petites chansons sur scène. C’est l’ennui au début qui m’a amenée à la musique. Il fallait que je me trouve une activité. Un jour, j’ai été avec des camarades de FAC (Faculté) écouter l’orchestre de l’Université de Ouagadougou. Je me suis amusée de temps en temps à chantonner avec eux. Finalement, en vue de sa reconstitution, l’orchestre a organisé un test à l’issue duquel j’ai été retenue. A l’époque, j’étais la seule fille de l’orchestre. J’ai commencé mes premiers pas avec l’orchestre de l’université petit à petit, j’ai décidé de faire carrière seule dans la musique.

S.P. : Est-ce que ce n’est pas difficile pour une femme d’être à la fois artiste et ménagère ?

A.M. : Non ! Je ne pense pas. Quand on ne chante pas, il faut bien faire quelque chose.

S.P. : Vous avez dans votre répertoire cinq (5) albums. Quand vous regardez dans le rétroviseur, qu’est-ce que cela vous fait ?

A.M. : Je pense que chaque album a sa couleur. Chaque album correspond à un moment de ma vie d’artiste. Chaque album a également ses souvenirs. Généralement, je ne retiens que ceux qui sont bons. Au fil du temps, j’ai pu réaliser certaines choses que je n’avais pas à mes débuts. Quand je produisais mon premier opus, c’était très difficile. On n’avait pas d’unité de duplication si bien qu’il fallait se déplacer dans les pays voisins. Aujourd’hui, nous avons tout sur place. Je pense que c’est un plus.

Avec le temps, j’ai essayé d’améliorer sur un plan technique ce que je fais. Il y a (5) ans j’enregistrais dans un studio de seize pistes en bande, aujourd’hui je le fais dans un studio numérique avec toutes les possibilités et la qualité sonore requise. Techniquement, je peux affirmer que ma musique a évolué. Mais sur le plan artistique je ne peux pas me juger, je laisse aux personnes qui ont pu découvrir mes œuvres, de le faire à ma place.

S.P. : L’album "Maya" a été produit récemment en CD, CD vidéo, K7. C’est une première. Quel est le secret de Amity ?

A.M. : C’est une première, il est vrai. Mais je pense qu’il fallait le faire. L’album a coûté plus de 25 millions. Ailleurs, pour accéder à certains marchés, ou même pour être actuel, il faut disposer de CD-vidéo, de CD-Rom. J’ai pensé utile de le faire... Et je me suis jetée à l’eau. J’espère que beaucoup d’autres artistes vont emboîter le pas. Je ne peux pas dire qu’il y a un secret à cela. Certaines sociétés m’ont soutenue dans la réalisation de l’œuvre. Je tiens à les remercier. Si elles continuent à me soutenir, c’est parce que j’essaie d’honorer au maximum les exigences qu’elles attendent de moi. Un climat de confiance s’est installé entre nous. 80% du budget est venu de ce soutien.

S.P. : Maya a connu un succès éclatant. Vous avez été primée Kundé d’or 2004. Est-ce qu’on peut dire que c’est la consécration pour Amity ?

A.M. : (Grands rires) La musique n’est pas à l’image des sciences pures où 1+1 font 2. C’est du domaine de la sensibilité. Pour moi, les prix sont importants, mais je pense qu’ils doivent davantage être un stimulant pour continuer dans la musique. J’ai toujours eu la tête sur les épaules, les deux pieds sur terre également. C’est une étape importante. Toujours est-il que je n’ai pas mérité plus que les autres artistes. Nous avons tous les mêmes problèmes. Peut-être que les opportunités se sont offertes aux uns et aux autres différemment. C’est la chance qui m’a permis d’être primée Kundé d’or 2004.

S.P. : Amity chante très souvent en dioula, est-ce que cela ne pose pas des problèmes de compréhension à l’extérieur du Burkina ?

A.M. : C’est une chance pour moi que de chanter dans ce dialecte. Le dioula est une langue sous-régionale (Mali, Guinée, Côte-d’Ivoire, Sénégal..), je peux dire que la musique n’a pas de frontière. Nous sommes des Africains. A ce titre, il nous importe de chanter dans nos langues. Parce que notre public est en Afrique. Par rapport aux messages que je véhicule, des traductions peuvent se faire. Si bien que quand je vais au-delà de l’Afrique on prend le soin de les traduire. Cela permet aux mélomanes d’avoir une idée générale à l’avance des titres de chaque album.

S.P. : Généralement Amity chante pour l’amour, la paix. Qu’est-ce que cela signifie ?

A.M : Au départ, l’homme est amour. L’amour est au centre de toute vie. Une personne n’est pas d’office bonne ou méchante. Seules les circonstances dictent les penchants. Je chante la paix parce que nous sommes appelés à vivre en société. On dit que l’homme est un être social et sociable. C’est une manière pour moi, de prôner la tolérance, l’humanisme. Il faut qu’on puisse se côtoyer dans une certaine harmonie. Il est vrai que les cultures véhiculent des visions différentes. Mais, il y a quand même des grandes lignes qui se dessinent en l’homme. De celles-ci, figurent la paix. Elle est la source de tout épanouissement, de tout développement.

S.P. : Est-ce que le cœur de Amity serait-il déjà pris ?

A.M. : (Grands rires) Bien sûr. C’est déjà pris depuis longtemps. J’estime qu’on ne peut aimer qu’une seule personne. Sur ce plan, je pense qu’il n’y a rien à dire. Sinon l’amour est là. On peut le donner à un enfant, à une personne souffrante.

S.P. : Dans un de vos titres figure "Je t’en prie" est-ce que ce serait une expression de votre personnalité, votre vie ?

A.M. : Il y a un peu de ma personne là-dedans. Mais, il y a tout le monde en réalité. Quand je dis que les caresses me donnent la nausée, c’est une manière de parler. Je veux dire que certains voient la vérité en face et feignent de l’ignorer. C’est en fait, l’hypocrisie que je dénonce. Je m’inspire de la vie de tous les jours pour ce qui est des thèmes et de la tradition orale. L’Afrique est en train de perdre une grande partie de sa culture. Parce qu’elle n’a pas bénéficié d’écriture. C’est pourquoi, en tant qu’artiste, je me suis donné pour mission de valoriser une chanson traditionnelle existante. J’essaie de mettre ces chansons sur support en vue de les préserver.

S.P. : Oui, mais, on reproche à Amity de tirer la plupart de ces titres de chansons populaires...

A.M. : Moi, je pense que c’est de la calomnie. De la manière dont on exploite ces chansons, c’est vraiment un travail de recherche. Ce travail me prend énormément de temps par rapport à mes propres compositions. De plus, ces chansons ne sont pas platement rapportées telles qu’elles existent dans la tradition. Cela suppose qu’il y a eu un travail. Présentement, j’ai une cinquantaine d’œuvres déclarées dont trois ou quatre sont tirées de la tradition. Je ne dis pas que c’est une bonne chose. J’aurais pu mieux faire. Prendre trois ou quatre chansons sur 50 officielles, de là à dire que je tire ou copie les chansons traditionnelles, je trouve que cela est anormal.

Je pense qu’en tant qu’Africain, c’est une chose que l’on devrait encourager. Pour preuve, lorsque je le fais, il y a des organismes qui m’encouragent à aller dans ce sens. Je crois que c’est un moyen pour moi de valoriser la culture africaine. Je n’ai aucun complexe pour cela. Etant donné que c’est mon identité culturelle.
C’est à travers ce travail que je me reconnais. Je vais continuer dans ce sens malgré toutes les calomnies.

S.P. : Comment Amity se perçoit dans le landerneau musical de notre pays ?

A.M. : Je suis aux côtés des autres et avec eux, nous sommes nombreux. Chacun essaie de se faire une place dans le respect de son prochain. Je ne sais pas comment je suis ni comment le public me voit.

S.P. : Est-ce que votre musique ne vise pas un autre public que celui du Burkina Faso ? On voit que le "Coupé-décalé" a pris le pas alors que vous restez dans la musique douce.

A.M. : L’essentiel pour un artiste, c’est de se retrouver à travers ce qu’il fait. C’est tout le contraire de chercher à ressembler à qui que ce soit, et de faire forcément ce qui est à la mode. Si j’ai pu tenir jusqu’à présent c’est parce que j’ai toujours mis l’accent sur cet aspect. Je veux me reconnaître à travers mes œuvres et non orienter ma musique vers le sens de la mode. Je trouve tout cela assez éphémère.

Pour ma part, j’essaie de mettre un accent particulier sur mes messages. Parfois, ils sont même hermétiques. Il faut les décortiquer pour comprendre leur sens profond c’est une démarche artistique. Je suis libre et je m’y retrouve parfaitement. Je mets l’accent sur la mélodie et les nuances parce que beaucoup d’artistes ne le font pas. L’Afrique, c’est aussi le rythme. Dans mes chansons, j’essaie de mettre une ou deux dans ce sens. J’apporte toujours un plus dans ma manière de chanter. Je ne suis pas la mode.

S.P. : Comment Amity est accueillie à l’extérieur du Burkina ?

A.M. : J’ai mon public. Généralement, les sorties à l’extérieur se passent très bien. J’en garde de très bons souvenirs, notamment au Mali, au Niger, en Côte d’Ivoire et même au-delà du continent, en Allemagne, en France...Partout où je suis allée, je n’ai pas été déçue. Et j’espère que cela va perdurer.

S.P. : Benson Diakité est votre producteur, comment cela est-il arrivé ?

A.M. : Je précise que M. Benson Diakité est le producteur délégué. C’est lui qui se charge des contacts et des finances lorsque je dois entrer en studio ou produire avec des artistes. Nous nous sommes rencontrés lors d’un FESPACO. Je n’ai plus souvenance de l’année. Mais, je dois dire qu’il y a très longtemps (peut-être huit ans). J’avais un ami qui me l’a présenté et lui a fait écouter auparavant mes œuvres. Je crois que c’était l’album "Kanu" . Et M. Diakité a tout de suite cru en ce que je fais. La confiance s’est donc installée entre nous.

Finalement je le considère aujourd’hui comme mon frère. M. Diakité se charge de me trouver des contrats. C’est l’occasion pour moi de le remercier pour tout ce qu’il fait. Il y a beaucoup de personnes qui m’appuient dans ce sens.

S.P. : Quel bilan faites-vous de votre carrière musicale ?

A.M. :( Rires) Dans la vie, il y a des difficultés à tous les niveaux. J’aurais pu être intégrée à la Fonction publique ou travailler dans un bureau. Je ne regrette pas d’avoir choisi de faire carrière dans la musique, j’ai produit quelques albums qui ont plus ou moins connu le succès. C’est l’espoir qui me fait vivre. J’espère à chaque album que ça ira mieux que le précédent. Et que j’aurais plus de possibilités sur les plans techniques, artistiques. Je pense que ma carrière continue. Pour ce qui est de l’album Maya, il a été confronté à pas mal de difficultés. Malheureusement, nous avons été victime de piraterie. Nous vivons une situation difficile (financièrement). Mais nous travaillons avec des partenaires à écouler nos produits.

L’album est distribué au Burkina, et dans certains pays de la sous-région et en Europe. L’album n’a que quelques mois. Nous sommes en train de négocier des accords de distribution pour les Etats-Unis.

S.P. : Est-ce que Amity a fait fortune dans la musique ?

A.M. : (Grands rires) C’est très difficile de faire uniquement la musique et d’y faire fortune. J’essaie de réinvestir le peu que je gagne dans d’autres activités. Ce n’est pas l’argent qui fait la personne humaine. Grâce à la musique j’ai rencontré beaucoup de personnalités merveilleuses. J’ai vécu beaucoup de situations très agréables. Je côtoie des gens tous les jours. Cela est très important pour moi.

S.P. : Est-ce qu’on peut savoir dans quel domaine Amity investit ses sous ?

A.M. : ’Grands rires) Non ! Un artiste comme moi peut investir dans quel secteur au Burkina ? Je veux dire qu’il faut relativer les choses. Je ne gagne pas de grosses fortunes. C’est juste ce qu’il faut. J’investis dans des actions par exemple et dans d’autres domaines.

S.P. : Il semble que vous avez un maquis. Est-ce que c’est vrai ?

A.M. : Oui ! J’ai de petites réalisations en ville telles des salons de beauté. Mais, je ne m’occupe pas personnellement de la gérance.

S.P : On reproche à Amity d’être timide, de ne pas bouger sur scène...

A.M : Comment ? Nous sommes en train de discuter. Est-ce que j’ai l’air timide ? Il est vrai que je suis de nature calme. Je ne suis pas timide. Il faut m’approcher pour savoir qui je suis au fond. Je ne suis pas d’avis de bouger sur scène pour bouger. Les artistes ne sont pas les mêmes. Une mélodie de "Farafina" est à la fois très importante et difficile à chanter. Je vis ce que je chante sur scène. Si une chanson de par la mélodie, les nuances... ne se prête pas à mimer l’amour devant le public, je crois qu’il faut s’abstenir.

Le contexte de la chanson m’impose un comportement. La musique ne se limite pas à tourner constamment sur la piste. Il faut laisser le choix à chaque musicien de tracer sa voie. C’est cet ensemble qui fait la beauté, la diversité de la musique. Je suis de nature forte de caractère. J’ai vécu pas mal de situations. Que ce soit sur le plan artistique et même de la vie. En tant qu’artiste, je suis liée aux journalistes. Mais, je n’aime pas parler de ma vie privée.

S.P : Comment Amity vit avec son entourage ?

A.M : Non ! Tout va bien. Je n’ai pas de problème particulier. Je vis comme tout le monde.

S.P : Mais, on dit que Amity s’est mariée récemment. Est-ce que c’est vrai ?

A.M : (Grands rires) Ça peut être vrai comme ça peut ne pas l’être. Je veux garder le mystère. Ce n’est pas très important. Quand le moment viendra, j’en parlerai.

S.P : Quel est le secret de Amity pour garder sa beauté ?

A.M : Non ! non ! Là, vous vous amusez ! Je ne suis pas sûre (grands rires).

S.P : Oui mais, est-ce qu’il arrive que Amity soit accostée par un fan dans la rue

A.M : Oui. Très souvent. Ce sont des situations qu’il faut gérer. Ça dépend de la manière dont la personne m’aborde. J’essaie d’être au maximum à l’écoute des gens.

S.P : Quel est le plus grand souvenir que Amity garde de sa carrière d’artiste ?

A.M : Silence. Pendant le quarantième anniversaire des Forces armées nationales, j’ai été émue de voir mes titres, Na-djimbi, djé-N’gada joués par la fanfare. J’ai été profondément touchée de voir nos vaillants soldats marcher au rythme de ma musique. Depuis que je fais la musique, je n’ai jamais pensé qu’on me remarquait. L’armée c’est la nation, vous savez. C’est aussi l’unité et le sentiment national. J’avoue que ce jour j’ai fondu en larmes, tellement j’étais heureuse. C’est l’un des plus grands et beaux souvenirs que je garde.

Nadoun S . COULIBALY (coulibalynadoun2002@yahoo.fr)
Sidwaya Plus

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Vos commentaires

  • Le 28 décembre 2004 à 07:04, par Ken Marcus, journaliste culturel En réponse à : > Amity Meria : "L’Afrique est en train de perdre une grande partie de sa culture."

    Je crois qu’il ne faudra pas reproduire l’erreure de Sidwaya + disant dans le chapeau ( ou c’est la votre) que Amity Meria je cite :" Cinq albums à son actif,elle est consacrée meilleur artiste et reçoit le trophée kundé d’or 2004 pour la seconde fois". Il faudra dire que Amity n’a remporte qu’une seule fois le kunde d’or. Elle a remporter des kundes de categorie mais pas deux fois le Kunde d’Or.

  • Le 7 janvier 2005 à 05:45, par Malaika En réponse à : > Amity Meria : "L’Afrique est en train de perdre une grande partie de sa culture."

    Par la présente, je voudrais féliciter Amity pour son parcours et le travail qu’elle a accompli. Malgre les critiques parfois féroces, elle a continué de travailler très fort. C’est bien de croire en ce que l’on fait, les artistes aiment souvent dormir sur leurs lauriers mais tel n’est pas son cas. Malgré le talent qu’on peut avoir, le travail et encore le travail demeure la seule clé du succès.
    Bien que je ne sois pas d’accord avec certaines de ses affirmations dans cet interview (’’L’Afrique qui n’a pas bénéficié de l’écriture’’ par exemple), je soutiens son souci de préserver les cultures africaines et l’encourage a continuer.

    Une Promotionnaire de Fac.

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