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Editorial de Sidwaya : Elections, à chacun son rôle

Publié le lundi 12 novembre 2012 à 00h44min

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Editorial de Sidwaya : Elections, à chacun son rôle

Le samedi 17 novembre prochain, 74 partis se lanceront à la conquête de l’électorat. Plus de 4,426 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales des législatives et des municipales, soit 55% des populations en âge de voter. Celles-ci attendent de connaître les programmes des prétendants aux fauteuils de députés ou de conseillers. Les habitants des villes, villages et hameaux de culture se verront courtiser par des politiciens qui veulent se faire élire le 2 décembre 2012, parmi les 127 députés (au lieu de 111) et les conseillers municipaux qui désigneront à leur tour, les maires des 302 communes rurales et des 49 communes urbaines.

Du 17 au 30 novembre prochain, ce sera donc la bataille des idées, des programmes et stratégies politiques. Les enjeux sont grands. Une campagne électorale est une période d’agitation politique particulièrement sensible. Chaque parti en lice ou chaque candidat pris individuellement, doit savoir raison garder et faire preuve de maturité pour préserver la cohésion sur toute l’étendue du territoire burkinabè. C’est une compétition. Il y aura des heureux, des malheureux, des frustrés à l’issue de ce scrutin.

Ce n’est pas pour autant que la marche de l’histoire du Burkina Faso devra s’arrêter. De grandes nations comme les Etats-Unis qui dépassent le Burkina de près 20 fois en population (en 2012, les Etats-Unis comptent plus de 316 millions d’habitants et constituent le troisième pays le plus peuplé du monde après la Chine et l’Inde), réussissent à organiser des scrutins paisibles, propres et acceptés de tous. Le Burkina Faso ne doit pas figurer dans les fiches des analystes politiques comme le parfait mauvais exemple !

Pour cela, les partis politiques doivent jouer un rôle primordial en appelant leurs militants à proscrire la violence, les injures, les accusations mensongères, le dénigrement,…
Les élections à venir relèvent de l’inédit ! En effet, c’est la première fois que des élections couplées sont organisées au Burkina Faso. C’est aussi la première fois qu’autant de partis politiques se sont engagés pour des élections. L’enrôlement biométrique est également une spécificité de ce scrutin, toute chose qui renforce son caractère inédit. Face à l’inconnu, les sages enseignent la prudence. Nul n’ignore les dangers d’une élection bâclée. Chacun doit mettre du sien pour que ces élections soient apaisées, transparentes et saluées par tous.

Au-delà des partis politiques, il est du devoir de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de jouer pleinement son rôle. Du niveau central au niveau décentralisé, l’institution doit veiller à traiter les partis avec le même égard. Les agents de l’institution électorale ne doivent pas céder à la pression ou à la provocation. Nul doute que la CENI sera la cible de partis qui n’ont rien à perdre. Déjà, la CENI semble jouer sa partition en communiquant autant qu’elle peut. Le système biométrique qui permet de reconnaître chaque individu à partir de ses empreintes digitales et de ses caractéristiques faciales, réclamé à cor et à cri par certains partis, même s’il n’est pas infaillible, devrait cependant permettre de limiter les cas de fraudes.

La CENI a par ailleurs contribué à la mobilisation des électeurs tout en multipliant ses rencontres avec tous les acteurs. Elle fait preuve de sa volonté de réussir les élections du 2 décembre 2012. Il lui reste à présent de tout mettre en œuvre pour savoir gérer le moment crucial en déployant les hommes et le matériel électoral à temps et partout dans les bureaux de vote. En outre, elle devra veiller à éviter la suspicion en ne faisant pas traîner la publication des résultats. Quelle que soit la lenteur que connaîtront les opérations de dépouillement, l’institution gagnera à publier les résultats le plus tôt possible.

C’est la seule façon d’éviter les accusations de manipulation ou de trucage des résultats électoraux. L’écrivain et dessinateur algérien, Chawki Amari, nous enseigne d’ailleurs : « Quand on truque des élections, on retire sciemment à toute une population le droit d’avoir un avis ». La CENI ne peut pas et ne doit pas faillir à sa mission d’offrir au peuple burkinabè un scrutin propre. Elle doit tout faire pour démentir ce proverbe créole qui dit : "Une élection sans fraudes, c’est un court-bouillon sans piment.".
Tirant leçon de ce qui s’est passé sous d’autres cieux (élection présidentielle kenyane du 27 décembre 2007, plus de 1 500 morts et environ 300 000 déplacés en février 2008), nous préférons plutôt un court-bouillon qui ne provoque pas de troubles gastriques. Il nous faut des élections paisibles, qui renforcent notre démocratie.

D’autres acteurs et pas des moindres, qui ont un rôle éminemment crucial dans le bon déroulement des élections couplées, sont les hommes et femmes des médias. Les médias ne doivent pas se substituer aux partis politiques. Chacun a son rôle à jouer. Tout journaliste à le devoir, en tant que professionnel, de contribuer au succès des élections. Cela passe par le respect des règles d’éthique et de déontologie qui régissent la profession. Les médias engagés dans ces élections doivent redoubler d’effort et de vigilance en cette période d’incertitude et de risque.

Le traitement partial, la diffamation et les errements journalistiques de nature à mettre en péril la paix sociale, doivent être proscrits. Nous devons connaître nos limites tout en faisant de façon professionnelle notre travail. Il est primordial que les journalistes aient des repères professionnels, éthiques et déontologiques pour diffuser une information juste et équilibrée sur les candidats, les programmes, le processus électoral, et donnent à chaque citoyen burkinabè, les clefs nécessaires pour comprendre son pays, les enjeux du scrutin et définir son vote. En tant qu’intermédiaires entre, d’un côté, les électeurs et, de l’autre, les candidats et les partis politiques, les médias constituent un relais essentiel.

Ce relais doit aller dans le sens de la recherche de la vérité, car une information erronée peut fausser une élection. C’est pourquoi, nous devons résister aux pressions extérieures. Le peuple burkinabè attend de nous que nous nous placions « au dessus de la mêlée » des partis et que nous traitions avec la même impartialité, quelle que soit la sympathie ou l’antipathie que peut nous inspirer un candidat.
Pour résister à ces pressions et être à la hauteur de l’enjeu, nous devons nous en remettre au principe de base de notre métier : la déontologie composée d’un ensemble de règles morales et de notre éthique-qui gèrent notre conscience professionnelle.
Les élections couplées à venir peuvent représenter un facteur d’affirmation et de consolidation de notre processus démocratique, tout comme elles peuvent se transformer en une menace contre la paix et la stabilité de notre pays.

Convaincu que la trajectoire empruntée par chaque pays dépend notamment du degré d’engagement des parties prenantes aux processus électoraux : médias, autorités politiques, institutions, partis politiques, population, société civile, nous en appelons à la responsabilité de chacun. Les électeurs doivent pouvoir faire un choix éclairé et responsable, car une élection libre et juste n’est pas simplement le fait de déposer un bulletin de vote dans des conditions adéquates. Elle l’est surtout quand les électeurs ont eu accès à suffisamment d’informations sur les partis politiques, les candidats et le processus électoral. Cette mission incombe aux journalistes, alors sachons ensemble faire prévaloir l’intérêt général, celui du Burkina Faso.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)

Sidwaya

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