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La Presse et la Justice entre deux excès !

Publié le mercredi 7 novembre 2012 à 01h24min

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Parce qu’il est si lourd et même extrêmement lourd, il pose de sérieux problèmes qui vont au-delà des protagonistes eux-mêmes.
Mais, disons-le tout net, notre confrère Issa Lohé KONATE est en faute dans le fond comme dans la forme. Il l’a reconnu publiquement à la barre et même bien avant dans une lettre de demande de pardon adressée au Procureur du Faso.

Bien pire, si nous pouvions nous targuer de dire qu’aucune peine d’emprisonnement n’a été prise depuis des décennies, ce n’est plus le cas depuis ce 29 octobre 2012. Il faut croire que notre justice n’est pas suffisamment mûre pour accepter le principe de dépénalisation des délits de presse.

Depuis le lundi 29 octobre dernier, le Burkina Faso a son journaliste en prison ! Un fait bien singulier, puisque le dernier du genre remonte à plusieurs dizaines d’années.

Douze(12) mois de prison ferme avec mandat de dépôt à l’audience, six (6) mois de suspension de publication du journal, quatre (4) millions de FCFA de dommages et intérêts,… ; rien moins que ça ! Tel est le verdict du procès que le Procureur du Faso près le Tribunal de Grande instance de Ouagadougou, M. Placide NIKIEMA, a intenté contre le Directeur de Publication de L’Ouragan, M. Issa Lohé KONATE et un de ses collaborateurs, M. Roland OUEDRAOGO. L’objet est un délit ! Une série d’articles du journal reconnus par le Tribunal correctionnel de Ouagadougou comme des « faits de diffamation, d’injures et outrages à magistrats par voie de presse ».

Autant le verdict surprend par sa sévérité, autant le fait lui-même surprend, puisque personne n’a rien vu venir si ce n’est au dernier moment (la semaine dernière réellement) alors que les articles incriminés datent d’août.
Assurément le verdict est lourd ; lourd du fait de la condamnation pénale, lourd du fait des millions réclamés, lourd pour les journalistes reconnus coupables, lourd pour le Burkina Faso, qui, après des dizaines d’années, risque de se retrouver sur les tablettes des organisations de protection de la liberté de presse, lourd pour la presse nationale et ses associations socioprofessionnelles qui militent pour la dépénalisation des délits de presse, lourd pour la société civile qui a toujours été sensible à tout ce qui touche la presse. Parce qu’il est si lourd et même extrêmement lourd, il pose de sérieux problèmes qui vont au-delà des protagonistes eux-mêmes.
Mais, disons-le tout net, notre confrère Issa Lohé KONATE est en faute dans le fond comme dans la forme.

Il l’a reconnu publiquement à la barre et même bien avant dans une lettre de demande de pardon adressée au Procureur du Faso. Pour donner plus de poids à cette démarche, il l’a fait adouber par des organisations professionnelles que le Procureur du Faso a bien voulu recevoir le 25 octobre dernier. Auparavant, ceux-ci, l’Observatoire burkinabè des médias (OBM), la Société des Editeurs de la presse privée (SEP), l’Association des Retraités de la Communication et de l’Information (ARCI) et l’Association des Radios et télévisions communautaires du Burkina (ARTCB), lui ont clairement exprimé leur étonnement et leur vive réprobation devant la désinvolture et le manque de professionnalisme flagrant des articles incriminés.

C’est fort de cela que toutes ces organisations ont pris sur elles de rencontrer M. Placide NIKIEMA pour non seulement appuyer la demande de pardon des journalistes en cause mais lui exprimer leur compréhension dans sa recherche de réparation et lui dire que toute la profession était d’avis qu’il avait raison mais qu’elle souhaitait sa clémence pour donner plus de crédit à son combat pour plus de professionnalisme. Malheureusement ce discours n’a pas reçu l’effet escompté, le Procureur du Faso lui opposant sa légitime douleur et son besoin de justice. Attitude d’ailleurs qu’il adoptera au procès dont l’intérêt, il faut le dire, n’était pas de savoir si le Procureur avait raison et les journalistes torts, mais bien de savoir comment se comporterait l’institution judiciaire alors que d’une part, un des siens est partie et que d’autre part, il s’agit de punir des journalistes.

Et il semble que sa main n’a pas tremblé puisqu’elle n’a pas fait dans la nuance ni dans la dentelle provoquant, chez nombre d’acteurs de la scène sociopolitique, un sentiment de gêne et d’incompréhension. En effet, ils sont nombreux à estimer la sanction excessive, voire disproportionnée ; certains se demandant d’ailleurs si elle aurait été la même le cas où le plaignant serait une toute autre personne que le Procureur du Faso, tandis que d’autres s’interrogent sur l’opportunité qu’il y a dans le contexte actuel à emprisonner des journalistes. C’est à se perdre en conjectures et à se demander si cette « victoire » de M. NIKIEMA n’aura pas en définitive un goût amer parce qu’il est évident que les choses n’en resteront pas là. En effet, il faut craindre que l’adage selon lequel un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ne siffle à des oreilles d’ici peu, car, manifestement, la Presse et la Justice se retrouvent toutes deux otages de deux excès !

Si l’on avait espéré que le monde judiciaire fût naturellement de corps avec celui des médias pour civiliser les débats dans la cité, il faut croire qu’il n’en est rien. Va-t-on pour autant assister à un duel corporatiste entre magistrats et journalistes ? Ce serait la pire des bêtises même s’il est tout à fait naturel que les derniers cités s’émeuvent et s’investissent dans le sens de ramener les sanctions dans des proportions raisonnables étant entendu qu’ils sont d’accords que leurs confrères sont en faute.

Par ailleurs, il est évident que la sanction d’emprisonnement va totalement à contre-courant de la tendance générale actuelle dans les pays démocratiques. En effet, presque partout, on travaille à expurger les peines privatives de liberté des journalistes des textes législatifs. Notre pays qui était largement en tête dans le mouvement est maintenant à la traîne, tous les pays de la sous-région ayant adopté des réformes dans ce sens. Bien pire, si nous pouvions nous targuer de dire qu’aucune peine d’emprisonnement n’a été prise depuis des décennies, ce n’est plus le cas depuis ce 29 octobre 2012. Il faut croire que notre justice n’est pas suffisamment mûre pour accepter le principe de dépénalisation des délits de presse.

Dans cette affaire, elle n’est pas seulement juge et partie ; elle est aussi coupable ! Coupable d’avoir envoyé des journalistes en prison ! Un argument de plus pour une adoption diligente des textes révisés. Il faut donc que le législateur agisse vite pour que nous aussi nous puissions rejoindre le cercle de plus en plus grand de ceux qui pensent que la place du journaliste ce n’est pas derrière les barreaux !

Cheick Ahmed (ilingani2000@yahoo.fr)

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 7 novembre 2012 à 08:30, par Nestor En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Encore et encore des...
    Je vous dis qu’au Burkina Faso, ce n’est pas la justice qui n’est pas mure pour aller vers la dépénalisation, mais c’est la presse dans sa grande majorité qui n’est pas encore suffisamment professionnelle pour qu’on la lui accorde. Imaginez que des journalistes usent à longueur de journée de leur plume pour abuser, déformer, insulter, mentir (je pèse mes mots) tout simplement pour assouvir leur penchant partisan. De plus en plus, la presse Burkinabè devient je dirais trop partisane toute chose qui ne lui permet plus de faire du journalisme. Quand on relit les articles incriminés, on se rend bien compte que le journaliste à plus fait valoir ses sentiments personnels que l’objectivité tant recherchée. De deux choses l’une : soit le journaliste n’est pas suffisamment professionnel auquel cas il faut lui retirer ca carte de presse ; soit il est mal intentionné et il faut le punir par rapport à la loi. Je trouve que c’est très bas que les mêmes journalistes qui crient chaque jour pour une justice ferme soient encore ceux là qui s’émeuvent lorsque la justice veut être juste. C’est le cas aussi dans l’affaire des étudiants sanctionnés de Koudougou. Le sentiment de l’excès et l’expression insolente, impolie et outrageante qui caractérise certains leaders sous le manteau d’une quelconque responsabilité syndicale doit s’arrêter.
    Chers confrères, loin de moi l’intention de vous juger, d’ailleurs il y a de bons journalistes heureusement. Mais nous devons avoir le courage de nous critiquer nous-mêmes. Notre crédibilité en dépend.
    Ne pensez-vous pas que c’est très facile de commettre intentionnellement des impairs et revenir demander pardon. Il faut dire non à ces habitudes non exemplaires.
    La dépénalisation peut même se décrétée par les journalistes eux-mêmes : le professionnalisme.
    Bon, je suis d’accord que ce n’est pas facile d’être emprisonné !
    Bref, c’est un point de vue assez personnel. Que ceux qui sentiraient offensés m’en excusent.
    Pour tous ceux qui ne partagent pas cette réflexion, aucun souci nous pouvons continuer la discussion dans le respect mutuel et dans l’objectivité chère au métier.

  • Le 7 novembre 2012 à 10:05, par Dati99 En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    C’est bien fait pour les fautifs,vous dites du bordel dans les journaux sans chercher à recouper vos souces d’informations. Il est facile d’incriminer,il n’est pas facile d’accepter un pardon.Regardez comment vous mettez le feu dans l’affaire des etudiants de Koudougou.Je suis entièrement d’avis avec le Procureur.Chercher plutôt à construire le Burkina qu’à mettre le feu à la paille.Merdeeeee !!!

  • Le 7 novembre 2012 à 10:10, par Yeux rouges En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Nestor je n’ai plus rien a dire tant ton analyse est pertinente. J’épouse a 100% ton point de vue et ta brillante reflexion Merci

  • Le 7 novembre 2012 à 11:20, par NIRSIZA En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Nestor et Dati99, je suis très d’accord avec ce que vous avez dit. Regardez, on n’a même pas encore dépénaliser les délits de presse et voyez comment des journalistes se comportent. C’est plutôt la presse qui n’est pas mûre pour la dépénalisation et non la justice. Moi je trouve même que la peine n’est pas suffisante

  • Le 7 novembre 2012 à 12:33 En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    si un médecin est condamné pour les impaires commis dans son travail, pourquoi un journaliste devrait être dépénalisé. quelle est la spécialité de sa fonction qui mérite qu’on ferme les yeux sur ces égarements. la question de la dépénalisation des délits de presse est une absurdité. si tout citoyen est poursuivi pour délits liés à sa fonction et à son travail, je ne vois pas pourquoi certains voudraient en être exemptés. la dépénalisation des délits de presse n’est autre qu’une licence accordée aux journalistes qui peuvent se foutre mal de quiconque sans qu’on ne bronche un i. que les journalistes cherchent à faire bien leur travail et ils n’auront pas à craindre la justice et la prison. qui doit être en prison et qui ne doit pas y être ? arrêtez-nous chers journalistes cette aberration.

    • Le 7 novembre 2012 à 13:14, par Le vrai journaliste En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

      Mes freres je suis fier de vos comentateurs. Vous au moins vous savez ce que veut dire Etat de droit. Le directeur de l ouragan est un fossoyeur de la liberte de la presse. Pourquoi le directeur de l observateur ou du pays n a jamais ete en prison ? Liberte de la presse ne signifie pas irresponsabilite, ! sI vous lisiez son article , vous comprendrez que ce type ne merite pas le titre de journaliste

  • Le 7 novembre 2012 à 15:39, par Gouwendpoulmdé En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Vouloir une chose et son contraire en même temps. La justice pour soi mais pas pour les autres……
    Oui à la justice mais de quelle justice alors ? Les sanctions ne sont-elles pas celles prévues par la loi et juste appliquées par les juges ?
    Les auteurs de l’article veulent coûte que coûte opposer la justice et la presse en assurant en filigrane qu’ils auront le dernier mot. Des menaces à peine voilée POURQUOI ? La presse…la justice…….la justice……la presse …..ca veut dire quoi Mr dans une affaire de ce genre ? C’est vrai que vous êtes des faiseurs de TOUT, et vous n’allez pas rater le procureur comme bien d’autres avant lui. C’est pourquoi justement la dépénalisation des délits ne doit pas être pour aujourd’hui au BF comme ailleurs en raison des contextes
    Si vous êtes vraiment professionnelle, personnellement je militerai pour la suppression des peines d’emprisonnement mais pour l’instant je retiens qu’en raison de ce manque de professionnalisme, la presse tue (au vrai sens du mot) et endeuille des familles, discrédite des personnes respectables, des enfants sont renvoyés d’école suite de déchéance apportée dans sa famille par un article assassin, etc. Tout meurtrier doit être puni à la hauteur de son acte comme n’importe quel autre meurtrier. Le mal est parfois si profond que l’emprisonnement pourrait même être une bénédiction pour le journaliste, sinon bonjour la justice privée, non souhaitée, non souhaitable. Et c’est pour cela aussi, là je suis d’accord, qu’il faut une vraie justice au BF.
    C’est vrai, la place du journaliste n’est pas derrière les barreaux. Attention ! Dans certaines situations, elle pourrait être aux cimetières. Alors… ? Améliorez vous, en tout cas pour certains d’entre vous et vous serez accompagné hors des barreaux. C’est aussi dans votre intérêt.

  • Le 7 novembre 2012 à 15:49, par Makiindé En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Bravo Placide, faut même pas te faire des soucis. Tout ça c’est woba woba. Si d’aventure un autre canard se comporte mal suite à cette affaire n’hésite pas, envoie le au gnouff. Il nous font chier ces journaleux qui pilulent. A bas les journalistes mille collines et vive le journaliste professionnel. Web c’est mon point de vue stp quitte dans ça. laisse passer

  • Le 7 novembre 2012 à 17:40, par yamsoba En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    la sanction prononce par le juge n’est-elle pas conforme à ce qui est prévue par la loi ??? le délit reconnue par ce "journaliste" n’est -il pas aussi grave ???
    Alors cher "journaleux" arrêter de vouloir une chose et son contraire !!!

  • Le 7 novembre 2012 à 17:45, par yamsoba En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    la sanction prononce par le juge n’est-elle pas conforme à ce qui est prévue par la loi ??? le délit reconnue par ce "journaliste" n’est -il pas aussi grave ???
    Alors cher "journaleux" arrêter de vouloir une chose et son contraire !!!

  • Le 7 novembre 2012 à 18:03, par la verité En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    tant que guiro n a pas eté jugé arêté de mettre les journalistes en prison car vous les juges vous n ètes pas des exemples

  • Le 7 novembre 2012 à 18:06 En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Qu’il purge sa peine ! La diffamation a un prix. Demain, chaque journaliste fera attention à ce qu’il écrit en ne se disant pas que malgré la loi, ses confrères sauront le défendre.
    Qu’il purge sa peine.
    Bravo, M le Procureur, pour l’exemple.

  • Le 7 novembre 2012 à 21:57, par Djidouhaline En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    En dehors du fait que je suis pour la dépénalisation des délits de presse ma principale critique va en l’encontre de ces organisations de journalistes qui n’ont pas joué leur rôle en rappelant M. Lohé Issa à l’ordre depuis le premier article. Ils ont laissé ce monsieur salir l’honneur et la réputation d’un homme. Après la parution du premier article ils n’ont pas intervenu pour mettre ce dernier au pas. C’est facile après de venir demander pardon. je pense que le procureur avait tout à fait raison de demander que justice soit rendue. Maintenant pour ce qui est de la peine je l’a trouve disproportionnée et absurde (emprisonnement, 4 millions de Dommages Itérêts et 6 mois de fermeture c’est exagéré).

  • Le 7 novembre 2012 à 22:47, par Lesecours En réponse à : La Presse et la Justice entre deux excès !

    Cheick Ahmed, tu as dit vrai : ton confrère a tort et le procureur a raison. Mais dans toute affaire :« sachons raison garder ». La colère, l’indignation sont des sentiments humains. Mais, je pense que les interventions auprès de Mr P. N. au nom de L. K. auraient dues atténuer le coeur de.... Mais hélas ! Par j’avoue être contre la dépénalisation des délits de presse. On le voit en occident, les médias s’en servent pour attiser l’intolérance vis-à-vis du culte, du prophète et du monde musulman. Chaque homme de métier doit rester responsable de ses actes. Merci.

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